Huiles
Vous trouverez dans cette rubrique une sélection des Oeuvres de Jacques Rugani.
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Les mots et les songes.
Blotti dans son lit il rêve sur le chemin des paradis improbables. La substance du monde n’est pas toujours très réelle. Il voit, il imagine au loin, le monde, les gens, ces gens qui sont et qui font le monde, et tous on y danse prit dans sa ronde.
On songe, on rêve à d’autres mondes, au paradis. On se dit que ça ne peut pas être ici, qu’il faut des amis. On croyait à l’utopie, mais on nous a menti, tout est faux.
On a ouvert des livres, découvrant des mondes, libérant des songes. Des promesses jamais tenues, des chemins ténus vers la lune, des substituts de réalité qui ne peuvent que s’effondrer, des évasions toujours ratées, des espoirs à décevoir. Le monde finit toujours par nous rattraper, et quelque soit le songe il ment !
Le vide est mensonge, le plein est mensonge. Nous ne sommes rien et nous sommes tout. Nous ne sommes rien de plus que les autres. Brèves rencontres et les sourires glanés, ramassés dans les filets pourris de la vérité. Illusion d’exister. On s’assoupit en toute innocence, on risque de trébucher. On a bien peu à offrir, pour illuminer les rêves, l’avenir, nourrir la vie. On se ment à soi même, pour continuer coûte que coûte. On se trompe de route, on vacille dans le vent du doute.
Les autres qui trompent et qui mentent sont loin, on ne les connaît pas. Ils dirigent le monde, influencent nos vies, guident nos envies et sélectionnent les mots que nos lèvres esquissent. Les brumes de notre conscience ressemblent à celles des matins. Les mots eux-mêmes ne sont pas les choses que l’on décrit, mais l’image du monde qui se reflète dans nos yeux vides. Les mots mentent, mais à dire les mensonges, ils les clouent sur le passé glacé, les libèrent dans des souffles d’air qui les emporteront loin dans le ciel où les nuages passent et s’effacent. Ils sont pourtant l’unique arme contre l’oubli, la dernière litanie pour lutter contre la disparition et la mort. L’ultime réceptacle de la conscience fulgurante, immense, irréductible, qui trouve refuge dans ces sons, ces gribouillis. Et pour décrire la vérité du fond de notre vie, on doit mentir un peu, forcer le trait, sinon qui nous entendrait. On croit livrer son âme, offrir son coeur, on fait naître les drames, fleurir les erreurs. Les mots masquent ce que les gestes tentent, franchir la frontière des corps, combler l’attente. Nous sommes devenus des beau parleurs, d’infatigables jacasseurs. Nous exilant à jamais de la simplicité primitive de la nature. J’ai faim, tu tues, nous mangeons, ils vivent. Cette évidence masquée par les discours qui nous emprisonnent dans les ronces folles des délires enfiévrés. Pourtant parfois la vie est encore plus étrange que les mensonges.
Cette vie fragile, futile est notre bien le plus précieux que l’on essaye d’apprivoiser par des mots menteurs, des rêves qui nous éloignent de la chaleur du présent. Chaque seconde est un présent fragile, cadeau inespéré, qui attend qu’on l’abrite sous nos vêtements, serré contre notre coeur, qu’on le réchauffe à notre peau, contre les bourrasques de la vie, les tempêtes et les cris. Les songes nous emportent. L’espoir nous porte, vers demain à petits pas. Alors les rêves même si ça ne remplit pas le ventre, c’est déjà ça. C’est mieux que rien.
Le monde songe. Le songe ment. La réalité attend, alors on s’y plonge, sans mots arrogants, à petits pas hésitants. Le bourdonnement du sang envahit les tempes et le front brulants. Dans la lumière des mots nous attraperons les rêves pour déchirer les ténèbres, briser les malédictions funèbres, dire malgré tous les mensonges, nos rires, nos rêves, nos vies et nos songes.
Sur le lit il s’est envolé dans les songes et les mensonges. Le bras encore garroté, la seringue a roulé sur le plancher. Le revendeur lui a donné une mauvaise camelote, le fourgue l’a floué. A la fin, on se fait tous berner.
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libre de vivre ma vie sans mensonge….
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L’arbre
Yann était, semble- t-il, le dernier de ces justes qui ont toujours cru en l’Homme. Il y a déjà longtemps, ils venaient souvent lui rendre visite dans sa modeste demeure. Cravatés, costumés, ils envahissaient son petit territoire avec micros et caméras. Ensuite, précipitamment, ils repartaient, pensifs, en méditant les conseils et sa perception du monde qu il leur avait généreusement donnés, laissant derrière eux quelques parfums douteux d’après rasage, de tabac et de café. Puis tout rentrait dans l’ordre. Alors Yann s’asseyait sous l’arbre centenaire qui somnolait doucement près de son potager et ils regardaient, tous les deux, le jour s’éteindre.
Le soleil incendiait au loin la forêt et déversait ses laves rougeoyantes sur la campagne pendant que la nuit courait déjà dans les chemins creux et derrière les haies.
Yann aimait intensément ces bouleversements, ces moments où tout bascule, où tout est effrayant. Il frémissait à l’heure bleue, il tremblait parfois pendant cet instant infinitésimal mais grandiose où le temps s’arrête lorsque la Terre se tait. Il avait alors le sentiment de boire les quelques gouttes de vie qui sourdaient de l’éternité. L’arbre près de lui le rassurait: il en avait vu bien d’autres. Pour rien au monde, Yann n’aurait raté ces instants.
Aux gens de la grande citée, il leur apprenait simplement la société humaniste, il leur racontait la sobriété heureuse. Se comprenaient-ils vraiment ? Parlaient-ils le même langage ?
Leurs visites se sont peu à peu espacées et puis Yann comprit un jour qu’ils ne reviendraient pas car des choses plus préoccupantes les retiendraient dorénavant dans d’autres lieux. Un journaliste bavard, peut-être plus éclairé, mais inquiet, lui avait dit que probablement les dernières gouttes d’or noir étaient en train de sortir de terre. L’humanité auraient-elle épuisé enfin le sang de la Terre, le sang du passé lointain des forêts inconnues et vierges?
Subitement la campagne alentour se fit bruyante. Pas le chant des oiseaux, ni celui des insectes, non plus la musique du vent dans les branches ou les feuillages. C’était le bruit des arbres qui tombaient et craquaient, le bruit des machines qui coupaient et portaient ensuite les corps démembrés plus loin, là-bas.
Comme libéré de tout lien avec la terre, le ciel disparut peu à peu. Les environs baignaient à présent dans une clarté laiteuse, un peu moite. Cette même clarté qui, parait-il, noie les sous-sols des grandes citées.
Yann pris alors l’arbre dans ses bras et serra très fort. Il sentit sur sa joue les lèvres verticales de l’écorce profonde et tiède. Dans l’air immobile, les feuilles frémirent.
– Aurais tu peur toi aussi, mon ami ?
Ce soir-là, la nuit ne vint pas, ce fut leur dernier rendez-vous à la marge du monde.
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Marie-Thérèse Chatard Suresnes, début mars 2014 .
[14] Longyan (longane en français) signifie œil de dragon. C’est un fruit très proche du litchi.Entrez le nouveau texte ici. Vous pouvez effectuer un copier/coller depuis Word
Jour de fête
Moi, j’aime mon métier.
Il y en a tant qui exècrent le leur, trainant les pieds en se levant, déprimés à la pensée de la journée qui commence, du travail qui les attend ou des chefs qu’ils n’aiment pas ou qu’ils craignent, et dont ils devront supporter la présence, la surveillance, les observations et parfois les critiques jusqu’au soir lorsque les portes du bureau, de l’usine, de l’atelier ou du chantier fermeront.
Ce n’est pas mon cas.
Le matin, je suis enthousiaste, heureux à la perspective des heures à venir. Je chante, je sifflote en me rasant, le petit déjeuner est une fête. Lorsque ma belle Marie- ma femme- me rejoint dans les odeurs de café noir, c’est le bonheur.
J’enfile ma tenue avec plaisir.
Je suis flic.
J’en suis fier.
Voilà cinq ans maintenant que je suis dans le métier.
C’est une vocation ; tout petit, à peine entré en Cours Préparatoire, je savais ce que je voulais faire plus tard. Combien de fois ai-je dit à ma maîtresse, à mes copains de classe : « Moi, quand je serai grand, je serai policier ! » Et plus tard au collège et au lycée, sans crainte d’affronter les moqueries !
Beaucoup de jeunes garçons rêvent la même chose- les autres veulent devenir cosmonautes, aviateurs ou pilotes de course- mais très vite leur envie passe, ils pensent à autres choses, ou à rien !
Moi, non. Mon désir n’a jamais faibli, ni changé : flic je voulais être.
Et flic je suis devenu.
Je me suis interrogé souvent- comme je le fais encore parfois- sur les raisons qui m’ont poussé vers ce métier. Mon père n’a pas prêché d’exemple- il était artisan couvreur- ni davantage ma mère, en charge de la maison et de la famille. J’ai cherché dans mes souvenirs des livres, des films, des bandes dessinées qui auraient pu m’influencer. J’ai mis dans la balance mon éducation, élevé dans la religion, les principes moraux, la connaissance du bien et du mal, le respect d’autrui. J’ai convenu que tout ceci avait dû jouer un rôle, mais que bien d’autres petits garçons de mon âge avaient vu les mêmes films, les mêmes BD, avaient reçu une éducation semblable sans vouloir pour autant devenir policier ; alors ?
Je n’ai pas trouvé la réponse à ma question, mais finalement est-ce important ? Ce qui l’est, c’est que j’aime mon métier et sois heureux de l’accomplir.
Au bout de mes cinq ans de service, je ne ressens aucune usure, aucune lassitude, bien au contraire : la passion a grandi, chaque jour plus forte.
Faire régner l’ordre et respecter la loi pour que la société tourne bien est un comportement naturel chez moi ; comme l’est celui de venir en aide aux faibles et aux opprimés en m’opposant aux voyous, aux hors la loi, aux méchants, à ceux pour qui la violence et la force priment, et en mettant hors d’état de nuire les voleurs, les violeurs, les détraqués sexuels, les criminels, les automobilistes qui sous l’effet de l’alcool ou de la drogue, mettent la vie des autres en danger …. tous ceux qui ne respectent rien ni personne… Il y en a tant ! Je me sens un peu comme un rempart, une digue protégeant la population des tempêtes et menaces extérieures, ou comme un chevalier de l’Ancien Temps, chargé de mission ! Et mon uniforme est comme un signe d’engagement !
Ridicule ? Risible ? Rigidité mentale ? Rêves ? Bataille perdue d’avance ? Nombreux sont ceux qui -enfermés dans leur monde égoïste et leurs intérêts- pensent ainsi de ma profession, sans comprendre la passion qui m’anime.
Mon caractère altruiste en serait-il la raison ?
Bref, je suis flic, et je ne me vois pas être autre chose.
La peur ?
Pas vraiment. Je ne la connais pas, pour ainsi dire. J’étonne chaque fois la famille, les amis qui m’interrogent à ce propos, le doute se lit dans leur regard, ils pensent forfanterie et galéjade de ma part, mais c’est la vérité pourtant.
Est-ce d’être titulaire d’une ceinture noire 3ème dan de karaté et d’une autre 2ème dan de tae kwon do, d’entretenir mes acquis 2 à 3 fois par semaine aux dojos de la police et du club local, et d’avoir pratiqué le rugby, sport de contact où l’on reçoit parfois et rend des coups, qui me donnent assurance et sérénité ?
Je ne suis pas violent, je suis d’un caractère calme, posé et pacifiste, je ne m’emporte jamais.
Non, je n’ai pas peur.
Et lorsque avec les collègues nous nous enfonçons dans les quartiers sensibles, et que des bandes de jeunes lors des contrôles nous entourent, haine visible, menace latente, non je n’ai pas peur. Ce n’est pas de ma part méconnaissance du danger, mais ce danger ne m’effraie pas.
Beaucoup de mes collègues au fil des ans se crispent : les coups physiques et les injures reçus, et chaque jour la haine du citoyen, sa crainte ou son mépris à supporter laissent des traces ; insidieusement en eux la peur et la violence diffusent; moi pas.
Je suis un peu comme un bateau dans le gros temps, qui suit sa route sans roulis ni tangage, dont la coque reste vierge d’algues et de coquillages, et sur laquelle la rouille n’a pas de prise.
Je suis bien dans ma peau de flic.
Il y a trois jours, avec mes équipiers et une centaine de CRS- j’ai participé à une opération « coup de poing » dans un quartier chaud de la ville.
Quartier gangrené par les petits gangs, les jeunes voyous, les malfrats en tous genres, organisant le racket et les trafics, drogue en tête, y compris celui des filles. Du banditisme à petite échelle, amené à grandir et prospérer si rien n’est fait. Les jeunes ? Des sans éducation, sachant à peine lire et écrire, ayant rompu très tôt avec l’école, sans morale, sans foi ni loi- sauf les leurs et celles de leurs grands frères, voyous eux-mêmes. Les parents ? Démissionnaires depuis longtemps ! Et complices parfois ! La seule autorité que tous ceux-là connaissent, c’est la force et la violence, les leurs… et celles des flics !
L’opération fut bien menée : quartier cerné tôt le matin et ratissé très soigneusement, personne ne put échapper aux contrôles.
De la dizaine d’individus appréhendés, cinq sont depuis sous les verrous.
La justice va maintenant faire son oeuvre, mais ces cinq là devraient y demeurer un bon moment : ce sont de vrais méchants.
Je connaissais bien le terrain, ayant vécu mes jeunes années dans le quartier. Les coins, les recoins, les « passages secrets », les caves, les repères n’avaient aucun secret pour moi. Pareil pour les indiens locaux : les marginaux, les déjantés, les caïds ou ceux qui allaient tourner mal, engagés sur le mauvais chemin, de toutes couleurs : blacks, beurs, blancs ou asiatiques, j’avais pour tous en tête leur portrait, leur nom, leur famille.
Le rapport que j’en fis à mes chefs fut aussi précieux que l’or. Ainsi bien informés, les groupes d’intervention purent agir efficacement, tendre un filet hermétique et faire bonne pêche.
Mes chefs ont apprécié. « Bravo » m’ont-ils dit, eux si avares d’encouragements. Ils m’ont félicité pour mes renseignements, et mon action lors de l’opération : j’ai été de ceux qui ont mis la main sur le chef de la bande et son second.
Je le connaissais, ses parents et son frère cadet aussi ; nous avions grandi ensemble dans le même carré d’immeubles, avions fréquenté la même école et le même collège, mais ensuite….nous étions devenus l’un pour l’autre, lui un adversaire à combattre, moi un ennemi. Le cadet avait d’ailleurs viré pire que l’aîné, mais hors de la zone ce matin là il avait échappé à la rafle. Je l’avais aperçu en fin d’opération, très à l’écart dissimulé au fond d’une encoignure, suivant les évènements et son frère menotté emporté en fourgon : lorsque nos regards se sont croisés, j’ai deviné le sien empli de haine ; et j’ai bien vu son signe de la main: le pouce vers le bas.
Je n’ai pas éprouvé de plaisir particulier à l’arrêter, juste celui du travail réussi ; pas de plaisir sadique, ni de revanche, rien de cela, seulement la satisfaction du travail accompli, et d’avoir contribué à une victoire du bien sur le mal.
C’était il y a trois jours.
Aujourd’hui est un autre jour et ce soir c’est la fête de ma femme- ma belle Marie.
Je l’aime tant. Si jolie, si douce, si aimante.
Elle m’aime autant que je l’aime, et notre amour embellit chaque jour.
Et depuis la naissance de notre petite Laura, il y a maintenant 2 ans, mon bonheur- notre bonheur- est à son comble.
Mon amour m’habite presque chaque instant : même au travail, je pense à elles.
C’est ainsi.
J’ai acheté un gros bouquet de fleurs.
Ce matin, devant le bol de café noir, j’ai murmuré à ma Marie amoureusement au creux de l’oreille : « bonne fête, Marie », et au bureau, avant de partir pour la ronde habituelle, j’ai recommencé au téléphone. Ce soir, la vaisselle des grands jours étincellera sur la nappe blanche brodée de fleurs, Marie avec son beau sourire malicieusement me demandera : « Devine, mon chéri ? » en apportant les plats surprise préparés au long du jour, peut-être même la veille, par elle avec grand soin, et une vieille bouteille millésimée ; de sa chaise haute Laura nous adressera ses sourires et ses babils, jusqu’à ce que le sommeil l’emporte dans ses songes et rêves d’enfant.
Les fleurs sont des marguerites blanches, des tulipes rouges et des glaïeuls : les fleurs préférées de Marie.
J’ai téléphoné que je rentrerai un peu plus tard, retenu par une intervention. Elles m’attendront sans impatience, avec la joie au cœur.
Il est vingt heures pile. Je quitte le commissariat, où j’ai laissé mon arme, comme chaque fois en fin de service.
J’ai téléphoné à Marie que je suis en chemin ; un message court : « Marie, j’arrive ; je t’aime ».
Il n’est pas tard, mais la nuit est déjà là. Métro : il y a du monde, les gens se serrent, 20h est encore heure de pointe. La lassitude se lit sur les visages, chacun voudrait être déjà chez soi : bureau, usine, chantier, cela suffit pour aujourd’hui. Je protège mon bouquet autant que je peux.
Deux changements, puis plongée dans les rues.
J’habite un quartier calme, des immeubles bien tenus. Ce n’est pas un quartier de voyous. Des lumières brillent aux fenêtres, c’est l’heure du dîner, j’aperçois des ombres mouvantes dans les cuisines d’où s’échappent des odeurs agréables, les télévisions sont en marche dans les salons : la fin des infos de 20h sûrement.
Je me sens bien, la journée a été bonne. Je rentre sans hâte heureux de retrouver les miens.
Encore une centaine de mètres, puis je serrerai dans mes bras ma Marie et ma puce, mon bébé, Laura. Oh, comme j’ai de la chance de connaître un tel bonheur !
Encore quelques dizaines de mètres, le point sombre où l’éclairage est défaillant- le syndic et la mairie ont décidé d’agir dans les prochaines semaines- et la cage d’escalier.
Soudain, mon attention se fixe, mon corps se tend ; sens en alerte, mon cœur a quelques battements de plus
Des silhouettes s’agitent silencieusement dans l’ombre : trois, non : quatre.
Toutes habillées de noir, accompagnées parfois d’éclairs d’acier.
Je tressaille : j’ai compris à la seconde même.
Et je connais le scénario.
Pour ce guet-apens, ils sont quatre, chacun à visage découvert, sans cagoule, sûrs de leur victoire et de leur impunité, me sachant seul sans arme ; ils veulent donner la mort ce soir, vite, sans bruit et sans témoin ; et me faire savoir qui me la donne.
S’avançant légèrement, battant sa main de sa barre de fer comme un message funeste, l’un deux rompt le silence, crachant sa haine: « Pour mon frère, ce soir, ordure, ça va être ta fête ! »
Oh, ma Marie, comme je t’aime ! Oh, ma Laura, ma toute petite, si tu savais comme ton papa t’aime aussi !
Non ! Je ne vous quitterai pas ce soir ! Non, ce soir ne sera pas notre dernier soir !
Non ! Ces chiens ne me tueront pas!
Non, Marie, tu ne seras pas veuve le jour de ta fête! Aucun pleur ne ternira ton joli visage ni ton gracieux sourire ! Non, ton cœur ne se fendra pas de désespoir en me voyant mort sous nos fenêtres! Non, tu n’apporteras pas chaque année des fleurs sur ma tombe dans ta robe de deuil ! Non, Marie, non ! Et ton époux ne sera pas voué à survivre en chaise roulante, épave impuissante et tête défaite, jusqu’à sa fin !
Et toi, Laura, ton papa ne mourra pas ce soir ! Tu le verras demain, et après-demain, et tous les autres jours, il te prendra encore dans ses bras, et t’embrassera mille fois, comme hier ! Il te verra grandir, sourire encore, heureuse ! Oh, oui, nous jouerons encore ensemble ! Oh, oui, ensemble nous irons à l’école, main dans la main, puis reviendrai te chercher, tu me montreras tes cahiers, tu parleras de ta maîtresse, de tes gentils amis de classe. Plus grande tu seras fière de me montrer tes jolies robes, et comme tu seras belle !
Je n’ai pas peur.
Non, ces chacals ne me tueront pas ce soir !
Ce sont eux qui vont souffrir, mourir peut-être
C’est sûr : ce soir sera leur fête !
Joyeux Noël
– Non pas là, un peu plus bas. Oui, c’est ça, comme ça.
Paulette Debecker s’exécuta mollement. Elle fixa sans conviction l’étoile lumineuse au sommet du sapin. Tous les ans, elle avait le vertige et la tremblote en effectuant cette ultime opération. Maurice était à présent trop lourd pour l’échelle, alors elle se résignait à effectuer cette acrobatie sous la dictature éclairée de son mari.
– Nom de Dieu ! Tu l’as accrochée de travers, faut t’le dire comment ! Ma pauvre fille t’as vraiment pas le compas dans l’œil !
Paulette était remontée sans piper mot, et d’un petit mouvement giratoire avait donné l’équilibre parfait à la décoration. Avec le vent, elle devrait remonter tous les soirs jusqu’à la Noël. Maurice ne rigolait pas, c’était un perfectionniste de l’illumination. C’était son dada, sa raison de vivre depuis plus de vingt ans.
– Bon, bah qu’est-ce que t’attends ! Tu peux descendre, on va attaquer la gouttière.
Il faisait un froid de canard, Paulette avait la goutte au nez et les doigts gourds. Tout ce cirque, ce n’était plus trop de son âge. Les rhumatismes avaient eu raison de sa souplesse. Lui restait là en bas, comme un général dirigeant ses armées. Il était à l’abri de ce vent qui la glaçait jusqu’aux os. Confortablement installé sur la toile bayadère du pliant qui servait à regarder le Tour de France à la belle saison, il pointait du doigt l’alignement approximatif des ampoules sur la gouttière. Une blanche, une rouge, une blanche, une rouge. Enfin, si tout allait bien…
Pour l’instant on n’avait pas envoyé le jus alors on ne pouvait pas encore juger de l’effet. Le compte à rebours avait commencé. Maurice se mettait la pression pire qu’avant un lancement de fusée à Cap Canaveral. Plus que deux jours avant l’embrasement de la répétition générale.
Les pensées de Paulette vagabondèrent pendant un instant et s’envolèrent avec la petite fumée qui s’échappait de sa bouche. Elle se souvenait à présent de cet achat qui avait transformé la joyeuse période de l’avent en un douloureux cauchemar. Maintenant, il y avait l’avant et l’après. Deux mois pour installer, et autant pour démonter et tout ranger dans les cartons soigneusement étiquetés jusqu’à l’année suivante.
– Faut te le dire en chinois ou quoi ! C’est pas droit !
Les chinois, enfin l’Asie tout entière, étaient en partie responsables de la tyrannie de Maurice. Avant le fluorescent, le phosphorescent, le clignotant, on se contentait des santons peints à la main. C’était un souvenir de leur voyage de noces sur la Côte d’Azur, elle y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Noël était alors un jour de fête chaleureux, et les décorations ne franchissaient pas le seuil de la maison.
Oui, un jour de fête. Même si on n’avait pas de petit à gâter.
Leur union était restée stérile, pourtant ce n’était pas faute d’avoir tout essayé. Mais son corps refusait la semence de Maurice, son ventre ne lui avait jamais offert de nid assez douillet pour s’épanouir. Pendant que Maurice enflait comme la grenouille de la fable de La Fontaine, elle se desséchait, elle était devenue brindille prête à s’envoler du haut de son échelle. Un petit phasme ridicule qui se fondait dans le décor.
– A gauche, oui là on dirait que l’ampoule est cassée ? T’as mis tes yeux ou pas ?
Elle se pencha délicatement, presque à l’oblique. Dévissa l’ampoule défectueuse et la remplaça. Poche droite rouge, poche gauche blanche.
– T’as bien mis la bonne couleur, fais pas comme l’année dernière.
Sacré vent, parfois elle le bénissait car il était une excuse providentielle pour ne pas répondre. La nuit tombait, demain serait un autre jour, elle était épuisée.
– Qu’est-ce que tu fous ! on n’a pas fini !
– On verra demain pour la suite, j’y vois plus clair et j’ai froid.
– T’es qu’une petite nature, on est en retard sur le planning !
– Le planning de quoi, Noël c’est d’abord un jour de fête. J’suis fatiguée Maurice. L’année prochaine faudra que tu trouves quelqu’un d’autre pour faire tout ça, moi c’est la dernière fois.
C’était dit. Plutôt bien dit. Mais cela ne fut pas au goût de Maurice.
– C’est c’qu’on verra, il a répondu.
C’est tout vu, s’était-elle surprise à penser pour la première fois. Comme si la graine d’une sourde révolte venait de germer. Assurément, cette graine là avait trouvé sa place pour pousser.
Ce Noël, elle le voyait différent. Son surplus d’amour, elle le distribuait avec les cadeaux d’une association caritative qui améliorait le quotidien de familles déshéritées. Un repas de fête leur serait offert, elle ferait partie des bénévoles. Elle aimait ces enfants, ces gens généreux qui le lui rendaient bien.
Comme d’habitude, Maurice passerait son réveillon à guetter les voitures qui ralentiraient pour admirer son œuvre époustouflante. Il se considérait comme le Facteur Cheval de l’ampoule électrique. Elle ne lui avait pas encore annoncé qu’il passerait son 24 décembre tout seul, elle avait encore une semaine pour le faire. Elle redoutait ce moment.
La soupe était servie dans les assiettes creuses. Ils s’attablaient face à face. Seul le bruit des couverts cognant la faïence rythmait les commentaires du présentateur du journal télé. Ils n’étaient plus que deux passe-murailles à la routine terne et désespérante. La vapeur odorante et réconfortante du potage fit à nouveau s’évaporer les idées de Paulette. Elle n’entendait plus que l’écho lointain du bruit de succion disproportionné qu’émettait Maurice en aspirant sa cuillère.
Oui, c’est ça, le premier, c’était un Père Noël sur son traineau avec des rennes, elle ne savait plus combien deux ou quatre, enfin ça marchait par paire ces animaux là. Le supermarché faisait la promo de ces merveilles venant de Chine et ne consommant pas plus qu’une ampoule 100 watts.
– On pourrait le mettre au-dessus de la porte, ça ferait un peu de gaité à l’entrée du village, comme qui dirait ça donnerait le sentiment d’être accueilli.
– Si ça peut te faire plaisir, elle avait répondu.
C’était l’année de sa ménopause précoce, son allergie aux poils d’animaux rendant tout espoir de substitut canin ou félin possible, ce Père-Noël lumineux lui sembla être une concession acceptable, une piètre consolation pour Maurice. Ce fut le début d’un engrenage fatal.
L’année suivante, il fit l’acquisition de feuilles de houx géantes avec en lettres dorées un Merry Christmas dont Paulette tarda à comprendre le sens. La même année, pendant les soldes estivales il acheta vingt cinq mètres de guirlandes du 14 juillet. Il ferait disparaître le bleu, en repenserait totalement la configuration et l’alternance des ampoules. D’années en année la production asiatique innovant, le stock de Maurice s’étoffa. Il décida que la voiture dormirait dehors, ainsi les guirlandes seraient à leur aise et au sec. Il classait ses articles par thèmes, il respectait une chronologie qui échappait totalement à Paulette. Comme un entomologiste féru, il écrivait avec application des étiquettes codifiées avec un marqueur dont l’odeur indisposait sa femme.
Les mécanismes de clignotements étaient de plus en plus perfectionnés et miniaturisés. On pouvait choisir la vitesse de la propagation de la lumière et donc ménager des effets qui feraient certainement l’admiration de tous les voisins, même si le premier habitait à huit cents mètres.
Après une dizaine d’années des folies éclairantes des Debecker, le voisin le plus proche, René Mouillard décida de partir chaque année pour les Antilles au moment des fêtes. Il fuyait ainsi l’animation saccadée des guirlandes de Maurice qui donnaient à ses nuits d’hiver l’ambiance d’un night club. Il avait l’impression de s’endormir sous une boule à facettes. Près des tropiques au moins, la lumière était stable et la chaleur délicieuse pour ses lombaires fatiguées.
Mais tout le monde ne partageait pas l’avis de René, le maire du village s’enorgueillissait chaque année de cette animation inespérée qui ne lui coûtait pas un centime. Il alerta la presse locale qui fit l’éloge du sens artistique de Maurice. Ce dernier posa fièrement sur la photo qui illustrait l’article, son Père-Noël sur les genoux. Pour un meilleur rendu, le reporter avait attendu la tombée de la nuit, on avait installé « L’illuminé éclairé » devant le sapin et branché les rennes avec la rallonge de la tondeuse. Paulette lui trouva un air étrange, son visage rubicond éclairé par cette myriade de minuscules loupiotes.
– Tu manges pas, ça va être froid. Les yeux dans l’bouillon c’est pas bon. Paulette, j’te cause.
Mais Paulette était ailleurs.
Ce fut l’effet boule de neige, la télévision régionale vint le filmer. Il était si fier de montrer sa fabuleuse installation. On venait de toute la France entre le 20 décembre et le 3 janvier pour admirer sa maison. Il reçut la médaille de la Région et tomba la même année dans la vente par correspondance. Paulette restait la petite main ignorée, collaboratrice hors pair de l’éclairage, devenue par la force des choses spécialiste des voltages et boites de dérivation. Elle ne haussait jamais le ton en recevant la facture d’électricité, soulignant juste avec humour que l’EDF devrait lui faire un tarif spécial comme il s’était mis en tête de faire de l’ombre à la Tour Eiffel. Elle ne protestait pas en classant les factures dispendieuses de Maurice dans la chemise « Matériel de Noël ». Elle n’avait rien dit non plus lors de son voyage pour participer à un concours européen d’illuminés. Il avait été coiffé sur le poteau par un belge communiste qui ne jurait que par le rouge, sa chute du Kremlin fut flamboyante. Maurice rentra dépité malgré une réinterprétation honorable de la prise de la Bastille. Cela lui aigrit le caractère. Ce voyage sonna le glas de sa carrière internationale. Il mettrait le paquet à Noël, un point c’est tout.
– Je ne serai pas là le 24, annonça Paulette, l’association a besoin de moi.
Maurice s’étrangla entre la poire et le fromage.
– Mais je te ferai ton manger avant de partir, tu n’auras qu’à réchauffer.
– Pas question.
– Je t’installerai le fauteuil comme tous les ans devant la fenêtre, tu ne rateras pas les voitures.
– Pas question.
– Tu me diras ce que tu veux pour ton menu.
Paulette se leva, débarrassa la table en silence pendant que Maurice jurait les cent mille bon dieu, son double menton tremblait de colère.
– A demain.
Voilà c’était fait. Sans appel. Inutile de le dire, ça ne passerait pas comme une lettre à la poste. Il avait le temps de digérer la nouvelle.
Ils faisaient lit à part depuis que leurs corps ne ressentaient plus la nécessité de s’imbriquer, c’est-à-dire depuis un bon bout de temps. Ils se tournaient le dos pour s’endormir dans des lits séparés. La bataille était parfois rude pour la maîtrise de l’interrupteur de la lampe de chevet commune. Une pièce supplémentaire leur eût épargné l’écho de leurs ronflements. Mais « Noël » avait envahi la chambre d’amis après le garage.
Pendant les jours qui suivirent, Maurice fut odieux.
Le 20 décembre au soir, la générale fut concluante, la maison des Debecker éclairait à des kilomètres à la ronde. Le lendemain plusieurs flashes crépitèrent sous leurs fenêtres, certains devaient avoir le sens du détail, comme ceux qui filment les buffets pendant les croisières.
Paulette changea les dernières ampoules, s’assura que tous les branchements étaient opérationnels. Le vent avait tourné à l’ouest et ramenait des nuages gonflés d’une intense humidité qui réveillait ses douleurs.
L’après-midi du 24 décembre, Maurice resta plongé dans ses catalogues projetant pour l’année suivante un dispositif de commande à distance. Paulette lui avait préparé un menu de fête : coquille Saint-Jacques à la Bretonne, pigeonneau aux raisins qu’elle avait pris soin d’envelopper dans du papier alu afin d’éviter un desséchement fatal, et une mini omelette norvégienne achetée le matin même à la pâtisserie de Madame Labbé. Elle avait comme promis dressé une petite table joliment décorée près de la fenêtre. Il aurait ainsi une vue imprenable sur la route, sur les gens qui s’arrêteraient faire « La » photo sur le chemin des réjouissances familiales. Une quiétude bienfaisante baignait la maison toute entière, Paulette avait soigneusement disposé le petit Jésus dans la crèche. Pour une fois elle raterait la messe de minuit. Elle avait besoin de regards chaleureux, de rires d’enfants, pas de bénis oui-oui hypocrites qui se confessaient une fois l’an.
Maurice ne lui adressa pas la parole lorsqu’elle enfila son manteau pour rejoindre la salle polyvalente ou serait servi le repas de l’association. Elle l’avait trahi, et manquerait l’apothéose du réveillon : une petite surprise lumineuse dont il gardait l’exclusivité jusqu’au dernier instant.
La grande salle était parée pour ce jour de partage. Au pied d’un énorme sapin magnifiquement décoré attendaient des cadeaux scintillants et multicolores. Le Père-Noël sans nul doute serait passé plus tôt ici. Il y avait toujours des dérogations plus ou moins embarrassantes pour ce genre d’occasion, comme pour les arbres de Noël des grandes entreprises qui avaient tous lieu fin novembre.
Les familles arrivèrent petit à petit, un « Gloria » joué à la trompette accentuait le côté festif et bon enfant de la rencontre. Paulette était aux anges justement. Cette lumière dans les yeux des enfants valait bien toutes les ampoules de la terre, les sons et lumière de tous les châteaux de France et de Navarre. Elle se sentait magicienne ce soir, la meilleure pyrotechnicienne de l’univers quand les enfants ouvrirent leurs paquets avec des yeux grands comme des phares.
Elle posa doucement sa main sur son tablier pour dire au petit qui n’était jamais venu qu’elle l’aimait quand même.
Les convives s’installèrent à table mais on n’eût pas le temps d’entamer le repas. A peine les grands plats inox de saumon norvégien d’élevage posés sur la nappe, l’obscurité se fit. Tout le village fut plongé dans une obscurité totale. On pensa au grille-pain qui saturait avec les toasts.
Maurice venait d’allumer pour le grand soir.
Les larmes aux yeux, Paulette murmura alors à son intention : « Joyeux Noël ».
Les soleils d’Amélie
Penchée sur la vitrine, Amélie scrute à travers son reflet l’intérieur du magasin. La boutique paraît déserte et soulagée, la petite y pénètre sans plus d’hésitation. Au fond, la porte de la réserve est entrebâillée, et le vieux marchand invisible. Elle pourra détailler tranquillement les fusées et autres feux d’artifices rangés sous la poussière des étagères.
La Petite Amélie progresse dans les allées étroites du magasin, sans s’attarder devant le rayon des pétards. Elle aime l’odeur de souffre que dégage leur fumée quand ils ont éclaté, mais déteste leurs détonations qui la font toujours sursauter. Plus loin sont alignées des boites de fusées aux trainées multicolores ou aux nuées d’étoiles crépitantes. Elle ralentit devant les chandelles aux pluies de paillettes dorées, se faufile entre les lampions aux reflets multiples et colorés. Au fond du magasin, dans une pagaille de boites poussiéreuses, des étiquettes décrivent des gerbes ascendantes, crépitantes, aux séquences multiples de bruits et de couleurs.
« Pourquoi pas un volcan à la flamme rouge ou même une fontaine d’argent ? » pense-t-elle. Elle imagine des traînées lumineuses, leur éclat de diamant, puis une comète rouge traversant le ciel comme un jet de feu, illuminant maisons et jardins autour d’elle.
Tous les ans c’est le même souci : elle a pris l’habitude de fêter la nouvelle année par un jeu magique de lumière et de couleurs. Elle aime le spectacle de la nuit qui soudain s’illumine. Juste avant minuit, dans la froide obscurité du jardin, elle allume la mèche d’une fusée ou d’une chandelle qu’elle a soigneusement choisie. Pourtant, tous les ans elle connait les mêmes hésitations, suivies des mêmes regrets. Elle a beau étudier chacun des effets décrits sur les boites d’artifices, leur couleur, leur hauteur, leur temps de lumière, toujours il lui est difficile de se décider. Elle aimerait prolonger le spectacle, multiplier ces accessoires de lumière. Mais son budget modeste finit toujours par l’emporter et elle repart avec quelques secondes seulement d’embrasement. Immanquablement, la féérie qui baigne les yeux d’Amélie s’éteint avant la fin des douze coups de minuit, avant même le début de la nouvelle année. Dans l’ombre du jardin, elle entend alors éclater les pétards des fêtes alentour, et klaxonner tous ceux qui partent plus loin continuer la nuit.
Après avoir erré un long moment dans la poussière et l’odeur de soufre, Amélie a presque fait son choix. Elle abandonne le fumigène vert qui l’avait tentée l’année précédente et considère les deux objets qu’elle tient encore : l’un promet cinquante secondes d’une gerbe de feu, l’autre un halo rouge pouvant atteindre plusieurs mètres de hauteur.
» Je dois me décider », pense Amélie, « sinon c’est dans cette boutique que je vais passer le réveillon ».
Sans les conseils du vieux commerçant, elle n’arrivera pas à se déterminer. Alors pour attirer son attention, elle se racle la gorge, discrètement d’abord puis s’enhardit et tousse plus fort. Mais le marchand que l’âge a rendu sourd, n’entend rien. Amélie joue avec la porte du magasin, fait retentir la clochette qui s’y trouve fixée. Enfin les grelots font sortir M Fernand de son arrière boutique.
« Mais c’est la petite Amélie », s’exclame t-il. Habitué au rituel de chaque fin d’année, il devine immédiatement ce qu’elle recherche. « Approche » enchaîne t-il, « j’ai gardé pour toi un paquet qui va t’intéresser » Il lui tend une grande boite au carton coloré ; collée sur le côté, une étiquette annonce : Une fontaine d’argent, un volcan rouge, une chandelle à paillettes d’or et encore en dessous : échantillon-test. Ne peut être vendu. « C’est pour toi Amélie ; ce sera mon cadeau d’adieu ; la boutique est vendue, je prends ma retraite « .
Amélie s’empare timidement du carton, en étudie les images. Ravie elle sourit avec coquetterie, sans montrer qu’une de ses dents est tombée.
La nuit est arrivée, quand tenant son paquet contre elle, elle sort du magasin. Monsieur Fernand a ajouté un grattoir et trois longues allumettes dorées pour lui éviter de se brûler les doigts.
Amélie marche prudemment sur les trottoirs glacés, observe les fenêtres des maisons du quartier. Quand les rideaux sont ouverts, elle aperçoit les lumières des sapins, les gens qui s’affairent dans leur cuisine, les enfants penchés sur leurs jeux. Elle longe les dernières rues obscures, et s’engage dans l’impasse menant à son portail. Amélie connait toutes les pierres du jardin ; elle sait dans quels creux du terrain le froid vient déposer la glace. Elle sait, quand la pierre se réchauffe, où vont se former les lacs : ces petites flaques d’eau claire où vient boire Noisette le chat des voisins. Elle a longtemps joué à y noyer les fourmis puis à les sauver avec une herbe sèche. Amélie ne voit pas que dans le jardin sombre, la branche morte du cerisier s’est brisée, celle qui toujours a porté les fruits les plus rouges. Amélie trébuche et tombe. Le paquet s’échappe de ses mains tandis qu’elle s’affale. Sa tête rebondit sur la terre gelée, la douleur traverse son front et elle perd connaissance.
Longtemps après, Amélie reprend conscience : au loin son frère joue de la trompette ; les notes montent et descendent le long de la gamme qu’il répète. Puis la musique s’emmêle, la mélodie se fait insistante, lancinante, douloureuse. Elle n’entend plus qu’une note, toujours la même. Amélie ouvre les yeux, frotte ses cils collés par le sang. Son frère a cessé de jouer. Malgré le mal qui traverse sa tête, Amélie comprend que ce n’est qu’un concert de klaxons et qu’elle est seule, allongée dans la nuit. Elle tire son manteau sur sa nuque. Elle a froid et ses membres fatigués et gourds ne peuvent la relever. Le givre continue à tomber. Mais la petite n’est pas douillette, elle veut se redresser.
« Encore un peu » pense t-elle « et j’aurai retrouvé mes forces. » Elle referme les yeux. Derrière ses paupières sa mère lui tend un livre ; ce livre lourd, aux illustrations sombres, qui récompensait son premier prix ; un livre de contes étranges ou tristes. Elle s’est forcée à le lire, elle a fait semblant de l’aimer. Jamais elle n’a osé avouer à sa mère combien elle redoutait la noirceur de ces histoires, qu’elle déteste encore et pour toujours. Amélie revoit cette petite marchande d’allumettes, sa vie misérable, son destin pathétique ; cette enfant qui l’entrainait dans sa solitude et n’éveillait rien d’autre que la peur et la pitié.
Des coups de klaxons encore, la tirent de sa somnolence, la ramènent à la nuit. Elle ne sent plus ses jambes raidies par le froid, étend à grand peine ses bras. Amélie n’a pas oublié son paquet. A tâtons elle le cherche, le tire vers elle. De ses doigts gelés, elle déchire le papier pour en sortir une fusée. Elle frotte la première allumette, une fois, deux fois, dix fois, puis enfin enflamme la mèche. Une explosion de lumière transperce l’obscurité et dans la trainée lumineuse, mille paillettes d’or viennent éclairer Amélie.
La neige qui commence à la recouvrir renvoie comme un miroir les éclairs de lumière. Amélie et sa mère poussent la porte de la boulangerie. Chaque matin elles s’y arrêtent acheter le pain pour la cantine. Un petit pain, aux deux croutons dorés, que sa mère range avec soin dans le sac rose, avec la serviette de table. A l’école quand vient l’heure du déjeuner, Amélie n’a jamais envie de manger ce pain. Chaque jour, sa mère espère qu’elle le goûtera. Mais le soir Amélie le rapporte à la maison, désolée de ne pas l’avoir entamé. Pourtant le lendemain, toujours elles s’arrêtent à la boulangerie. Et tandis que les paillettes crépitent en retombant dans le jardin, par la porte entr’ouverte monte la chaleur du fournil. Amélie serre contre elle le sac au petit pain chaud et la main de sa maman.
« Ta petite main est chaude », lui dit sa mère, « j’aime quand elle réchauffe la mienne » Et Amélie fière, lui serre doucement les doigts en marchant vers l’école.
Quelques secondes encore de poussière magique et Amélie grelotte. Elle cherche la main qui l’a lâchée, ne trouve que le paquet des fusées. Elle craque la deuxième allumette qui vient brûler ses doigts. Et quand elle allume la mèche du volcan, une lueur rouge vient la recouvrir. La veilleuse du compartiment entoure d’un halo doux les petites filles qui s’endorment. Amélie et sa classe rentrent d’un séjour à la montagne. Sa tête lourde lui fait mal. Elle ferme les yeux et sent sur son front chaud la main de sa maitresse. « Amélie a de la fièvre » dit la voix de celle ci. Doucement elle cale la tête de la fillette sur ses genoux, lui allonge les jambes sur la banquette. Amélie laisse aller son visage contre les bras qui la tiennent et la garde des cauchemars. Le train balance et la berce. Le rythme du wagon s’inscrit comme une musique, au rang des souvenirs. Bien plus tard, certains jours de peine ou de solitude, sa mémoire lui renverra, au bout de la nuit, au détour d’un rêve, l’ombre des bras qui l’ont portée. Juste à la sortie du tunnel, le volcan finit de brûler. Dans ses mâchoires que le froid paralyse, les dents d’Amélie ne peuvent plus claquer. Sa mère de nouveau tend le livre détesté. Sur la page illustrée, Amélie se reconnaît : près de l’enfant aux allumettes, penchée sur son paquet, elle sort la dernière des fusées. La troisième allumette l’enflamme en cascade lumineuse et une nuée d’argent réchauffe l’air, le givre, la neige et les songes d’Amélie.
La chaleur du wagon détend son corps engourdi ; le front contre la vitre, elle regarde les paillettes lumineuses tourner dans les tunnels du métro. Le vertige lui fait fermer les yeux ; elle glisse le long de la porte, veut se coucher par terre, pas longtemps, juste pour reposer ses jambes molles. Elle ne sait pas qu’elle va tomber. Ce sont les bras de son père qui la retiennent, la soulèvent et la portent sur le quai : Amélie s’est évanouie, il n’y aura pas de sortie. De retour à la maison, elle sent la main fraiche de sa mère lisser doucement ses cheveux ; patiemment elle repousse chacune des mèches collées à son front moite, les ramènent délicatement derrière son oreille. L’enfant voudrait que l’instant ne change plus jamais. Malgré le mal de tête, elle savoure la présence de sa mère, la douceur de sa caresse et le long tête à tête. Sous la lumière diffuse de l’abat-jour, sa fièvre comme un trésor rayonne. Et bercée par l’ennui et la songerie de sa mère, elle finit par s’endormir.
Amélie se coule dans la chaleur des chagrins anciens. A travers ses paupières, la fontaine argentée éclaire ses souvenirs. Recroquevillée dans la neige, Amélie entame le précieux voyage, elle quitte la solitude glacée où elle n’a personne à retrouver ; elle retourne aux chagrins jamais consolés, à l’infini des regrets. Elle se moque d’être aussi seule que la petite marchande d’allumettes, aussi misérable qu’elle l’a toujours jugée. Au dessus d’elle, la nuit n’en finit plus de briller. Et pour la première fois, quand sonnent les douze coups de minuit, la fête d’Amélie vient à peine de commencer. C’est elle que l’année vient célébrer, pour elle que les soleils vont se lever. Dans la chaleur d’un lieu qui n’existe pas, elle reconnaît les douceurs nécessaires, les tendresses qui consolent, le repos éphémère des bras qui viennent l’entourer. Elle retrouve les souvenirs qui l’ont précédée, ceux qu’elle croyait perdus ou effacés. Elle invite détresse ou lassitude ; elle les tire de ses pensées, de sa mémoire et de l’oubli. Couchée dans une douceur impalpable, elle confie ses abandons, les émotions ravalées, l’indicible solitude qui l’a souvent accompagnée. Et pendant que le froid vient l’emporter, elle triomphe sous ces nouveaux soleils, de la nuit et du temps passé.
Tôt ce premier janvier, les éboueurs l’ont trouvée ; celle qu’on a toujours surnommée « la petite », est allongée sous le givre qu’un soleil pâle fait scintiller. Le corps abandonné ressemble à celui d’un enfant endormi. Les hommes penchent leurs visages fatigués, chiffonnés, pas rasés, sur la vieille femme. Ils reconnaissent Amélie, sa silhouette frêle déformée par les années. Un homme soulève le corps léger et sans vie. Un autre essuie la neige qui a figé le sourire, lissé les traits ridés ; il repousse les cheveux blancs collés sur la plaie. Puis il ouvre doucement la main d’Amélie, desserre les doigts fermés sur de fines tiges de bois, des bâtonnets à l’extrémité colorée ; trois longues allumettes dorées, qu’Amélie n’a pas enflammées. 6
Désert, mon ami
C’était prévu, je savais que cela se produirait.
Mais j’avais beau m’y attendre, j’ai ressenti tout de même comme un coup à l’estomac, une angoisse légère, lorsque c’est arrivé.
Mais mon émotion n’a pas duré.
Tout au long des mois, le sable avait grignoté mon jardin. Et depuis plusieurs semaines déjà, j’avais dû faire mon deuil de mes légumes : carottes, poireaux, haricots…qui faisaient la joie de ma table, comme de mes herbes aromatiques qui parfumaient mes salades ; fini le jardinage, retourner ma terre, arroser, désherber et cueillir ce qui avait poussé et mûri.
Une tristesse me vint, mais ne fit que passer et s’envola très vite comme un oiseau pressé : ce n’était que le destin en marche qui me saluait : « bonjour, c’est moi » ; je n’ai eu ni révolte ni colère, plutôt une sorte d’apaisement, comme lorsqu’on est à la veille de quelque chose qui va finir.
J’avais désormais du sable partout dans mon jardin dont les limites ne se distinguaient plus : la montagne de sable qui me faisait face, immense et si haute qu’elle me cachait le soleil, m’en avait fait cadeau.
Cette montagne, je la connaissais bien, je l’aimais, et je ne lui en ai pas voulu.
Aujourd’hui 3 février, le sable a touché les murs de ma maison.
En novembre dernier, sachant ce qui arriverait, la mairie m’avait incité à quitter mon logis pour un abri plus sûr, comme l’ont fait mes voisins dont les maisons sont recouvertes maintenant.
Mais je n’ai rien fait et je ne ferai rien. Je ne bougerai pas. Ma montagne- gentille- m’a épargnée longtemps: je veux rester avec elle jusqu’à ma fin.
Mon désert est si beau !
C’est un désert, un vrai, rien n’y pousse, il est plus authentique et désertique que bien d’autres déserts du monde qui verdissent et fleurissent dès la tombée de quelques gouttes, à en rendre jaloux les prés de nos campagnes! Ici, le sable reste le sable, virginal, pur, toujours égal à lui-même. Il est nu, mais tellement accueillant !
Mon désert s’appelle « Pyla » ; j’aime son nom, qui sonne bien ; souvent je l’appelle ainsi, comme je nommerais un animal familier, je marmonne et lui dis : « Pyla, tu es magnifique aujourd’hui, tu me plais » ou « Pyla, tu fais la bête à ronfler sous le vent comme tu fais », des mots gentils que je lui adresse quoi qu’il fasse, quelque soit son humeur.
Des gens idiots à l’esprit très étroit ont dit qu’il était « dune » et non « désert », qu’il était « fille » et non « garçon », trop petit pour être un vrai désert. Quels imbéciles ! Ils n’ont rien vu ni rien senti !
Oh, non, mon désert n’est pas petit !
D’en bas, il est immense, une muraille de Chine inaccessible, si abrupte qu’il est impossible d’y monter : faire un pas, c’est redescendre aussi vite d’un autre, et si par orgueil on insiste, ce sera cinq minutes, pas plus : le souffle manque, le cœur n’en peut plus, les jambes rendent l’âme ! C’est que mon désert a des caprices de diva, il aime être désiré et conquis de haute lutte !
Vu d’en haut, il est superbe, sa beauté coupe le souffle.
A perte d’horizon la forêt d’un côté, qu’il grignote peu à peu, et de l’autre la mer, à laquelle il fait barrage ; depuis des millénaires, il résiste à ses colères, tempêtes et ouragans, en faisant le gros dos : « vas-y, mer, déchaîne-toi, mais tu ne passeras pas ! » ; et la mer ne passe pas ; après mille échecs, la mer a compris et n’insiste presque plus ; elle le sait, mon « Pyla » est plus fort.
Sur son dos de géant, Arcachon et son bassin, le Cap Ferret et le banc d’Arguin se distinguent au loin ainsi que tous les bancs de sables qui affleurent et qui donnent à la mer mille couleurs. Minuscules, les bateaux des pêcheurs et les voiliers tracent leur route d’écume ; la mer n’est pas vide quand elle est de bonne humeur. Quel panorama, quelle majesté, quel silence !
Je ne suis pas seul à aimer mon désert : il apporte tant de bonheur à ceux qui lui rendent visite ; aux enfants, si nombreux au long des jours et des années, qui y jouent, rient, follement heureux de s’ébattre sur son dos de géant. Les instituteurs font leur leçon de nature : la mer, le vent, le sable, les oiseaux…et les élèves écoutent passionnément, comme ils n’ont jamais écouté ; c’est que la mer est là, à côté tout en bas, le vent, ils l’entendent siffler à leurs oreilles, le sable, ils sont dessus, il est chaud, doux et si fin. Les adultes vibrent à l’unisson, le sourire à leurs lèvres et la joie dans les yeux; ils admirent, ils photographient ; les amoureux sont plus amoureux que jamais, les baisers s’échangent, les mains se serrent ! On pique nique, on chante, c’est bonheur !
Là haut, toutes les langues s’entendent, le monde entier s’y donne rendez-vous. Certes la tour Eiffel fait mieux, mais dans le bruit et les poussières de la ville, ici ce ne sont que pureté et silence; mais attention, les jours de grand vent, de tempêtes, quel charivari ! Hostile, mon géant se hérisse comme un chat en colère, et son humeur devenue exécrable chasse l’intrus à coup de grains de sable, par milliers. Même moi, son voisin et ami de toujours, ne suis pas épargné ; ces jours là, je ne le contrarie pas : je le laisse tranquille, seul avec lui-même et lui dis : « A bientôt».
Je ne vais pas me barricader.
Je vais laisser ma porte ouverte. Le sable est mon ami, et je vais l’accueillir.
Ma fin arrive, aussi sûrement qu’avance ma montagne de sable : c’est écrit. Et je veux que ma vie s’achève chez moi dans ma maison, sous mon désert ami: j’y serai bien, au chaud, tellement mieux que sous une pierre tombale.
Mon désert se meut sous les effets du vent, ma fin suivra le même rythme et prendra le temps qu’il faudra. Je n’ai pas d’impatience, je suis prêt tout simplement, je n’ai pas peur.
Moi en lui, notre belle histoire d’amour continuera et n’aura pas de fin. Mon désert et moi, on ne se quittera pas.
Journée- bonheur
Non !
Non, je ne vous dirai rien de cette journée- bonheur que j’ai vécue aujourd’hui !
Pourquoi vous raconterais-je, dites-moi ? Pourquoi vous ferais-je plaisir, à quel titre, en quel honneur ?
Lecteur névrosé, voyeur, jouisseur impuissant !
Oh, ce matin, juste à l’aube, quand le soleil pointait son oeil rouge par dessus l’horizon, mon sexe s’est dressé comme une Tour Eiffel. Sans autorisation bien sûr, sans que je lui demande rien, de façon totalement autonome : « Je fais ce que je veux ! » m’a-t-il semblé dire, et il a fait ce qu’il a voulu ! Pour admirer l’astre du jour, le voir de haut, le mieux apercevoir sans doute- comme un spectateur enthousiaste pendant le Tour de France- et le saluer, lui dire bonjour : « Bonjour, Monsieur Soleil ». Je n’ai rien entendu bien sûr mais fort bien ressenti au bas ventre sa vigueur matinale; sa bonne humeur s’est propagée et m’a fait répéter comme en écho : « Bonjour, Monsieur Soleil ». Ce soleil rouge magnifique méritait bien notre double salut!
Mon bout de bois entre mes cuisses réclamait quelque chose- une douceur, un câlin ; il m’a tiré hors de ma nuit et de mes rêves et a sonné mon réveil le bougre !
Mon amie à mon côté dormait, son souffle à peine audible, sa frimousse émergeant tout juste du drap : cheveux ébouriffés noirs sur blanc, joues rosées et lèvres carmin, léger sourire sur un rêve passant, petit minois charmant que j’ai eu envie sur l’instant de croquer. Oh ! Quelle était belle sur le drap blanc ! Sous le tissu, sur sa peau douce et tiède, mon doigt puis ma main ont couru légèrement. Tendrement.
J’aime mon amie, ma belle aux draps dormant, elle partage ma vie, et tout est bien.
Ma caresse était emplie d’amour, seulement prémices du désir ; ma paume a effleuré le galbe de ses hanches, la rondeur des cuisses ; ses seins ont tressailli au contact de mes doigt. Mon amie a une peau fine très sensible.
Ses frissons l’ont un peu réveillée et je m’en suis voulu- un peu seulement- d’en avoir été sans doute la cause ; je me suis penché pour l’embrasser, effleurant ses lèvres tendres.
Alors, au sentir du baiser, elle m’a attiré près d’elle en m’enlaçant doucement. Ah, le collier de ses bras sur mon cou, ses lèvres sur mes lèvres ! Gestes d’amour si pur ! J’ai fondu comme beurre et neige au soleil, comme glace aux Tropiques !
Les rencontres amoureuses ne sont pas toujours réussies; souvent, c’est le rut brut, le coït animal, l’irritation des muqueuses et la tension des corps; l’acte achevé, le couple reste sur sa faim, il manquait trop d’âme et de tendresse au repas de l’amour.
Mais en ce beau matin- était-ce l’influence bénéfique de l’astre solaire en réponse à mon bonjour de l’aube- rien ne manqua pour nous aimer autant qu’il est possible. Nos deux êtres vibrèrent à l’unisson, entrèrent en résonance, en totale harmonie comme sous la baguette d’un chef d’orchestre. Elle a ouvert ses bras, sa bouche, et tout son corps à mon amour, je lui ai donné mes bras, ma bouche et tout mon corps en retour. Nous nous sommes reçus et donnés, complètement. Corps, cœurs, âmes, nos deux êtres tout entier se sont liés jusqu’à ne former qu’un : unique et complet.
Ce fut un moment d’amour et de bonheur merveilleux.
J’ignore vraiment pourquoi je me confie ainsi; je n’ai nul besoin de confident, et surtout pas de vous ! Mes amours sont mes affaires, pas les vôtres ! Oui, ces pages vont aller au panier, pour que vous ne les lisiez point. Non, vous ne saurez rien ! Lecteur libidineux qui se caresse entre les cuisses en me lisant !
J’ai laissé mon amie s’endormir à nouveau. Elle semblait si bien sous le drap blanc, le nez pointant dessus, détendue, abandonnée au sommeil et au rêve. Vraiment, c’eut été criminel de lui demander autre chose.
Dors, ma douce !
J’ai pris mes clubs de golf, et suis parti à la rencontre des greens.
Les premières heures du jour sont les plus belles : le soleil- peintre fait flamboyer le ciel, l’air expire un parfum singulier, les oiseaux heureux chantent plus haut, on se sent fort, vigoureux, vainqueur ; un jour nouveau est là à découvrir, à saisir et conquérir.
J’ai tapé quelques balles au practice pour m’échauffer puis direction le trou n°1.
Par 3, fer 7, beau swing bien coulé : le tee gicle en cabrioles tandis que la balle s’élève haut dans le ciel…dessine sa courbe…
…. et tombe à 1 mètre du drapeau !
1 mètre ! Coup d’essai, coup de maître ! Oh, lecteur binoclard, presbyte astigmate qui déjà sucrez les fraises faute d’exercices, vous ignorez ce que le joueur ressent lorsque sa balle monte, monte, monte…., fait sa danse puis retombe sur le green à frôler le drapeau ! Instant magique ! Oh, ignorant pour qui seul le lire donne plaisir! Prenez donc l’air !
Une joie extraordinaire m’a submergé, comme si soudain j’étais le créateur d’une œuvre d’art, d’un chef d’œuvre, d’un acte parfait et pur.
Mon jeu n’est pas souvent si brillant ; la rareté fait le prix, et pour ce très bon coup la récompense était ce bonheur rare.
J’ai putté et réussi le birdie : banco ! Oh le doux chant de la balle se lovant amoureusement dans le trou pour valoir 1 sous le par !
Lecteur atrophié, vous allez me dire d’un ton hautain fort méprisant: « Oui, mais à quoi ça sert tout ça, toute cette agitation ? » Eh bien je vous réponds : « A rien ! Mais c’est bon ! »
Toute la partie s’est déroulée ainsi, comme dans un rêve : magnifique bois 3 au trou n°2, le plus beau drive de ma vie au trou n°3 ; et ainsi jusqu’au 9 où deux bunkers frontaux défendent le green; le passage est étroit, à peine assez pour une souris; j’ai été la petite souris…tip tip tip… sur mes quatre petites pattes… et pof ! La balle est allée là où je voulais la mettre, nouveau birdie.
Au total, 28, 4 sous le par !
Qu’en dites-vous, lecteur abhorré ? Vous restez muet ? Ca vous en bouche un coin? Tant mieux !
Oh, la joie tout au long du retour !
Devant la boutique de fleurs, je me suis arrêté pour choisir un bouquet; l’intérieur est toujours frais, empli de parfums, de couleurs, de formes multiples et étonnantes et c’est un vrai bonheur d’y être; la fleuriste en plus ressemble au magasin, belle et souriante, tant qu’il en faudrait peu que je ne l’aime aussi; mon amie a une passion pour les fleurs, alors je veux lui en offrir en quantité, des gerbes, des brassées, des paniers, des bourriches…. Elle ne m’accompagnait pas ce matin sur le golf, mais sa pensée ne m’a pas quitté un instant ; c’est elle sûrement qui m’a rendu talentueux.
A mon arrivée, mon amie oeuvrait dans la cuisine, préparant quelque chose : « C’est secret » me dit-elle, me poussant gentiment hors de son royaume.
Elle était bien pimpante dans son tablier rose qui l’enveloppait des pieds jusqu’au menton. Ma caresse a effleuré son corps, son cou de jeune biche et mon baiser a couru tendrement sur sa lèvre; le sien en retour était aussi doux que le mien.
Elle m’a demandé : « As-tu bien joué ? » « Es-tu content ? »; je lui ai dit « Oui » et ma joie est devenue la sienne.
Plongeant jusqu’en leur cœur sa narine frémissante a respiré le parfum délicat des fleurs sans se lasser; ses yeux ont brillé de bonheur, elle m’a envoyé son sourire.
Mon amie aime faire la cuisine ; par goût mais plus encore pour me faire plaisir : elle sait combien je suis gourmand, gourmet autant, et que les délices de la table comptent pour moi.
Alors je la laisse faire, non pas pour me débarrasser, fainéanter, éviter une corvée- préparer des petits plats me plaît aussi- mais pour la contenter tout simplement, car je l’aime.
Aussi, ne voulant ni ne pouvant l’aider, je me suis installé -comme coq en pâte- en compagnie d’une bière et je l’ai attendue.
Elle était heureuse devant ses fourneaux, alors je l’étais également.
J’ai jeté un œil distrait sur une revue, un deuxième plus distrait encore sur le petit écran, après avoir couper le son pour mieux jouir du silence, entendre le chant de la cocote et les doux bruits de ma fée des cuisines, mieux humer les fumets arrivant jusqu’à moi.
Le bonheur est souvent simple: un amour partagé, deux êtres qui s’aiment, cela suffit ! Le notre était de cette nature: nous nous aimions.
Elle a crié gentiment : « A table » ; alors, poussant des grognements d’animal affamé, je me suis précipité, faisant mine de lui arracher le plat qu’elle amenait, la mordillant partout ; elle a feint d’avoir peur et se défendre, a ri, moi aussi. Lui jouer la comédie la ravit, alors je ne l’en prive pas.
Tout a été parfait, mon amie est un vrai cordon bleu, vraiment !
Ah, ah ! Je sens que l’eau vous vient à la bouche, hein ? Vous salivez comme un malade ? Et bien, vous n’aurez rien, pas un croûton, une pelure, ni même un bout de couenne, rien ! Ceinture ! Vous ne me connaissez pas : quand je dis non- surtout à vous- c’est non !
Mon amie veut que mes papilles éruptionnent, s’enflamment, chantent la gloire de la cuisine, clament haut et fort leur plaisir ! Alors, elle y met tout son art et son amour et réussit.
Je l’ai félicitée et remerciée pour chaque bouchée par un baiser, à lui user ses lèvres douces ! Elle sait combien je me délecte, alors elle est heureuse.
C’est tout juste si nous avons pu parler de quelque chose ! A peine parler du beau soleil dehors qui avait cheminé depuis l’aube et de la promenade que nous allions faire ; à peine parler des oiseaux picorant la pelouse, des enfants jouant non loin ; des quelques nuages blancs ça et là, de l’avion tout là haut tirant sa traînée blanche, peut-être depuis les îles lointaines. La journée était belle, une journée douce de printemps, nous étions ensemble tous les deux, amoureux, et le moment était plein.
Mon amie aussi est gourmande, surtout des choses sucrées. Le sachant, j’ai sorti du buffet la bouteille de liqueur ; un petit verre ancien, puis quelques gouttes pour le remplir. J’ai vu ses yeux briller, les miens alors ont fait pareil.
Je m’étais promis de ne rien vous dire, et puis voilà : blablabla blablabla blablabla…Sans doute la chaleur de la table et des vins qui m’a rendu disert. Je le regrette et j’ai honte. Je ne sais pas tenir ma langue. Vous connaissant, vous devez ricaner et vous moquer : « Il est faible, il est faible, regardez comme il est faible! » Et vous ? Vous êtes- vous vu seulement ?
La promenade fut agréable. Nous n’avons pas d’enfant, pas de chien, pas de chat, ni d’oiseau, ni de poisson, mais nous aimons les enfants, les chiens, les chats, les oiseaux, les poissons. Et tous étaient là dans le parc, réunis comme pour un rendez-vous, à jouer sur la pelouse, à siffler dans les arbres ou voler dans les airs et nager doucement au fond de l’eau.
C’est une joie de traverser toute cette vie.
A la terrasse d’un café, une boisson fraîche nous a désaltérés: oh, ce moment agréable en compagnie de mon amie, dans la douceur de ce bel après midi de printemps !
Nous avons parlé de tout et de rien, goûtant l’animation du parc, puis sommes rentrés tranquillement, bras dessus bras dessous ou la main dans la main, un baiser à chaque pas.
L’envie l’a prise d’aller au cinéma ; alors j’ai eu la même envie. Quel était le programme, nous n’en savions rien, mais qu’importait.
Domestique stylé et attentionné, la voiture nous a conduits sans heurt.
La file d’attente avait deux places pour nous ; le film fut très drôle : mon amie a ri comme baleine, et ses yeux ont pleuré comme fontaine ; j’ai ri plus encore et mes yeux ont coulé comme ruisseau : que d’eau, que d’eau, tout mouillé tous les deux ! Comme ce fut bon de rire ainsi ensemble !
Le Mac Do voisin a accueilli notre appétit ; un Big Mac, c’est bon, deux c’est encore meilleur, un chacun nous a régalé- mon amie avait faim, moi pareil- le coca et la bière aussi. La bouche pleine, nous avons revu et commenté les images: une deuxième fois nous avons ri très fort.
Au retour, roulant doucement, le volant tenu du bout des doigts, ma belle et douce s’est blottie sur mon épaule. Le trajet aurait pu durer davantage tant nous étions bien ainsi tous les deux.
Sur le seuil de la porte je l’ai portée, comme au premier jour de notre amour. Ses bras m’ont enlacé, ses lèvres ont approché les miennes, notre baiser s’est prolongé longtemps, longtemps, longtemps….
Jusqu’au coucher.
« Je t’aime » je lui disais dans mon baiser.
« Je t’aime » elle me disait dans son baiser.
Le sommeil a clos nos yeux, mais tout au long de la nuit nos mains sont restées jointes et nos cœurs ont battu bien ensemble.
Journée-bonheur…journée- bonheur…journée- bonheur.
Eh bien voilà, c’est dit!
Je me suis raconté, allongé sur le divan, comme chez le psy !
Je me suis découvert, mis à nu, exhibitionniste je suis! Alors que je voulais rester muet, vous rien dire, garder mes amours pour moi!
Mais vous, voyeur, c’est pire !
Ah, le joli couple !
Je ne vous aime pas! Vous êtes trop le miroir où je vois ma faiblesse ! Adieu !
Mais aujourd’hui je ne m’aime pas non plus !
Non, je ne suis pas content de moi !
Journée- bonheur…journée- bonheur…journée- bonheur
Enfin
Je n’ai pas été surpris.
Comment aurais-je pu l’être ?
Depuis le temps !
Je suis même étonné qu’ils aient tant attendu.
Vingt huit ans pour l’une, vingt six pour l’autre, à quelques mois près, ou plutôt non : 10 ans et 8 ans à compter de leur majorité, c’est beaucoup.
Pourquoi ce long délai?
Dans leur tête et leur cœur, c’était- je le sais- clair comme l’eau qui cascade des montagnes : transparent, lumineux ! Une certitude sans faille qui n’avait pas faibli au fil des ans ! Nous en avions discuté ensemble souvent, avant qu’ils ne quittent la maison, puis après, et nous étions d’accord sur tout, sans aucun point de divergence.
Alors ?
Un remord ? Un doute ultime avant de s’élancer, de passer à l’acte ? Un sentiment d’amour filial un moment estompé?
J’ai reçu le pli d’huissier hier.
Il était midi, je déjeunais quand l’homme de justice a frappé à ma porte.
J’ai signé le reçu et il s’en est allé comme il était venu.
J’avais une prémonition en ouvrant l’enveloppe: n’était-ce pas ce que j’espérais tant? Mon attente allait-elle cesser enfin?
Oui, c’était bien cela !
Oh, quel bonheur soudain ! Quel soulagement, quelle légèreté !
Enfin !
Et comme ma gratitude est montée aussitôt vers mes enfants, comme je les ai remerciés, de loin par la pensée de tout mon cœur, de cette joie qu’ils me donnaient, de ce beau jour et des jours semblables à venir, si lumineux, qui s’ouvraient à moi !
Enfin j’allais pouvoir ôter le poids de ma faute qui me pèse tant, comme il pesait sur Caïn après le meurtre de son frère.
Payer.
Et me libérer.
Car je suis coupable !
Oui, coupable totalement
Et du pire des crimes sans doute ; c’est ce que je ressens si fortement au plus profond de moi et que je pense ; sentiment et pensée que mes enfants partagent.
Merci, enfants chéris !
Je sais combien votre acte d’amour a été difficile : tellement hors norme ! Et comme je mesure la grande affection que vous avez pour votre père !
Au Tribunal je plaiderai coupable, sans aucune circonstance atténuante.
Je n’aurai recours à aucun avocat : pourquoi faire ? Il n’y aura personne à défendre ni sauver: je ne veux pas être défendu, et encore moins sauvé.
-« Mr….reconnaissez-vous les faits, avoir engendré Melle… et Mr…, vos deux enfants ? »
-« Oui, Monsieur le Président »
-« Mr…., vos enfants vous en accusent: reconnaissez-vous qu’engendrer un enfant est un acte coupable?»
-« Oui, Monsieur le Président »
-« Un crime ? »
-« Oui, Monsieur le Président »
-« Mr…., plaiderez-vous des circonstances atténuantes ? »
-« Non, Monsieur le Président, aucune »
-« Mr…, bien que vous ne souhaitiez pas vous défendre, souhaitez-vous toutefois ajouter quelques mots pour éclairer le Tribunal sur votre acte? »
-« Oui, Monsieur le Président:
Oui, je souhaite m’expliquer.
Mais ce que je vais dire à la Cour est banal et ne la surprendra pas.
Voilà : comme tout le monde j’ai engendré des enfants.
Oui : comme tout le monde.
Parce qu’on voit autour de soi partout et en tout temps des femmes enceintes, des mères pousser des landaus ou des pères porter des enfants dans leurs bras, des enfants jouer aux sorties des écoles, la jeunesse dans chaque rue, chaque quartier, parce que les animaux, les oiseaux, les insectes, les fleurs elles-mêmes font la même chose, s’accouplent, se reproduisent, font des petits, alors il paraît normal, sain et bien vu de faire pareil – comme on dit : « c’est « la nature »- et anormal, malsain et mal vu de faire autrement.
On ne se pose pas de question, ça va de soi, c’est la norme.
Et, Monsieur le Président, je ne me suis pas posé plus de questions que les autres et j’ai fait des enfants.
Comme tout le monde.
Mais outre cette raison première, j’ai fait des enfants aussi par orgueil et vanité, afin de montrer à ma famille, aux voisins, aux autres mes capacités et celles de ma femme à faire des petits, et pour me rassurer: « Regardez, je sais faire des enfants moi aussi ».
Et pourquoi cacher ou éluder ces possibles : peut- être par faiblesse, dans l’incapacité de lui opposer un refus, ou au contraire pour me valoriser à ses yeux, m’affirmer, asseoir une domination, la soumettre en quelque sorte. Ah ! Toutes ces choses sombres qu’on porte en soi et qui nous font agir !
Sans doute aussi pour meubler le vide qui se creusait petit à petit au sein de notre couple: on s’aime encore, mais chacun sent que ce n’est plus comme autrefois.
Et pour me projeter en eux, en espérant qu’ils vivent et réussissent mieux que moi.
Et puis comme tout le monde j’ai engendré deux enfants pour m’assurer une descendance, par désir inconscient de ne pas définitivement mourir: avec des enfants et des petits enfants autour de soi, il y a une suite sur terre, un avenir, quand arrive le terme de sa vie, le temps où il faut définitivement partir : quoi de plus de terrifiant que le néant ?
Enfin pour donner un plus grand sens et un but à ma vie : savoir pourquoi, pour qui on travaille, on agit, on gagne de l’argent, on se bat.
Voilà, Monsieur le Président, quelques raisons- les raisons de tout le monde- qui m’ont poussé à faire des enfants.
Mais il y en a une autre, la plus belle sans doute par laquelle je veux terminer : j’ai aussi fait des enfants par amour.
Oui, comme tout le monde, par amour.
Ma femme, je l’ai aimée si fort ! Et son besoin de maternité était si impérieux !
Alors je lui ai fait deux petits.
Par amour
Ma femme aurait été si malheureuse de ne pas être mère !
Et par besoin aussi de donner de l’amour à mes enfants et en recevoir d’eux.
Mais, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Jurés, aucune de ces raisons n’est bonne ou suffisante, en soi ni toutes ensemble – et pas davantage la dernière- ni ne sont arguments favorables les plaisirs que mes enfants ont pu tirer et tireront encore à vivre- non, aucune ne m’excuse d’avoir mis au monde deux existences, qui connaîtront- vous le savez- inévitablement les souffrances physiques, morales et sentimentales, et la mort.
Deux vies qui n’auront pas plus de sens que n’en aura la mienne.
De quel droit ai-je fait des enfants?
Mes enfants m’ont demandé quand ils eurent l’âge de le faire: « Papa, pourquoi nous as-tu donné la vie ? » Ils avaient raison de poser cette question, quoi de plus légitime ? Et je n’ai pas eu de bonnes réponses à leur donner ; aujourd’hui je n’en ai toujours pas.
Oui, Monsieur le Président, je suis coupable du crime de paternité dont mes enfants m’accusent.
Entièrement.
Je ne trouve rien qui puisse m’exonérer, me rendre moins responsable.
Et pour cette faute impardonnable je réclame la peine capitale: l’échafaud.
En place publique »
Voilà ce que je dirai au Tribunal
Sans crainte. Avec joie et soulagement. Avec un sentiment de délivrance.
Enfin !
Oh ! Comme j’espère convaincre le Tribunal, pourvu qu’il me condamne !
Oui, j’éprouve déjà cette joie quand je mettrai mon cou là où il faut, à voir le grand couperet dessus ma tête, et le panier dessous qui l’attend.
Merci mes enfants, je suis fier de vous.
Je vous ai faits, et je ne n’aurais pas dû : je n’en avais pas le droit ; vous ne m’avez rien demandé et vous êtes là. J’ai honte de mon acte : si léger, si inconséquent, si prétentieux, si égoïste, si coupable.
Je sais que vous aimez votre père et que vous intentez cette action en justice par amour, parce que votre père la réclamait du plus profond de lui-même. Vous me comblez et me faites le plus beau des cadeaux.
Votre père vous aime. Adieu
Je vais attendre.
La convocation va arriver bientôt. Je ne prendrai pas de valise, rien.
Il est grand temps de payer et de mourir.
Monsieur Temps
C’est incroyable !
Elle est partie ! Disparu ! Volatilisée !
J’ai beau m’approcher pour mieux voir, prendre ma loupe, mais non, je dois me rendre à l’évidence : elle n’est plus là ! Nulle trace de sa présence passée, aucun sillon même léger!
Rien au toucher non plus : sous mon doigt je ne sens qu’une surface lisse sans la moindre rayure, qu’un lac calme sans une onde!
J’étais sceptique pourtant sur mon aventure du matin- oh, combien !- au point parfois de n’y pas croire ; eh bien voilà qu’elle semble vraie!
C’est aujourd’hui vers onze heures que tout est arrivé.
Je me promenais dans le parc en longeant la rivière, comme je le fais souvent le dimanche ; le soleil brillait dans le ciel bleu mais la température était douce, rendant cette matinée de printemps bien agréable. Deux pêcheurs- sans doute des habitués- tentaient leur chance avec patience, tandis qu’à quelques mètres un ballon faisait la joie d’une équipe de sportifs.
Ce spectacle, bien que je le connaisse par cœur, ne me lasse jamais.
De pas en pas tranquilles et rêveurs, ma promenade m’a amené au petit pont non loin de là.
Ce pont n’est pas bien large mais ceux qui le connaissent savent bien que deux personnes peuvent aisément le traverser de front.
Comme il arrive parfois, à peine y avais-je posé le pied qu’un promeneur est arrivé en face de moi.
Par courtoisie pour le laisser passer et suivre mon chemin, je me suis alors décalé à droite mais, avec une intention semblable sans doute, simultanément mon vis- à- vis a fait le même écart; aussitôt je suis revenu à ma position initiale, puis déplacé à gauche, mais lui aussi est reparti dans la même direction! A nouveau je suis parti à droite mais lui aussi a fait le même mouvement!
Et ainsi quatre fois de suite, de droite à gauche et de gauche à droite, comme le reflet dans le miroir!
Tout aussi curieusement, nous nous sommes arrêtés en même temps, et notre va- et- vient a cessé.
Je l’ai regardé…il m’a regardé…nos regards se sont croisés et nous avons éclaté tous les deux d’un grand rire, moi surtout.
Jusqu’à cet instant, tout occupé à mes rêveries dominicales puis à ce pas de danse à deux sur le pont, je n’avais guère fait attention à ce promeneur arrivé face à moi qui m’empêchait de passer.
Mon étonnement fut grand !
Le jeune homme qui me faisait face- âgé de vingt cinq ans peut- être, c’est l’impression qu’il donnait- était en effet une personne peu commune : sa beauté était exceptionnelle, comme celle des anges des tableaux- très pure- une beauté si grande que de toute une vie on ne rencontre jamais ; et puis surtout- c’est ce qui frappait le plus- rayonnaient de lui une douceur, une bienveillance, une paix intérieure et une sérénité extraordinaires, d’une intensité telle qu’elles en étaient presque palpables.
J’ai été subjugué sur le champ.
Et je suis resté là sur le pont, immobile, à le regarder, sans rien dire, bouche bée sans doute, stupéfait- car je l’étais- un bon moment. Etrangement, lui non plus n’a pas bougé, me regardant tranquillement en souriant; il ne paraissait nullement gêné par la situation et mon comportement.
Je suis sorti de ma stupeur tout doucement, comme on sort d’un rêve, et je me suis mis à lui parler, en bafouillant un peu:
-« Excusez-moi.. »
-« Je vous en prie »
-« Si, si, c’est idiot.. »
-« Ca arrive souvent, vous savez »
-« Oui, je sais, mais quand même.. »
Ce jeune homme m’attirait irrésistiblement : sa beauté bien sûr, mais plus encore la paix qui émanait de lui; étrangement je n’avais nulle envie de passer mon chemin, je voulais rester en sa compagnie, parler..; à peine rencontré, je pressentais que notre séparation me serait une perte irréparable.
Une force m’a poussé et j’ai osé le questionner :
-« Vous vous promenez souvent ici ? »
-« Non, c’est la première fois »
-« Moi, c’est souvent, j’aime beaucoup cet endroit. Vous êtes d’ici ? »
-« Non, je suis seulement de passage »
Nous étions toujours sur le pont, face à face, nous regardant- moi avec des grands yeux étonnés- lui souriant doucement. Je ne sentais aucune tension chez ce jeune homme, qu’un bonheur calme, une grande paix intérieure, et sa sérénité diffusait en moi, je le sentais.
J’aurais voulu qu’il me réponde : « Oui, je suis d’ici, d’à côté, et je viens souvent à cet endroit » ; son « non » m’a attristé plus que je ne pourrais dire.
Je ne sais pourquoi, je me suis présenté, et lui a fait pareil
-« Je m’appelle Mr Temps »
-« Mr Temps : comme le « temps », le temps qu’il fait ? »
-« Oui »
J’ai osé lui demander son prénom
-« Je n’ai pas de prénom »
-« Ah bon ? »
-« Oui, je m’appelle Mr Temps, c’est tout »
-« C’est drôle ! Et ça ne vous gêne pas d’être sans prénom ? »
-« Non »
-« Mais comment faites- vous pour l’Etat Civil ? Pour votre carte d’identité, votre passeport ou le permis de conduire ? C’est obligatoire d’avoir un prénom ! »
-« Certainement, mais je n’ai aucun des papiers dont vous parlez »
Il me répondait avec le même calme et le même sourire.
-« Vous êtes un « sans papiers » alors ? », riant de ma plaisanterie.
-« Oui »
Je l’ai regardé plus intensément encore. Décidément, ce jeune homme, beau et doux au delà du commun, que je croisais sur le pont du parc était une personne bien étrange : un « sans papiers » sans prénom ! Il n’en donnait pas l’impression pourtant !
Pendant une bonne minute, je l’ai fixé ainsi sans rien dire ; il n’en était pas gêné, attendant. Je crois que j’aurais pu sans ajouter un mot rester ainsi longtemps, tant j’étais bien en sa présence ; quant à lui je suis certain qu’il aurait attendu avec la même patience.
Je lui ai expliqué quel était mon travail, et lui ai demandé à un moment le sien.
-« Je suis Mr Temps »
-« Oui, vous me l’avez dit ; je vous demandais ce que vous faisiez, quel était votre travail »
-« Je viens de vous le dire, je suis Mr Temps »
Je me suis tu, essayant de saisir ce qu’il disait.
-« Ah, je comprends, vous êtes météorologiste, vous étudiez les nuages, la pluie…C’est çà ? »
-« Pas vraiment ! Je suis Mr Temps, je gère le temps qui passe »
Décidément, je ne comprenais pas
-« Comment çà, vous gérez le temps qui passe ? »
-« Oui, le temps, c’est moi ».
Et voyant ma perplexité, il a ajouté : « Par exemple, l’espace entre deux instants, entre deux minutes, c’est moi ; l’espace entre deux heures, deux années, deux siècles, c’est moi, ou plutôt c’est mon œuvre, mon travail si vous préférez ! »
J’ai cru un bref instant qu’il me disait des sornettes et voulait se moquer avec son histoire de temps! Ou qu’il avait l’esprit quelque peu dérangé ! Mais je ne sais pourquoi immédiatement j’ai eu la certitude qu’il n’y avait chez lui aucune intention de moquerie et qu’il n’était pas fou.
J’aurais aimé qu’il en dise plus, qu’il m’explique, mais hélas il n’ajouta pas un mot comme si ce qu’il disait était une évidence !
Nous étions toujours sur le pont face à face ; de temps en temps, des promeneurs passaient à nos côtés mais aucun ne nous prêtait attention : pourquoi en aurait-il été autrement ? Deux personnes discutant sur un pont, quoi de plus ordinaire ?
Que voulait-il dire par : « l’espace entre deux instants, c’est moi ? »
-« Mr Temps- c’est vraiment gênant de devoir vous appeler Monsieur, vous voulez bien que je vous appelle par un prénom ? Tenez, Jean, ça vous va ? »
-« Si vous voulez »
-« Jean, expliquez- moi, car je ne comprends rien ! »
-« C’est très simple : c’est moi qui suis à l’origine du temps, de la durée, je suis responsable du temps qui passe »
-« Mais comment çà : « Je suis responsable du temps qui passe » ? Comment pouvez- vous faire ? C’est impossible ! Aucun homme ne peut faire çà ! Jean, vous vous moquez de moi !»
-« Non, je ne me moque pas ! Je suis Mr Temps, voilà. Grâce à moi, tout bouge, tout se transforme, tout évolue ! Un enfant qui grandit, une jeune fille qui devient femme, une fleur qui éclot : c’est mon oeuvre ! La lune prenant ses quartiers, la succession des saisons, c’est également mon oeuvre ! »
-« Et le vieillard qui meurt, Jean, c’est votre œuvre aussi ? »
-« Non, la mort, c’est Mme la Mort »
-« Comment çà, Mme la Mort ? »
-« Je n’aime pas Mme la Mort, nous ne sommes pas amis ; moi, je suis la durée, elle la fin »
-« Et Mme la Mort se promène comme vous dans les parcs et les jardins ? Avec sa robe noire et sa grande faux, comme on peut la voir sur les images ? »
Il ne m’a pas répondu, mais j’ai cru discerner dans son regard un acquiescement.
Jean m’aurait expliqué mille fois, je n’aurais toujours rien compris! Comment comprendre l’incompréhensible ? Comment saisir son discours, à Jean- Mr temps comme il se nomme- sans prénom ni papiers, qui gère le temps, responsable de la durée, qui crée les secondes et les minutes les unes après les autres !
-« Jean, vous gérez le temps dites- vous, mais pouvez- vous le remonter, revenir en arrière, comme on retarde les aiguilles d’une montre ? Pouvez-vous annuler les effets du temps ?»
-« Je n’ai pas le droit de le faire »
-« Pas le droit ? Donc vous pouvez ? »
-« Oui, je peux mais je n’en ai pas le droit »
-« Mais qui vous en empêche ? »
Il ne m’a pas répondu.
Nous nous sommes regardés à nouveau en silence.
Peu après, il m’a dit de sa même voix tranquille qu’il devait continuer son chemin.
Je l’ai accompagné aussi loin qu’il a voulu : j’aurais fait le tour de la terre avec Jean, avec Mr Temps, mon nouvel ami, s’il m’avait laissé faire ! Hélas, à un moment il m’a fait signe qu’il lui fallait continuer seul.
En me quittant, il m’a effleuré le front du bout du doigt en signe d’adieu, ou d’amitié peut-être -je ne sais pas, j’espère.
Je l’ai quitté, triste infiniment.
Ma promenade ne m’intéressait plus et je suis rentré.
C’est en passant devant le miroir que j’ai vu le changement.
Depuis des années, j’avais au front une ride profonde qui me marquait le visage.
Eh bien, je ne l’ai plus. Elle a disparu, complètement. A l’endroit même où Jean- Mr Temps- mon ami, a posé son doigt en me quittant.
Une semaine ordinaire
LUNDI
Cette nuit j’ai bien dormi ; Morphée m’a bercé dans ses bras câlins peu de temps mais sans réveils. Je suis debout avant que ma montre sonne, je me sens bien, c’est lundi.
Je remonte les volets; dehors la nuit noircit encore le paysage et mes amies étoiles font des signaux dans le ciel clair; j’ouvre les portes- fenêtres pour occire acariens et bestioles qui gîtent sournoisement dans ma literie et mes moquettes : il fait froid, ils n’apprécieront pas, j’en suis content. Qu’ils s’enrhument, s’angigent, qu’ils attrapent la mort !
La veille j’ai mis dans mon caddie des galettes de sarrasin ; badigeonnée de deux gouttes d’huile, ma grande poêle me les délivre bien chaudes : avec une noix de beurre salé, je me régale de deux, pas plus pour être raisonnable.
Les nouvelles à la radio ne sont pas folichonnes : un attentat en Corse et en Irak, des inondations dans le Sud, les forêts américaines mangées par l’incendie, le chômage qui boude l’ANPE : les nouvelles noires habituelles. Heureusement la météo est bonne.
Je file vers la salle de bain. Mon rasoir neuf glisse tout seul; trop ! Voilà, je me suis coupé ! Sur la mousse blanche, mon sang rouge vif paraît plus rouge encore. Et une goutte sur le tapis ! La barbe !
Je fais mon lit puis des abdominaux ; depuis longtemps, mes chaussures de sport n’ont pas pris l’air et ma silhouette s’est arrondie ! Je ne retrouverai pas la ligne droite avec mes exercices, mais je les fais quand même : il y aura bien un boni quelque part.
Que vais- je mettre pour cette nouvelle semaine ? Chaque lundi est un casse-tête ! Je cherche dans ma penderie : bon, un polo noir sur un pantalon brun fera l’affaire, et m’évitera la cravate ; la tenue est triste mais de saison.
Je ferme la porte et me voilà en route. J’ai la chance d’aller au travail à pied en traversant un parc. Je relève mon col et visse mon chapeau sur la tête : il fait frisquet. Peu de monde dehors, déjà parti ou bien encore au chaud chez soi. Je croise une femme courant à petites foulées; son souffle rappelle une locomotive d’antan !
J’arrive le premier au bureau. A 8h30, le « bonjour, bonjour, ça va bien, bonjour » sonne joyeusement ; c’est un moment agréable. Une collègue a sa fille malade : la grippe couche les gens comme la moisson les épis; j’espère passer au travers. La conversation dure vingt minutes avant que chacun se persuade qu’il faut se mettre au travail.
Je ne vois pas le temps passé: un commercial me prend une demi- heure, une réunion deux fois plus, les mèls, les appels téléphoniques, deux- trois choses encore et midi frappe à ma porte ! Je déjeune avec mes collaborateurs ; ce soir Marseille et le PSG s’affrontent au Vélodrome, le match fait la Une du repas ; le menu : carottes râpées, steak frites, fromage et glace passe à la dernière page.
L’après- midi est le sosie du matin.
Je rentre vers 18h30 ; la température s’est radoucie mais j’apprécie mes vêtements chauds. Du frigo, une pizza et une salade contentent mon appétit gourmand.
La télé annonce De Niro.
Le film est bon, je ne suis pas déçu. Je lis une demi- heure et je vais me coucher.
MARDI
Comme la veille, j’ai bien dormi. Je ne sais ce qu’il m’arrive, deux nuits de sommeil d’affilé n’est pas mon habitude ; Morphée pourtant a été chiche de ses bienfaits : il n’est que 5h45.
Je remonte les volets et ouvre les fenêtres ; le ciel est couvert, sans pluie ni vent : je n’attraperai aucun coup de soleil aujourd’hui ! La température a pris quelques degrés, mes acariens vont pouvoir quitter pulls over et chaussettes !
Je poêle mes deux dernières galettes à regret. Un bol de café chaud me ravigote et met toutes mes synapses en place.
A la radio, des alpinistes victimes d’une avalanche ont pu revoir le ciel. Je n’apprends rien de neuf, toujours du sombre, jamais du rose.
Devant ma glace, je fais attention : une coupure suffit ; l’ancienne me saute encore aux yeux, inutile que je me balafre davantage. Mes gencives protestent : les poils de ma brosse à dents ne plaisent plus, il faut que je la change.
J’ai du temps et repasse trois chemises qui épouvantaillent sur le fil.
Même polo, même pantalon ; je m’habille de propre jeudi, mon polo tiendra encore aujourd’hui et demain. Un coup de brosse aux chaussures et la clef tourne dans la serrure.
Dehors, tout est calme, juste un couple qui court au RER: je pronostique qu’il arrivera trop tard et claquera des dents vingt minutes dans le froid.
Je suis à nouveau le premier au bureau. L’équipe de nettoyage achève de faire briller les sols, et les aspirateurs s’arrêtent quand j’arrive. J’aime le silence des bureaux vides le matin. J’interviewe l’ordinateur: pas un mèl, il reste muet comme une carpe. Je ne m’en plains pas, je dois boucler mon budget laissé en plan depuis des semaines.
Les collègues arrivent à 8h30 : « bonjour, bonjour, ça va bien, bonjour ». La jeune fille ne va pas mieux ; le médecin est repassé, la mère demeure inquiète, mais le médecin non semble-t-il.
J’ai été peu dérangé et j’ai bien avancé ; quelques calculs m’attendent encore mais l’essentiel est fait ; guilleret, je pars déjeuner plus tôt ; un ti- punch m’apprivoise et ma gaieté monte d’un cran. La conversation reprend sur le football : la défaite face aux sudistes abhorrés est indigeste; Paris sera-t-elle championne cette saison ? Les avis sont pessimistes.
L’Osso-buco du chef est excellent et je l’en complimente.
Je n’ai pu achever mon budget : des petites choses ont grignoté l’après- midi, et le 1 et le 8 s’affichent trop tôt à ma montre; je reste encore un moment, personne ne fera mon travail. . Sur le trajet du retour, j’achète mon pain ; le magasin est animé et étincelle de lumières.
Ce soir, je ratatouille ; j’aime éplucher les courgettes, les poivrons et les oignons; sur une tranche de jambon, je me régale.
Comme chaque mardi, un programme copieux de films m’accueille sur le petit écran ; « Cours, Lola, cours » sur la 5 me tente ; je ne le regrette pas.
Je vais me coucher en refilmant les scènes.
MERCREDI
Et bien voilà ! La nuit blanche est arrivée, Morphée m’a abandonné ! Hier soir, je le craignais, voyant la lune pointer son disque plein dans les nuages. Ce matin, j’ai la tête comme une citrouille.
Mes acariens ont mal dormi aussi, tant je les ai remués, tant mieux ! Ils ne dormiront pas plus avec la froidure de la fenêtre ouverte.
Dehors, le gris teinte le ciel, comme souvent en cette saison.
Le pain acheté hier est bon, je le tartine d’une confiture de châtaignes pour le trouver meilleur. Mon bol de café me réveille à moitié.
Les nouvelles le sont pour une fois: aucun attentat- les Corses sont en paix, les Iraquiens aussi- les fleuves inondent moins et des pluies rafraîchissent les forêts U.S ; l’INSEE optimise : rien sur le chômage et de bonnes prévisions de croissance. Que du bonheur !
Je me revigore en faisant ma toilette mais la barbe et les gencives font mal : elles n’ont pas bien dormi aussi! Mes exercices musculaires sont difficiles : ce matin, je coince et grince de partout.
Dans le parc, je croise la sportive de lundi ; une mignonnette l’accompagne ; je les suis du regard, la plus jeune surtout.
Les lumières brillent dans les bureaux quand j’arrive; le sol humide finit de sécher.
J’ai du mal à m’y mettre : la faute à l’astre nocturne. Avec satisfaction, je termine mon budget ; je vais pouvoir préparer la fête de fin d’année l’esprit libre.
Un moment, sur la bordure de ma fenêtre un rouge- gorge s’offre une petite sieste! Je me fais silencieux comme un chat en chasse pour ne pas l’éveiller.
Douze coups sonnent déjà midi à l’église voisine. Chacun s’éparpille ; certains déjeunent sur place d’un repas préparé la veille, d’autres d’un sandwich emmitouflés dans le parc. Plus chanceux, j’enchante mes papilles avec une tête de veau; décidément le chef se surpasse. Je lui décerne 2 étoiles, il en rosit de plaisir.
L’après- midi, un exercice d’alerte met tous le monde dehors ; je frôle le coup de froid à battre la semelle une demi- heure; des collègues se réchauffent au café voisin; à l’intérieur, les gendarmes et les services techniques jouent leur scène. L’alerte passée, je retrouve avec plaisir mon coin douillet.
J’écoule l’après- midi sans nouvelle surprise. En partant, je croise un cycliste tiré par un chien samoyède ; l’animal semble heureux et le maître encore plus.
Je n’ai pas faim. Je saucissonne et m’accompagne d’un bon vin ; une poire à point est la cerise sur le gâteau.
Rien à la télé qui me plaise. J’hésite à mettre une cassette; finalement, je lis dans le silence, comme un moine en cellule.
Ma couette m’ouvre ses bras un peu plus tard, quand je papillote comme un hibou sur sa branche.
JEUDI
Décidément, rien ne va plus ! Le cycle des nuits blanches est enclenché ! La pleine lune me rend fébrile et insomniaque. Me lever m’est pénible.
Dehors, mes amies étoiles me font signe : la journée sera belle.
Je laisse l’air froid entrer à pleines fenêtres : sus aux acariens, mort à eux et à leur descendance ! Je les imagine grelottant sur leurs pattes crochues dans la forêt de la moquette : l’aire glaciaire est de retour !
Ma confiture de châtaigne est trop bonne, j’en remets une couche ; la coulée chaude du café me fait un bien suprême.
Les nouvelles poussent leurs ritournelles sans joie; je passe sur FIP pour un réveil plus musical. Johnny chante « Marie », je l’accompagne et mon humeur s’améliore.
La glace me renvoie ma bobine, je ne l’aime pas : des poches sous les yeux, une peau qui s’avachit, le cheveu qui voyage sans billet de retour, je préfèrerais une glace sans tain. L’eau froide, le rasoir et la brosse améliorent peu le portrait.
Que vais-je mettre pour cette fin de semaine ? Jeudi est comme lundi un casse-tête. J’opte pour une chemise moutarde- cravate bordeaux.
Dans le parc, la lune projette des ombres. Je cherche les sportives d’hier. Deux nouvelles promènent leur chien pour le pipi- caca ; elles conversent sans que je puisse saisir un mot.
L’équipe de nettoyage a du retard et le tonnerre des aspirateurs m’agresse dès que j’ouvre la porte ; vraiment, rien ne va ce matin.
L’ordinateur aussi a choisi l’autre camp : je tremble d’angoisse à voir les mèls bien alignés.
A 8h30, l’habituel « bonjour, bonjour, ça va bien, bonjour » me déride à moitié. La fille de la collègue va mieux ; la mère est tout sourire, prête à en parler des heures.
Et bien voilà, ce que je pressentais arrive : mon directeur m’houspille, pour un rien, du moins c’est mon avis ! Aux collègues qui me regardent en coin je feins l’indifférence, celui qui en a vu d’autres.
Du coup, je trouve le repas insipide, même exécrable et je le dis ; le 2 étoiles fait grise- mine, il me préfère d’humeur meilleure.
L’après- midi se traîne, je travaille sans plaisir. A 18h pile, je rentre, ne prêtant attention à rien ni à personne.
Mon appétit s’est envolé, le reste de ratatouille passe mal.
Heureusement, je ris avec le film du soir; je me glisse sous la couette peu après.
VENDREDI
La lune s’est montrée plus gentille, j’ai bien dormi. A travers les nuages, elle brille encore, un peu moins ronde sur le chemin de ses quartiers.
Avec ma bénédiction, je laisse l’air hivernal faire son œuvre salvatrice : les squatters de mes draps vont souffrir ! Chaque matin ma croisade sus à l’ennemi me met en joie. Que les victimes soient innombrables!
Dehors il pluviote, une pluie froide verglaçant ; la rambarde de la fenêtre brille comme une patinoire.
La radio confirme la météo locale : verglas partout et glissades assurées. Encore des bonnes nouvelles!
J’avale mon petit déjeuner et fais ma toilette sans y prêter attention : je vagabonde déjà sur le chemin de tout à l’heure ; dois-je mettre des crampons ? Prendre un bâton de marche ? Je n’ai nulle envie de me retrouver les quatre fers en l’air.
Pour ce dernier jour de travail, je soigne ma tenue: coup de fer où il faut, nœud de cravate parfait.
Je tourne la clef avec appréhension : dehors le chemin m’attend semé d’embûches.
Je risque de me casser dix fois la figure, je ne sais comment je reste debout. J’aperçois des ombres aux démarches bizarres et hésitantes ; l’une d’entre elles fait une pirouette soudaine.
J’arrive vers 8h45 : personne ; dans leur voiture les collègues bouchonnent. Le rituel « bonjour, bonjour, ça va bien, bonjour » ne survient qu’à 9h ; chacun commente la situation, moi je vante mes talents de patineurs.
Mon travail du matin est baigné des nouvelles extérieures ; il verglace toujours, tout est bloqué. Je me sens bien dans mon fauteuil.
A midi, je rejoue Alain Calmat. Le chef a préparé un pot au feu de saison, je lui dis qu’il est bon, il en oublie mes critiques d’hier. Je lance la conversation sur les projets du week-end ; si le temps boude toujours, ce sera télé pour tous.
L’après-midi file comme le vent.
Je tarde à rentrer ; la perspective des deux jours suivants ne m’enchante pas : je n’aime ni le samedi, ni le dimanche. A 19h, j’éteins les lumières à regret ; je rentre à petits pas, manquant d’entrain. Je croise le samoyède: le maître peut rouler à nouveau tiré par son quatre pattes.
Je m’envoie une grande goulée d’alcool fort. Je commande une pizza que je consomme sur la moquette : ce soir c’est pizza- moquette et télé- moquette.
Je me couche tard, l’esprit brouillé par les vapeurs d’alcool.
Je reste couché jusqu’à midi. J’ai le blues, le cafard, je déprime.
Je n’ai pas envie de me lever ; pour faire quoi?
J’abandonne la place à mes ennemis, ils ont gagné. Je les devine joyeux regagnant le terrain perdu, suçotant mes doigts de pieds par vengeance : ça m’est égal.
Je me lève difficilement. Dehors, il fait gris et le brouillard nappe le paysage : j’ai eu raison de rester sous la couette.
Je me restaure du bout des dents puis je retourne d’où je viens.
J’émerge vers 18H ; j’ai la tête comme une pastèque et suis mou comme un mollusque. Dehors, il fait nuit : ce noir me convient parfaitement.
DIMANCHE
Aujourd’hui est pire qu’hier
Rien ne va, tout est gris, tout est noir, dedans comme dehors
Le temps n’en finit pas, il s’éternise, les aiguilles ne bougent plus
Oh, quelle horrible journée !
Vivement lundi, vivement demain!
UN Z’VEUX Z’UR LA LANGUE
Z’ai un z’veux z’ur la langue.
Z’est ma maman qui me l’a dit : « Mon z’éri, depuis que tu es tout petit, tu as un z’veux z’ur la langue.
Z’e n’est pas grave.
Z’est un peu embêtant, z’est tout ».
Et ma z’entille maman m’a expliqué en me faiz’ant un gros câlin comment z’était arrivé ; z’e n’est pas tout compris z’e qu’elle m’a dit, z’ai z’uste retenu qu’un petit z’veux avait pouz’é z’ur ma langue, là, z’ur le bout, et qu’il me faiz’ait zozoter quand z’e parle.
Moi, z’a ne me gêne pas, mais z’est les copains de l’école : ils z’e moquent de moi, ils zozotent exprès pour m’imiter, ils font « zzzzzz » en imitant la mou’ze ou l’abeille ; ils m’ont z’urnommé « Zozote » et il y a des fois, z’e pleure, car z’e les trouve trop méchants.
Heureuz’ement, il y a ma copine Zoé, que z’aime beaucoup et qui m’aime auz’i ; elle est très z’entille et ne z’e moque pas de moi ; comme elle est costaude et n’a pas peur des garz’ons, elle les chaz’e quand ils m’embêtent de trop ; bien fait pour eux !
Zoé, elle est belle : elle a de grands z’ieux, tout bleus, et des z’veux roux avec des petites taches sur z’a frimouz’e ; quand elle me voit, elle z’ourit et me fait un biz’ou.
Je crois que mes copains z’ont z’aloux, z’est auz’i pour z’a qu’ils m’embêtent tant.
Hier, Zoé a perdu une dent de devant- une inz’inz’ive que z’a z’appelle, comme a dit la maîtrez’e- et la petite z’ouris est paz’ée z’ez elle : z’ous z’on oreiller, elle a trouvé deux groz’es pièz’es qui valent beaucoup de z’ous, une boîte de z’ocolat et une poupée Barbie. Comme elle était contente ! Tellement qu’elle m’a fait deux biz’ous, un z’ur chaque z’oue, puis on a fait une ronde tous les deux.
Z’espère que z’e vais perdre une dent bientôt moi auz’i, pour que la petite z’ouris paz’e.
Mon papa m’a dit : « Auz’ourdhui, z’est le grand z’our : z’e vais t’emmener à la clinique pour qu’on te coupe ton z’veux que tu as z’ur la langue. Tu es grand maintenant, il est temps».
Z’ai été un peu effrayé : couper mon z’veux, z’a fait peut-être très mal ?
Et très content auz’i : comme z’a, mes copains ne z’e moqueront plus de moi.
Mais mon papa m’a dit : « Z’e ne z’era rien du tout : le z’irurz’ien qui va t’opérer, il coupe les z’veux sur la langue comme un z’ampion, auz’i fort que Zidane : il en a coupé déz’à mille ! Tu ne z’entiras rien ».
Mon papa, il z’oue au foot, alors z’e le crois ; il est très grand et coz’taud- z’e penz’e que z’est le plus coz’taud de tous les papas qui ez’istent- il est z’entil auz’i, et quand il me porte dans z’es bras ou z’ur z’es épaules, z’e z’uis très haut. Qu’est z’que z’est bien ! Mes copains, leurs papas ne leur font pas z’a !
Ma maman et Zoé étaient très contentes que z’aille me faire couper mon z’veux. Zoé m’a embraz’é z’ur les lèvres, en caz’ette pour que mon papa et ma maman ne voient pas, comme les grands : oh là là ! Z’ai rouz’i plus rouz’e qu’une tomate et elle a ri en z’e moquant z’entiment de moi.
Qu’est-z’e- que z’aime ma copine Zoé ; quand on z’era grand, tous les deux, on z’e mariera, elle me l’a dit et moi z’e lui ai dit auz’i.
Elle habite dans la maiz’on à côté, et z’e vais z’ez z’elle tous les mercredis, ou bien z’est elle qui vient : on fait des z’eux enz’emble ou on regarde la télé : qu’est-z’e-qu’on est bien !
La clinique est toute blanz’e, avec des z’arbres et des pelouz’es autour. Une z’olie infirmière- mais moins z’olie que Zoé tout de même- est venue me z’ercher. Elle a parlé à mon papa et à ma maman, m’a fait un gros poutou z’ur la z’oue et m’a conduit dans z’une z’ambre où il y avait déz’à un garz’on.
La z’ambre est toute blanz’e auz’i, et les z’infirmières ont des blouz’es blanz’es pareilles.
Il y a des tuyaux et des bouteilles attaz’ées à des fils au dez’us du lit.
Le garz’on z’appèle Z’ulien ; il a le même az’e que moi, z’iz ans- et l’air z’entil ; il m’a dit qu’il est là pour une appendiz’ite qui lui a fait un gros mal au ventre; z’e ne z’ais pas z’e que z’est mais il n’a pas l’air d’avoir peur.
Ma maman avais mis dans un z’ac mon pyz’ama ; z’e me suis couz’é dans le grand lit.
Alors ma maman m’a fait un gros biz’ou très très long ; elle avait des petites larmes aux coins des z’ieux: oh, z’aime tant ma maman ! Et mon papa auz’i !
L’infirmière est revenue et m’a fait une piqure : « Z’est pour te faire dormir », qu’elle a dit; z’e n’ai pas eu mal mais z’ai eu très peur de la groz’e aiguille.
Mon papa et ma maman m’ont encore fait des gros biz’ous.
Z’e z’ens que z’e m’endors.
Après dormir, demain, quand z’e me réveillerai, z’e z’ais que z’e reverrai mon papa et ma maman, et ma copine Zoé ; ils z’eront là tout à côté de moi près du lit.
Et puis demain auz’i, z’est z’ûr, z’e n’aurai plus mon z’veux z’ur la langue.
Oh, comme z’e z’uis content !
L’Or de la Mérantaise
C’est dimanche.
Belle journée de printemps : il y a du bleu dans le ciel et la température est douce ; le soleil encore bas- il n’est que 7 heures- réchauffe déjà, surtout le cœur des gens, tant il a plu ces jours derniers. J’entends le gazouillement des oiseaux dans les arbres : la saison des amours n’est pas loin.
Je me suis réveillé et levé tôt ; tout aussi tôt, je descends chercher ma viande chez le boucher, au centre commercial de l’Abbaye qui a ouvert récemment ; il est sympathique, son magasin très agréable, sa viande de qualité et les prix corrects : bref, je suis devenu client. Il n’y a personne dehors, sauf un chien qui traîne, deux chats qui se regardent ; c’est encore la grasse matinée, le farniente ou les câlins au lit sous la couette ; tout à l’heure, vers 10h, le quartier sera plus animé.
Chez mon boucher, je suis le seul client. Après le bonjour et les banalités d’usage sur le beau temps qu’il fait-« oui, mais pourvu que ça dure, on en a bien besoin après l’hiver pluvieux qu’on a eu.. »- je commande un rôti de bœuf : au four, encore saignant à cœur, avec une gousse d’ail, accompagné de pommes de terre et d’oignons, j’adore ! Pendant qu’il me sert, je vois dehors deux personnes courir, traverser la route et s’engouffrer dans le passage sous-terrain du RER donnant dans le parc ; il me semble qu’elles ont en main des ustensiles mais j’aperçois mal et n’y prête guère attention : elles craignent sûrement de rater le RER ; des gens qui courent pour attraper le train, c’est fréquent par ici.
Je me retourne vers mon boucher pour voir où en est ma commande quand tout à coup un homme passe la tête par la porte et crie tout essoufflé : « Marcel, y’a d’l’or ! y’a d’l’or ! » Il en bafouille, tant il est excité ; « on a trouvé de l’or dans la Mérantaise ! Viens vite ! » Et il file dare-dare, traverse la route en courant sans même regarder ce qui vient à droite ou à gauche, et s’engouffre lui aussi dans le passage sous-terrain. Là, j’ai bien vu : il tenait une pelle et quelque chose ressemblant à une poêle.
« Y’a d’l’or dans la Mérantaise ? » lançons-nous ensemble moi et mon boucher qui ajoute : « Qu’est’c’que c’est qu’cette connerie ? Un peu fada, l’copain Roger ! A trop tiré sur la bouteille cette nuit ; a fumé un pétard plus gros qu’lui ! »
Je pense pareil- Roger doit être un peu dérangé- mais tout de même, je suis un peu remué par la nouvelle ; et puis, je me souviens des deux personnes qui couraient tout à l’heure. Je paye rapidement, je dis à mon boucher que je vais voir- histoire de voir- et mon rôti de bœuf sous le bras, je prends le chemin du parc. Malgré moi, je presse le pas : je sens une petite impatience qui me tenaille. Je traverse le pont qui enjambe l’Yvette puis je longe la rivière et les tennis : il n’y a personne ; à cette heure matinale, les joueurs ne sont pas encore arrivés ; ils taperont la balle seulement dans une petite heure. Je suis juste devant le court n°7 quand un échalas me dépasse en courant, après avoir failli me donner un coup de la pelle qu’il tient, me renverser et me faire tomber à l’eau. Qu’est- ce que c’est que cet olibrius, qu’a-t-il à se précipiter lui aussi ? Alors soudain, je me sens devenir fébrile et me mets à courir, d’abord doucement, puis plus vite : « De l’or dans la Mérantaise ? ce n’est pas possible, ça se saurait depuis longtemps, c’est complètement idiot !» mais je me rends compte tout d’un coup que je n’en suis plus si sûr.
Voilà, j’y suis. Une agitation formidable règne le long de la petite rivière : formidable, parce que d’habitude, il y a un ou deux promeneurs qui longent ses berges, un chien qui joue dans l’eau avec une balle, deux- trois merles dans les herbes et puis c’est tout : la rivière, surtout à cet endroit, est particulièrement tranquille ; mais aujourd’hui à 8h- la cloche de St Remi sonne à l’instant les 8 coups- là devant mes yeux étonnés, 30 à 40 personnes au moins s’activent le long des rives et dans l’eau. Tous des hommes sauf une femme, autant que je peux voir, des 40/50- j’aperçois un plus âgé à barbe blanche- les lève-tôt du dimanche matin probablement. Personne ne parle, pas un mot n’accompagne leur travail ; ils font si peu de bruit que ce silence étrange m’impressionne et me donne le frisson, car je devine, je sais d’instinct la grande passion sauvage qui les anime tous : ils cherchent l’or !
Ils cherchent avec les ustensiles qu’ils ont trouvés chez eux, dans leur cave ou leur grenier : des poêles de cuisine, poêles à frire, et des pelles de jardin ou de plage ; de ci de là quelques râteaux et quelques seaux. Je les vois mettre un peu du fond de la rivière dans leur poêle : de la boue, du gravier, du sable mêlés de déchets végétaux, et l’agiter en tournant, comme ils ont vu faire à la télé ou au cinéma, puis scruter du doigt leur trouvaille.
La tension est palpable, elle me gagne je le sens ; la fièvre de l’or me prend me montant des pieds à la racine des cheveux, j’en tremblote peu à peu de partout. Je vois plusieurs personnes traverser en courant le terrain de rugby vers la Mérantaise ; alors, tout d’un coup, sans réfléchir davantage, comme un fou je m’en retourne chez moi, mon rôti à la main ; je n’ai jamais couru si vite ; oh !que le chemin me paraît long ! Que la serrure est difficile à ouvrir ! Je pousse la porte sans ménagement, pareil celle du placard où sont rangés les ustensiles de cuisine : la voilà ma grande poêle à frire, je la tiens, c’est celle-là qu’il me faut ; elle est lourde, avec une grande queue guère pratique pour ce que je vais faire, mais tant pis : c’est avec elle que je vais dénicher les paillettes et les pépites de la Mérantaise !
Je descends quatre à quatre les escaliers chercher dans ma cave ma petite pelle de jardinage. Je vais trop vite et me casse la figure dans le barda et le bric-à-brac qui l’encombrent : depuis le temps que je me promets de mettre de l’ordre et de jeter tout le fatras, je n’ai toujours rien fait !
Je remonte de la même façon et sans prendre la peine de fermer ma porte à clef me voilà parti courant en direction du parc, ma grande poêle et ma petite pelle à la main ; en chemin, je m’aperçois que j’ai oublié le récipient pour mettre mon or ; tant pis ! Je le mettrai- si j’en trouve- dans mes poches. Je dois avoir une drôle d’allure ! C’est certain, si quelqu’un me connaissant me voyait courant ainsi, il n’en reviendrait pas, en tomberait sur le cul et me dirait in petto : « Marc, y’a quelque chose qui tourne pas rond chez toi aujourd’hui ! Faut aller voir l’docteur! ».
Ca remue de partout maintenant. Je ne suis plus le seul à courir : la nouvelle semble s’être répandue aussi vite qu’une traînée de poudre dans Gif : « Il y a de l’or dans la Mérantaise ! » ; au moins 2-3 personnes devant moi, et bien 5- 6 derrière ! Mais il doit y en avoir bien plus que je ne n’aperçois pas !
Sur les bords de la Mérantaise du côté des tennis, c’est maintenant la cohue : les gens sont si serrés qu’il n’est plus possible de trouver une place et la situation est presque semblable dans l’eau. Des intrépides tentent même leur chance dans l’Yvette près du pont, malgré le fond vaseux et l’eau trop profonde : ils boivent la tasse à tout va, « à votre santé » !
Je parcours une cinquantaine de mètres : tout le long et au-delà autant que je peux voir le spectacle est le même. Alors la rage me prend, une violence sauvage m’envahit soudain : «De Dieu ! Moi aussi je veux chercher, moi aussi je veux une place et nom de Dieu, j’en aurai une ! » Prenant mon élan, je saute par dessus le premier rang et tombe au milieu de la rivière, éclaboussant tout le monde alentour. Les aspergés hurlent fort mais j’en ai cure ; je hurle moi aussi : « C’est ma place ! » « Que personne m’en empêche ! » en brandissant ma poêle, prêt à asséner un coup terrible au contestataire présomptueux qui voudrait me chasser.
Mais personne ne bouge ; chacun comprend à mon regard et au son de ma voix que ce n’est pas du bluff : attention danger ! Pour autant je ne leur fais pas peur, simplement ils me savent habité du même mal qu’eux : la fièvre de l’or ! Alors sans plus d’histoires, ils me laisse faire ma place, comme ils ont fait la leur; encore deux- trois grognements de protestation puis chacun se remet au travail, à chercher l’or : ils ne me prêtent plus aucune attention ; c’est fini, j’ai fait mon trou, ma concession, mon « claim » comme diraient les Anciens de Californie ; d’ailleurs, plusieurs à côté et plus loin m’imitent et se retrouvent comme moi au milieu de la rivière, l’eau jusqu’aux genoux : la Mérantaise est étroite et chacun a une toute petite place.
En cet instant mes lectures et des films me reviennent à l’esprit : 1848, la grande ruée de l’or, la Californie envahie d’immigrants accourus de partout par milliers, les camps de chercheurs, les bagarres dans les saloons, le whisky, les coups de revolver, les « placers »…
L’eau est frisquette –pas plus de 15° au jugé- mais je n’en souffre guère, j’ai le feu au corps et dans la tête ; elle est profonde aussi là où je suis- c’est le printemps et il a beaucoup plu- si bien que mon menton effleure la surface chaque fois que je plonge ma pelle vers le fond; un mauvais geste, un déséquilibre imprévu, et plouf, voilà la moitié du visage dans l’élément liquide; mon pull qui baille traîne dans l’eau et fait éponge ; et puis le courant est si fort que je dois m’y prendre plusieurs fois pour remplir ma petite pelle de jardinier ; avec dans l’autre main ma poêle à frire qui pèse une tonne et prend un malin plaisir à suivre le fil de l’eau, vraiment , ce n’est pas bien commode ! La vie de chercheur d’or que je découvre n’est pas de tout repos, et le confort, je n’en parle pas ! Après bien des efforts, je charge un peu ma poêle- ma « bâtée »- puis lui imprime un mouvement circulaire comme le font mes voisins pour trier les particules : les légères vers le bord tandis que les plus lourdes-les pépites et les paillettes d’or tant espérées- au centre de la poêle.
Oh ! L’émotion quand je scrute pour la 1ère fois- la 1ère fois de ma vie- le fond de ma poêle à la recherche de l’or ! Je regarde, je regarde à m’en faire mal aux yeux ; des petites choses qui brillent au fond : du mica sans doute, mais d’or : point ! Je regarde et regarde à nouveau, mais non, rien ! La déception est grande ; tant pis, je recommence.
Personne ne parle, moi non plus. Chacun concentré sur son travail, sur son espoir et sur son rêve. Il y a maintenant des femmes et des enfants, même des vieillards ! Et je vois du coin de l’œil qu’il en arrive de partout. Moi-même suis entouré de toutes parts : sur les bords de la rivière, comme au milieu, devant, derrière ; j’ai à peine 2 m2 à moi ! Complètement cerné ! Parfois, je sens qu’on me pousse dans le dos et devant je bute sur la même paire monumentale de fesses ! L’horizon est bouché !
Ma poêle est très lourde : elle est bonne pour les omelettes ou pour les steaks, mais pour chercher de l’or, il y a mieux.
Voilà vingt minutes que je m’escrime sans résultats. J’ai exploré les coins et les recoins de mes 2 m2 et je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. J’entends mes voisins qui raclent aussi le fond et les cailloux.
Je commence à désespérer quand soudain, à la dernière bâtée, je vois à n’y pas croire mes yeux au creux de ma poêle une petite chose qui brille, qui brille vraiment, certes toute petite mais qui brille, qui brille plus que le reste…Je sais que ce n’est pas du mica : voilà 20 minutes que j’use mes yeux dessus, je sais le reconnaître ! Mon cœur bat soudainement très fort sous une giclée d’adrénaline : « boum, boum, boum » à l’intérieur comme un tambour ; mon émotion est sans pareille ! Délicatement, du bout d’un doigt tremblant, j’isole des graviers et du reste mon étoile minuscule : 1/2 mm sur 1/2 mm au plus, à peine un grain de sable! Je regarde de très près, chaussant mes lunettes pour mieux voir- j’ai été bien inspiré de les prendre pour acheter mon rôti – pas d’erreur, ce n’est pas du mica ; serait-ce.. serait-ce… serait-ce de l’or ? Serait-ce une toute petite pépite ? De l’or de la Mérantaise ? De l’or de Gif ? De l’or de l’an 2002 ? Oh, pourvu que ce soit vrai !
Oui, c’en est ! Ce ne peut être que de l’or ! C’est de l’or ! Mon cœur bat la chamade sous l’effet d’une émotion et d’une joie indescriptibles : j’ai trouvé de l’or ! J’ai trouvé de l’or ! La tension est trop forte : je pousse un formidable cri qui me libère, comme celui du footballeur marquant le but de la victoire. Un deuxième cri puis un troisième : je retrouve un peu mon calme, mais la joie reste intense et m’irradie partout, un vrai bonheur.
A mes côtés on me regarde, on se rapproche pour voir : alors je montre fièrement mon trésor mais prudemment de peur de le faire tomber ou qu’on le prenne ; ma paume est à peine ouverte, presque fermée, et mon autre main bien qu’encombrée des ustensiles est là toute proche qui veille. Je vois des regards heureux, ma trouvaille réjouit plus qu’elle ne fait d’envieux, puis chacun animé d’une ardeur nouvelle se remet rapidement au travail, aiguillonné par l’espoir d’avoir aussi une pareille chance.
Je range avec soin mon minuscule trésor dans un mouchoir qu’heureusement j’ai en poche- comment aurais-je fait autrement ? Je plie et replie le papier délicatement sur ma poussière d’or et le glisse dans mon pantalon avec d’infinies précautions, craignant de le faire tomber dans l’eau, ou qu’il ne s’ouvre ou se déchire. Quoi faire alors pour le récupérer ? Je serais au désespoir !
Le bonheur m’habite totalement, je suis comblé. Je n’éprouve plus le besoin de chercher : ma petite pépite d’or me suffit. D’ailleurs, comment trouver davantage ? Je suis cerné de toutes parts et tous les sables, les graviers, les cailloux, les limons ont été explorés, retournés, tamisés mille fois.
Je sors doucement de la rivière- j’ai du mal à me frayer un passage tant les rangs sont serrés- et puis la rive est raide ; à peine d’ailleurs ai-je quitté ma place qu’un homme y saute avec une frénésie sauvage, pelle et poêle haut la main comme des armes ; ses yeux brillent d’un éclat inquiétant comme les miens tout à l’heure : nous sommes frères !
Je dégouline de partout. Oh ! Maman, si tu voyais ton fils en ce moment ! Les chaussures pleines d’eau qui font « splitch, splitch.. » à chaque pas, le jean mouillé et boueux jusqu’au slip ; le pull idem et mon air un peu fou, tenant ma petite pelle et ma grosse poêle à frire. Oui, maman, tu t’inquièterais sûrement!
A un voisin se trouvant là je prête mes outils improvisés de chercheur d’or : ils m’encombrent maintenant, et je fais un heureux.
Sur la rive, je vois des gens qui accourent de partout : le long de l’Yvette, à travers les terrains de rugby et de foot, et de l’autre côté en suivant les tennis. Il y a dans l’air un vent de folie ; tous, je le vois bien, sont en état second : la fièvre de l’or les a pris. Je me pousse et les laisse passer : je sens bien que le moment serait mal venu de leur chercher querelle ; j’aurais droit vite fait à un coup de pelle ou de poêle assassin !
Partout dans le parc, autant que je peux voir, c’est la même scène : la ruée vers la rivière. Je remonte la Mérantaise et tout le long le spectacle est semblable. A côté du gymnase, un groupe d’une cinquantaine a envahi une propriété, renversant le grillage et escaladant le mur de pierres : ils tamisent jusqu’aux murs de la maison ! Le sens du bien privé n’existe plus. Le propriétaire est absent aujourd’hui ; tant mieux, il aurait certainement pris un coup de sang à voir ces sauvages envahir et saccager son jardin.
La rue Amodru et l’avenue du Gal Leclerc sont complètement bouchées : les voitures sont bloquées, sur des kilomètres sans doute, très certainement au-delà de Courcelles, peut-être jusqu’à St Remy ou encore plus loin ; le bruit des klaxons est assourdissant ; la circulation sur la 306, la route de Bures et celle de Belleville ne doit pas être meilleure. Rien de beau à voir ici ce matin : Gif devient une ville morte, fermée, bloquée, cernée, inaccessible.
Je file jusqu’à l’ancien lavoir ; aucune embellie là non plus mais je n’y comptais guère ; deux hommes s’y bigornent violemment, les coups portent forts- j’ai même cru voir une lame briller ; j’entends plus loin des cris de femmes qui se crêpent le chignon. La tension est partout, la violence latente explose par endroits. Je suis convaincu maintenant qu’une catastrophe s’est abattue sur Gif.
Je m’apprête à remonter la Mérantaise jusqu’à la côte de Belle Image quand j’aperçois le maire entouré de ses adjoints et du commandant de la gendarmerie. Il est très pâle et son regard inquiet. Il y a de quoi. Ce qui survient depuis ce matin est pire que tout ce qu’il a pu voir ou connaître : les inondations, les gens du voyage, les voitures qui brûlent de temps en temps, toutes ces difficultés des mois passés ne sont rien en comparaison de ce qui arrive aujourd’hui. Aujourd’hui, il s’agit d’une tornade, d’un tremblement de terre degré 9 sur l’échelle de Richter, d’un raz de marée dévastateur.
Dans ma tête défilent en un éclair les images des livres de mon enfance : les Wisigoths, les Ostrogoths et autres Vandales, les Huns, le terrible Attila, chevauchant à travers les grandes plaines, mettant sur leur passage tout à feu et à sang.
Heureusement, Gif n’en est pas encore là ! Les hordes sauvages de la vallée de Chevreuse n’ont que des pelles et des poêles ! Mais tout de même, la catastrophe a bien lieu: embouteillages monstres sur les routes communales, rixes et bagarres, rapines, vols et vitrines dévalisées par les voyous venus de partout à la fête – terrains de sports piétinés transformés en labours, véhicules stationnés n’importe où ! Et le prix à payer pour cet immense gâchis!
Le maire a appelé le Préfet pour demander des renforts de police, mais comment ces renforts pourraient-ils arriver jusqu’ici, les routes étant impraticables? Et combien d’hommes pour enrayer cette ruée plus nombreuse de minutes en minutes ?
Depuis ce matin j’ai le sentiment profond de vivre des évènements extraordinaires, et j’en demeure tout excité. Mais au fil des minutes ma fièvre tombe et la vue des gens qui m’entourent- en transe, qui ne s’appartiennent plus- et des dégâts qu’ils font m’attriste et me met peu à peu en colère. Je ressens le besoin impérieux d’ordre, que tout s’arrête maintenant et redevienne comme avant : la fête doit finir. D’autant qu’il n’y a plus d’or dans la Mérantaise : Gif n’est pas la Californie et les quelques grammes transportés par la rivière d’un glissement de terrain survenu aux Fonds Fanettes et au Bois des Roches comme j’ai appris tout à l’heure, ont été trouvés depuis longtemps.
Je ne suis guère présentable mais je n’hésite pas : je vais voir le maire et lui propose mes services ; en ce jour exceptionnel il doit avoir grand besoin de toutes les bonnes volontés. Il me remercie sans remarquer ma tenue et me demande de me présenter aux responsables de la cellule de crise qu’il vient d’installer en mairie.
La rue Amodru est toujours bloquée; la plupart des véhicules sont vides, leurs occupants partis comme tant d’autres à la recherche de l’or, ou voir ce qui se passe ou pour se dégourdir les jambes.
Approchant de la mairie, brusquement des CRS déboulent vers moi : des dizaines et des dizaines, casqués, tout de noir vêtus, bouclier à la main comme mes Wisigoths d’autrefois ; au ceinturon, la tonfa prête à servir; la vue soudaine de ces hommes noir- acier me frôlant en silence, et le cadencement des bottes sur le sol- symboles de violence et de drames tout proches- m’impressionne et je ne peux réprimer un frisson de frayeur ni un mouvement de recul.
Comment, par où sont-ils arrivés? Par le chemin de Moulon ? Je n’imagine pas d’autre possibilité, vu l’encombrement des routes, ou alors les hélicos sur les bassins de Coupières et de Bures, plus rapides et plus sûrs ? D’ailleurs, il m’a semblé entendre tout à l’heure des vrombissements vers l’Ouest. Oh! J’aurais aimé les voir, ces grands oiseaux d’acier, descendre du ciel de Gif dans un bruit d’enfer, et tous ces hommes casqués tout noirs sauter dehors, courbés pour éviter le souffle et les pales ! Quel beau spectacle se devait être !
Je me demande aussi comment le maire a pu obtenir du Préfet qu’il les envoie si rapidement? Quels arguments il a pu faire valoir pour faire engager une force de police d’une telle importance : menace à l’ordre public ? Violence sur la voie publique ? Tous les arguments en « ic » ou « ique » possibles certainement. Quoiqu’il en soit, le préfet a compris l’urgence et la gravité de la situation ; car aujourd’hui si Gif – à cause de son or- est touchée, toutes les communes proches, jusqu’à Rambouillet, Palaiseau, les Ulis, le sont aussi et puis la 306 et la 118 ; demain, qu’en sera-t-il? Et après-demain ? Il faut sans délai couper l’herbe sous le pied à cette mauvaise affaire ; prendre d’urgence les mesures nécessaires. Eh bien voilà, c’est fait!
Les CRS sont là et c’est tant mieux ! J’éprouve soudain à leur égard une sympathie que je ne me connaissais pas. Les voyant ainsi prêts à l’action, je me dis : « tant pis, ils attendront un peu en mairie- excusez- moi monsieur le maire »- et je les suis ; des petits groupes filent vers St Remi et rue Vatonne, d’autres le long de la rue Amodru et vers l’avenue du Gal Leclerc ; y en a–t-il déjà rue Dautry et à Courcelles ? J’emboîte le pas au gros du peloton qui se dirige à petite course vers le parc et vers la Mérantaise ; d’autres nombreux sont déjà sur place, venus par Coupières ou la gare sans doute : au jugé, ils sont 300; j’aperçois quelques gradés donnant des ordres par mégaphones: interdire l’accès à la rivière.
Les CRS s’y emploient aussitôt, tentant de stopper un par un les gens dans leur course vers l’eau ; mais la mission est difficile, les espaces sont grands, eux trop peu nombreux, si bien que beaucoup leur glissent dans les doigts comme anguilles ; et ceux pris, à peine l’attention relâchée, s’échappent et filent derechef vers la rivière ! 1 CRS pour 1 aventurier fiévreux à la recherche de l’or, la stratégie n’est pas bonne!
Alors très vite suivant les ordres des officiers les policiers en adoptent une nouvelle : immobiles côte à côte le long de la rivière ils dressent une barrière continue de leur corps en un rempart infranchissable; aussitôt mise en place cette chaîne humaine noir- acier soudainement dressée s’avère efficace : « on ne passe plus ! » ; personne ne tente ni n’ose la franchir car elle impressionne et fait peur et s’ils paraissent enfants sages à se tenir la main ainsi, chacun devine ou peut voir que ces flics casqués, bouclier et tonfa à la main, peuvent ne plus l’être; sans équivoque ils le montrent à tous ceux qui essayent : aie, la matraque !
Du côté des tennis, le bouclage de la zone est rendu plus facile : les grillages des courts font obstacle, quelques hommes ici suffisent.
Le long de la Mérantaise, j’en vois une trentaine sauter dans l’eau comme moi tout à l’heure : visière baissée, chacun sa matraque à la main déterminé à s’en servir s’il faut ; vraiment ils n’ont pas l’air gentil. La moitié vers l’amont et l’autre vers l’aval, lentement mais sans ménagement, brutalement parfois, un à un ils font sortir les chercheurs d’or de l’eau, repoussant ceux se tenant sur les rives. Les protestataires qui n’obtempèrent pas sur le champ et lèvent leur pelle ou leur poêle un peu haut reçoivent illico de rudes coups ; les CRS ont appris où frapper ; oh, ça fait mal ! Les velléités belliqueuses sont noyées dans l’eau de la Mérantaise ! La plupart calmés s’exécutent aussitôt, mais quelques irréductibles s’insurgent furieux de recevoir des coups- ils ne font rien de mal après tout en cherchant l’or de la rivière- furieux d’être chassés, furieux de perdre leur rêve et leur espoir ; et sans doute plus d’un a des comptes à régler avec la gente policière. Alors les pelles et les poêles deviennent armes : massues et gourdins pour taper sur les flics : « Saloperie de flic ! », « Tiens, prend ça sur la gueule, tu m’en diras des nouvelles !» sont les amabilités et les coups qui s’échangent; des ustensiles sifflent dans les airs vers les têtes casquées ; plusieurs ramassent des pierres.
Les CRS ne font pas les fiers : ils se savent peu nombreux face à la foule hostile qui menace; après tout, l’Yvette est proche et vite ils pourraient s’y trouver balancés à tenir compagnie aux canards ! Cependant, avec ténacité, ils parviennent peu à peu à bouter hors de la rivière et repousser tout le monde au delà du cordon de police.
Dans le même temps, les gradés haranguent la foule avec leur mégaphone : « Il n’y a plus d’or dans la Mérantaise, il n’y a plus d’or, c’est fini, rentrez chez vous ! » « Il n’y a plus d’or, rentrez chez vous !». Mais les chefs ont beau chanter leur chanson, personne ne les croie ni ne bouge d’un pouce ; comment d’ailleurs pourraient-ils être crus ? Pour chacun, le temps de renoncer à ses rêves d’or n’est pas encore venu.
Le maire arrivant sur les lieux lance le même message : « Je suis le maire, il n’y a plus d’or dans la Mérantaise, c’est fini, rentrez chez vous ! ». Sans plus de réussite, lui aussi recommence, et recommence encore : « Je suis le maire, croyez-moi, il n’y a plus d’or dans la Mérantaise, rentrez chez vous ! ».
Mais nul n’est convaincu : « J’en ai rien à foutre du maire ! », « Ils nous prennent pour des cons ! » « Ils veulent tout l’or pour eux, oui! » et la tension reste forte : à quelques mètres seulement des boucliers des CRS casqués, la foule se tient immobile et fiévreuse, prête à s’élancer à l’assaut de la rivière malgré les coups.
La vision de ces masses d’hommes figées face à face, l’une brillante harnachée de cuir et d’acier, l’autre disparate et crottée, boueuse, humide, avec en main des objets dérisoires, est vraiment fantastique : un film surréaliste étonnant se tourne là devant moi, sans caméra ni scénario établi à l’avance et sans metteur en scène. Oh ! Combien je regrette de n’avoir pas mon appareil photo! Mais aussi comment prévoir ? Comment imaginer cette folle journée, l’or dans la Mérantaise, les CRS, ce face à face homérique sur la pelouse du stade? Ma boule de cristal ne m’a rien révélé ce matin au réveil ! Quelles photos choc pourtant à prendre ! Et à vendre ! Cédées à Paris Match, je ferais une fortune ! De quoi m’offrir un voyage 5 étoiles dans les îles !
Le face à face dure longtemps et semble interminable, interrompu par de rares tentatives de percée de quelques individus plus échauffés et hardis que les autres : sans succès, les flics tiennent bon et les matraques remettent promptement les intrépides en place ! C’est qu’ils sont habitués et entraînés, nos CRS ; ils en ont vu ailleurs de plus violents : boulons, cocktails Molotov, barres de fer… ; les chercheurs d’or de la Mérantaise pour eux sont des gentils!
Pendant ce temps, sans se lasser le maire et les gradés continuent d’adresser leur message : « Il n’y a plus d’or dans la Mérantaise, rentrez chez vous ! ».
Alors petit à petit, un changement lent survient ; la tension tombe, un mouvement en demi-tour s’amorce, à cause aussi du froid et de la fatigue qui gagnent. Certains n’ont rien mangé, ventre creux depuis l’aube, n’ayant pensé qu’à l’or !
Le message inlassablement répété finit par entrer dans les têtes ; c’est vrai que peu d’entre eux ont trouvé l’or, et les heureux élus n’ont trouvé qu’une misère, pas même de quoi payer l’essence : « Il n’y a plus d’or dans la Mérantaise, c’est fini, rentrez chez vous ! »
Il n’y a plus d’or, voilà, il faut rentrer.
Je vois les premiers qui repartent, la mine triste, tête basse, le dos courbé : une fatigue intense et une immense déception remplacent l’enthousiasme et l’excitation du matin. Adieu, veau, vache, cochon, couvée !
Voilà, c’est fini. Tout le monde s’en va maintenant, chacun s’en retourne chez soi. Un vaste mouvement de foule vide le parc, comme à la fin d’un match au Parc, mais plus lent, sans la joie et l’excitation habituelles; sans la colère aussi : nos chercheurs abattus sont sonnés ; leur beau rêve s’en est allé au fil de l’eau de la Mérantaise.
Campés devant la rivière, les CRS n’ont pas bougé malgré le reflux qui s’engage ; ils respirent toutefois plus à l’aise, leurs muscles se relâchent et quelques plaisanteries fusent. Pourtant rien n’est fini pour eux, bientôt une partie ira dégager les routes et régler le trafic.
J’aperçois le maire tout proche: lui aussi se sent mieux, son visage le dit ; à un moment, il sourit, mais déjà il doit faire le bilan : cher, très cher pour la commune ! Cette nuit, il dormira comme un sonneur ou fera d’horribles cauchemars.
La rive, les terrains du parc, et sans doute partout dans Gif où la foule est passée, sont jonchés de papiers, de bouteilles, de détritus de toutes sortes et même de pelles et poêles abandonnées ; des branches cassées, des jeunes arbres piétinés, des barrières et des haies éventrées, il y a même des traces de pneus sur les pelouses de rugby et de foot : des voitures ont roulé jusque là, malgré toutes les interdictions et les obstacles. Ce n’est pas beau à voir!
Le parc est bientôt presque vide ; chacun a rejoint sa voiture ou s’en est retourné à pied. Rentrer chez soi, retrouver au plus vite sa vie tranquille sans histoire, voilà ce qui importe maintenant ; pourtant beaucoup n’y seront pas de sitôt. Les routes sont bloquées, il leur faudra des heures avant d’arriver à bon port. Pour les plus malchanceux, la nuit sera blanche. Ah ! Les chercheurs d’or de Gif se souviendront longtemps de cette journée !
Moi aussi, je décide de rentrer.
Je m’en retourne doucement, je suis complètement à plat. Ce n’est pas tous les jours qu’un événement pareil survient ni que je cherche de l’or. Je reviendrai tout à l’heure donner le coup de main promis à l’équipe de mairie, mais maintenant j’ai besoin de souffler un bon coup.
Et puis, il faut que je mette mon trésor en sûreté. Je ne l’ai pas oublié une seconde pendant toutes ces heures, gardant toujours une main sur ma poche de peur que je le perde.
Je sens qu’elle me brûle, cette poche, j’ai hâte d’en sortir son précieux contenu ; alors j’accélère le pas, je suis soudain pressé ; vers la fin je cours presque ; j’essaye d’ouvrir ma porte avec la clef, j’ai oublié qu’elle n’est pas verrouillée, et puis là, sur la table de cuisine, tout doucement, délicatement, je déplie ma feuille de papier protégeant mon trésor.
Elle est là, elle brille, ma poussière d’or. Oh ! Quelle est belle ! Elle est magnifique ! C’est mon or, l’or de la Mérantaise, c’est moi qui l’ai trouvé, j’ai trouvé de l’or !
Je n’arrive pas à en détacher mon regard.
Je la regarde de tous côtés, je l’ausculte, je la palpe, je l’admire, j’en suis totalement amoureux. A un moment, je vais chercher ma loupe pour mieux la voir ; c’est qu’elle n’est pas bien grosse ma pépite ; le serait-elle d’ailleurs que je n’en aurais pas plus de joie : sa valeur en argent n’a aucune importance. J’ai trouvé de l’or, voilà tout, c’est ce qui compte, comme si j’avais conquis l’Everest ou trouvé un inestimable trésor ; ma pépite d’or m’éblouit et me réchauffe comme un soleil.
Bien vite, je sais comment je vais m’y prendre pour en jouir tout le temps : une inclusion, voilà ce qu’il faut faire, oui, c’est la meilleure idée ; la pépite bien au centre, pareille à une étoile, ou à la pointe d’une petite pyramide ; je verrai avec l’artisan ce qui convient le mieux ; et puis je ferai graver sur le socle: « Or de la Mérantaise 27 avril 2002 ». Et tant pis si ça coûte, mon or vaut bien une dépense.
Je la mettrai dans mon salon, en évidence. Ainsi chaque fois en voyant ma petite pépite d’or briller dans son écrin, je sais que j’éprouverai à nouveau la même joie et le même bonheur, revivant totalement le film de cette folle journée :
« L’or de la Mérantaise ».
Les nouvelles qui sont publiées ici ont été écrites dans le cadre du concours de nouvelles organisé chaque année depuis 2002 par la bibliothèque municipale de l’Abbaye de Gif sur Yvette en Essonne.
Celles dont je suis l’auteur n’ont pas été lauréates mais j’ai eu plaisir à les écrire et j’en éprouve encore à les relire de temps en temps.
J’espère que vous trouverez aussi de l’agrément à les parcourir ainsi que celles de François Nanquette et d’Evelyne Vijaya, auteurs giffois.
Si vous-même êtes auteur(e), n’hésitez pas à me proposer vos œuvres pour une publication sur mon site, sachant que :
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-vous conserverez l’entière propriété intellectuelle et morale de vos œuvres, notamment vous demeurerez libre de les proposer à des éditeurs,
-je pourrai les retirer du site à tout moment sans avoir à solliciter au préalable votre accord,
-vous pourrez les faire retirer à tout moment sur simple demande.
La flûte (extraits)
« Un jour, je vis s’asseoir, au pied de ce grand arbre,
Un pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre
Son sac et son chapeau, s’empressa d’achever
Un morceau de pain noir, puis se mit à rêver.
Il paraissait chercher dans les longues allées
Quelqu’un pour écouter ses chansons désolées ;
Il suivait à regret la trace des passants
Rares et qui, pressés, s’en allaient en tous sens.
Avec eux s’enfuyait l’aumône disparue,
Prix douteux d’un lit dur en quelque étroite rue
Et d’un amer souper dans un logis malsain…. »
Le Mont des Oliviers (extraits)
« Alors il était nuit, Et Jésus marchait seul,
Vêtu de blanc ainsi qu’un mort de son linceul ;
Les disciples dormaient au pied de la colline….
…Connaissant les rochers mieux qu’un sentier uni,
Il s’arrête en un lieu nommé Gethsémani.
Il se courbe à genoux, le front contre la terre,
Puis regarde le ciel en appelant : « Mon père ! »
Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas.
Il se lève étonné, marche encore à grands pas,
Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente
Découle de sa tête une sueur sanglante.
Il recule, il descend, il crie avec effroi :
«Ne pourriez-vous prier et veiller avec moi ? »
Mais un sommeil de mort accable les apôtres.
Pierre à la voix du maître est sourd comme les autres.
Le Fils de l’Homme alors remonte lentement ;
Comme un pasteur d’Egypte il cherche au firmament
Si l’Ange ne luit pas au fond de quelque étoile….. »
L’esprit pur (extraits)
« ….Ils furent opulents, seigneurs de vastes terres,
Grands chasseurs devant Dieu, comme Nemrod, jaloux
Des beaux cerfs qu’ils lançaient des bois héréditaires
Jusqu’où voulait la mort les livrer à leurs coups ;
Suivant leur forte meute à travers deux provinces,
Coupant les chiens du roi, déroutant ceux des princes,
Forçant les sangliers et détruisant les loups ;
Galants guerriers sur terre et sur mer, se montrèrent
Gens d’honneur en tout temps comme en tous lieux, cherchant
De la Chine au Pérou les Anglais qu’ils brûlèrent
Sur l’eau qu’ils écumaient du levant au couchant ;
Puis, sur leur talon rouge, en quittant les batailles,
Parfumés et blessés revenaient à Versailles
Jaser à l’Oeil-de-Bœuf avant de voir leur champ…
…Mais aucun, au sortir d’une rude campagne,
Ne sut se recueillir, quitter le destrier,
Dételer pour un jour ses palefrois d’Espagne,
Ni des coursiers de chasse enlever l’étrier,
Pour graver quelque page et dire en quelque livre
Comme son temps vivait et comment il sut vivre,
Dès qu’ils n’agissaient plus, se hâtant d’oublier…. »
La mort du loup (extraits)
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l’incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l’horizon.
Nous marchions, sans parler, dans l’humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. Ni le bois ni la plaine
Ne poussaient un soupir dans les airs ; seulement
La girouette en deuil criait au firmament ;
Car le vent, élevé bien au-dessus des terres,
N’effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d’en bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque, baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s’étaient mis en quête
A regardé le sable en s’y couchant ; bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçaient la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions, pas à pas, en écartant les branches.
Trois s’arrêtent, et moi, cherchant ce qu’ils voyaient,
J’aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au-delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maître revient, les lévriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse ;
Mais les enfants du Loup se jouaient en silence
Sachant bien qu’à deux pas, ne dormant qu’à demi,
Se couche dans ses murs l’homme leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu’adoraient les Romains et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le loup vient et s’assied, les deux jambes dressées,
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s’est jugé perdu, puisqu’il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris.
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante,
Et n’a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair,
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles,
Jusqu’au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu’à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;
Nos fusils l’entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
J’ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n’ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils, qui, tous trois,
Avaient voulu l’attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve
Ne l’eût pas laissé seul subir la grande épreuve…. »
La sauvage (extraits)
« Elle entre en une allée où d’abord elle voit
La barrière d’un parc. Un chemin large et droit
Conduit à la maison de forme britannique,
Où le bois est cloué dans les angles de brique,
Où le toit invisible entre un double rempart
S’enfonce, où le charbon fume de toute part,
Où tout est clos et sain, où vient blanche et luisante
S’unir à l’ordre froid la propreté décente.
Fermée à l’ennemi, la maison s’ouvre au jour,
Légère comme un kiosk, forte comme une tour…
… Deux filles de six ans aux lèvres ingénues
Attachaient des rubans sur leurs épaules nues ;
Mais, voyant l’Indienne, elles courent ; leur main
L’appelle et l’introduit par le large chemin
Dont elles ont ouvert, à deux bras, la barrière ;
Et caressant déjà la pâle aventurière :
« As-tu de beaux colliers d’azaléa pour nous ?
Ces mocassins musqués, si jolis et si doux,
Que ma mère à ses pieds ne veut d’autre chaussure ?
Et les peaux de castor, les a-t-on sans morsure ?
Vends-tu le lait des noix et la sagamité ?
Le pain anglais n’a pas tant de suavité.
C’est Noël aujourd’hui, Noël est notre fête,
A nous, enfants ; vois-tu ? la Bible est déjà prête ;
Devant l’orgue ma mère et nos sœurs vont s’asseoir,
Mon frère est sur la porte et mon père au parloir. »
L’Indienne aux grands yeux leur sourit sans répondre,
Regarde tristement cette maison de Londre
Que le vent malfaiteur apporta dans ses bois,
Au lieu d’y balancer le hamac d’autrefois.
Mais elle entre à grands pas, de cet air calme et grave
Près duquel tout regard est un regard d’esclave.
Le parloir est ouvert, un pupitre au milieu ;
Le père y lit la Bible à tous les gens du lieu,
Sa femme et ses enfants sont debout et l’écoutent,
Et des chasseurs de daims, que les Hurons redoutent,
Défricheurs de forêts et tueurs de bisons,
Valets et laboureurs, composent la maison….. »
Le combat (extraits)
« ….Mais il en resta trois.
Trois vaisseaux de haut bord combattre une frégate !
Est-ce l’art d’un marin ? le trait d’un amiral ?
Un écumeur des mers, un forban, un pirate,
N’eût pas agi si mal !
N’importe ! elle bondit dans son repos troublée,
Elle tourna trois fois jetant vingt-quatre éclairs,
Et rendit tous les coups dont elle était criblée,
Feux pour feux, fers pour fers.
Ses boulets enchaînés fauchaient des mâts énormes,
Faisaient voler le sang, la poudre et le goudron,
S’enfonçaient dans le bois, comme au cœur des grands ormes
Le coin du bûcheron.
Un brouillard de fumée où la flamme étincelle
L’entourait ; mais le corps brûlé, noir, écharpé,
Elle tournait, roulait, et se tordait sous elle,
Comme un serpent coupé.
Le soleil s’éclipsa dans l’air plein de bitume.
Ce jour entier passa dans le feu, dans le bruit ;
Et, lorsque la nuit vint, sous cette ardente brume
On ne vit pas la nuit.
Nous étions enfermés comme dans un orage :
Des deux flottes au loin le canon s’y mêlait ;
On tirait en aveugle à travers le nuage :
Toute la mer brûlait.
Mais quand le jour revint, chacun connut son œuvre.
Les trois vaisseaux flottaient démâtés et si las,
Qu’ils n’avaient plus de force assez pour la manœuvre.
Mais ma frégate, hélas !
Elle ne voulait plus obéir à son maître ;
Mutilée, impuissante, elle allait au hasard ;
Sans gouvernail, sans mât, on n’eût pu reconnaître
La merveille de l’art !
Engloutie à demi, son large pont à peine,
S’affaissant par degrés, se montrait sur les flots,
Et là ne restaient plus, avec moi capitaine,
Que douze matelots.
Je les fis mettre en mer à bord d’une chaloupe,
Hors de notre eau tournante et de son tourbillon,
Et je revins tout seul me coucher sur la poupe
Au pied du pavillon….. »
Les amants de Montmorency (extraits)
Elle allait en comptant les arbres du chemin,
Pour cueillir une fleur demeurait en arrière,
Puis revenait à lui, courant dans la poussière,
L’arrêtait par l’habit pour l’embrasser, posait
Un œillet sur sa tête, et chantait, et jasait
Sur les passants nombreux, sur la riche vallée
Comme un large tapis à ses pieds étalée ;
Beau tapis de velours chatoyant et changeant,
Semé de clochers d’or et de maisons d’argent,
Tout pareil aux jouets qu’aux enfants on achète
Et qu’au hasard pour eux par la chambre l’on jette.
Ainsi, pour lui complaire, on avait sous ses pieds
Répandu des bijoux brillants, multipliés,
En forme de troupeaux, de village aux toits roses
Ou bleus, d’arbres rangés, de fleurs sous l’onde écloses,
De murs blancs, de bosquets bien noirs, de lacs bien verts,
Et de chênes tordus, par la poitrine ouverts ;
Elle voyait ainsi tout préparé pour elle.
Enfant, elle jouait, en marchant, toute belle,
Toute blonde, amoureuse et fière ; et c’est ainsi
Qu’ils allèrent à pied jusqu’à Montmorency. »
La justification d’Othello (extraits)
« Son père alors m’aimait et, très souvent,
M’invitait ; nous parlions de ma vie, en suivant
Par année et par jour les sièges, les batailles,
Les désastres sur mer, les vastes funérailles
Où je m’étais trouvé ; je parcourais les temps
De mes plus grands périls, et ces rudes instants
Où la mort en passant nous effleure la tête ;
Je lui disais comment je devins la conquête
D’un barbare ennemi, comment je fus vendu,
Racheté, voyageur dans un pays perdu…. »
« ….Son beau visage
Pâlissait en prêtant l’oreille à mes propos.
Je l’avais remarqué. Dans un jour de repos,
Elle se trouvait seule et me fit la prière
De lui redire encor l’histoire toute entière.
Je voyais, en parlant, des larmes dans ses yeux,
Et, lorsque je me tus, les élevant aux cieux,
Elle rougit et dit que ce voyage étrange
Etait touchant, et puis ajouta qu’en échange
D’un tel récit, son cœur donnerait de l’amour,
Si quelqu’un en faisait un pareil quelque jour.
Je pus à cet aveu parler sans crime extrême.
Pour mes périls passés elle m’aima ; de même
Je l’aimai…. ».
La frégate « La Sérieuse »
« Qu’elle était belle, ma frégate,
Lorsqu’elle voguait dans le vent !
….Dix fois plus vive qu’un pirate,
En cent jours du Havre à Surate
Elle nous emporta souvent.
Qu’elle était belle ma frégate,
Lorsqu’elle voguait dans le vent ! »
« Brest vante son beau port et cette rade insigne
Où peuvent manœuvrer trois cents vaisseaux de ligne ;
Boulogne, sa cité haute et double, et Calais,
Sa citadelle assise en mer comme un palais ;
Dieppe a son vieux château soutenu par la dune,
Ses baigneuses cherchant la vague au clair de lune
Et ses deux monts en vain par la mer insultés ;
Cherbourg a ses fanaux de bien loin consultés,
Et gronde en menaçant Guernsey, la sentinelle
Debout près de Jersey, presque en France ainsi qu’elle.
Lorient, dans sa rade au mouillage inégal
Reçoit la poudre d’or des noirs du Sénégal ;
Saint-Malo dans son port tranquillement regarde
Mille rochers debout qui lui servent de garde ;
Le Havre a pour parure ensemble et pour appui
Notre-Dame-de-Grâce et Honfleur devant lui ;
Bordeaux de ses longs quais parés de maisons neuves,
Porte jusqu’à la mer ses vins sur deux grands fleuves ;
Toute ville à Marseille aurait droit d’envier
Sa ceinture de fruits, d’orange et d’olivier ;
D’or et de fer Bayonne en tout temps fut prodigue,
Du grand cardinal-duc La Rochelle a la digue,
Tous nos ports ont leur gloire ou leur luxe à nommer ;
Mais Toulon a lancé la Sérieuse en mer. »
Beauté d’Eloa (extraits)
Lazare, qu’il aimait et ne visitait plus,
Vint à mourir, ses jours étant tous révolus.
Mais l’amitié de Dieu n’est-elle pas la vie ?
Il partit dans la nuit ; sa marche était suivie
Par les deux jeunes sœurs du malade expiré,
Chez qui dans ses périls il s’était retiré.
C’étaient Marthe et Marie ; or Marie était celle
Qui versa les parfums et fît blâmer son zèle.
Tous s’affligeaient ; Jésus disait en vain : « il dort. »
Et lui-même, en voyant le linceul et le mort,
Il pleura. Larme sainte à l’amitié donnée…. »
Eloa, chant d’amour (extraits)
« …je ne sais, mais depuis l’heure qui te vit naître,
Dans tout être crée j’ai cru te reconnaître.
J’ai trois fois en pleurant passé dans l’Univers ;
Je te cherchais partout : dans un souffle des airs,
Dans un rayon tombé du disque de la lune,
Dans l’étoile qui fuit le ciel qui l’importune,
Dans l’arc-en-ciel, passage aux Anges familier,
Ou sur le lit moelleux des neiges du glacier.
Des parfums de ton vol je respirais la trace.
En vain j’interrogeai les globes de l’espace,
Du char des astres purs j’obscurcis les essieux,
Je voilai leurs rayons pour attirer tes yeux,
J’osai même, enhardi par mon nouveau délire,
Toucher les fibres d’or de la céleste lyre,
Mais tu n’entendis rien, mais tu ne me vis pas.
Eloa, remords de Satan (extraits)
« …Tel, retrouvant ses maux au fond de sa mémoire,
L’Ange maudit pencha sa chevelure noire,
Et se dit, pénétré d’un chagrin infernal :
« Triste amour du péché ! sombres désirs du mal ! »
« …Je souffre et mon esprit par le mal abattu,
Ne peut plus remonter jusqu’à tant de vertu.
Qu’êtes-vous devenus, jours de paix, jours célestes ?
Quand j’allais, le premier de ces Anges modestes,
Prier à deux genoux devant l’antique loi,
Et ne pensais jamais au-delà de la foi ?
L’éternité pour moi s’ouvrait comme une fête ;
Et, des fleurs dans mes mains, des rayons sur ma tête,
Je souriais, j’étais…J’aurais peut-être aimé ! »
Le tentateur lui-même était presque charmé.
Il avait oublié son art et sa victime,
Et son cœur un moment se reposa du crime.
Il répétait tout bas, et le front dans ses mains :
« Si je vous connaissais, ô larmes des humains ! »
Ah ! si dans ce moment la vierge eût pu l’entendre,
Si sa céleste main qu’elle eût osé lui tendre
L’eût saisi repentant, docile à remonter…
Qui sait ? le mal peut-être eût cessé d’exister. »
Moïse (extraits)
Le soleil prolongeait sur la cime des tentes
Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes,
Ces larges traces d’or qu’il laisse dans les airs,
Lorsqu’en un lit de sable il se couche aux déserts.
La pourpre et l’or semblaient revêtir la campagne.
Du stérile Nébo gravissant la montagne,
Moïse, homme de Dieu, s’arrête et, sans orgueil,
Sur le vaste horizon promène un long coup d’œil.
Il voit d’abord Phasga que des figuiers entourent,
Puis, au-delà des monts que ses regards parcourent,
S’étend tout Galaad, Ephraïm, Manassé,
Dont le pays fertile à sa droite est placé ;
Vers le midi, Juda, grand et stérile, étale
Ses sables où s’endort la mer occidentale ;
Plus loin, dans un vallon que le soir a pâli,
Couronné d’oliviers se montre Nephtali ;
Dans des plaines de fleurs magnifiques et calmes,
Jéricho s’aperçoit : c’est la ville des palmes ;
Et, prolongeant ses bois, des plaines de Phogor
Le lentisque touffu s’étend jusqu’au Ségor.
Il voit tout Chanaan et la terre promise,
Où sa tombe, il le sait, ne sera point admise.
Il voit, sur les Hébreux étend sa grande main,
Puis vers le haut du mont il reprend son chemin.
…Prophète centenaire, environné d’honneur,
Moïse était parti pour trouver le Seigneur.
On le suivait des yeux aux flammes de sa tête,
Et, lorsque du grand mont il atteignit le faîte,
Lorsque son front perça le nuage de Dieu
Qui couronnait d’éclairs la cime du haut lieu,
L’encens brûla partout sur les autels de pierre,
Et six cent mille Hébreux, courbés dans la poussière,
A l’ombre du parfum par le soleil doré,
Chantèrent d’une voix le cantique sacré. »
« …Et, debout devant Dieu, Moïse, ayant pris place,
Dans le nuage obscur lui parlait face à face.
Il disait au Seigneur : « Ne finirai-je pas ?
Où voulez-vous encor que je porte mes pas ?
Je vivrai donc toujours puissant et solitaire ?
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre.
Que vous ai-je donc fait pour être votre élu ?
J’ai conduit votre peuple où vous avez voulu.
Voilà que son pied touche à la terre promise.
De vous à lui qu’un autre accepte l’entremise…. »
« …Lorsque mon peuple souffre ou qu’il lui faut des lois,
J’élève mes regards, votre esprit me visite ;
La terre alors chancelle et le soleil hésite,
Vos anges sont jaloux et m’admirent entre eux.
Et cependant, Seigneur, je ne suis pas heureux ;
Vous m’avez fait vieillir puissant et solitaire,
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre ! »
« …M’enveloppant alors de la colonne noire,
J’ai marché devant tous, triste et seul dans ma gloire,
Et j’ai dit dans mon cœur : « Que vouloir à présent ? »
Pour dormir sur un sein mon front est trop pesant,
Ma main laisse l’effroi sur la main qu’elle touche ;
L’orage est dans ma voix, l’éclair est sur ma bouche ;
Aussi, loin de m’aimer, voilà qu’ils tremblent tous,
Et, quand j’ouvre les bras, on tombe à mes genoux.
O Seigneur ! j’ai vécu puissant et solitaire,
Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre !… »
Le voyage d’Héléna (extraits)
« ..Le spectacle des mers est grand et solennel ;
Ce mobile désert, bruyant et monotone,
Attriste la pensée encor plus qu’il n’étonne ;
Et l’homme, entre le ciel et les ondes jeté,
Se plaint d’être si peu devant l’immensité.. »
« ..Vois cet astre si pur dont la nuit se décore..
Elle vient, le vent tombe et la terre fleurit ;
La mer, sous ses pieds blancs, s’apaise et lui sourit.. »
La tristesse d’Héléna (extraits)
« ..Des maux non mérités je me suis étonnée,
Et je n’ai pas compris d’abord ma destinée.. »
La Dryade (extraits)
« ..L’un parait son front blanc de myrte et de lotus ;
L’autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus,
Offrait à la Dryade une coupe d’argile…
J’entendis leur prière, et de leur simple histoire
Les Muses et le temps m’ont laissé la mémoire . »
« …Ainsi, quand je te vois, ô modeste bergère,
Fouler de tes pieds nus la riante fougère,
J’appelle autour de moi les pâtres nonchalants…
..Et crie, en te suivant dans ta course rebelle :
« Venez ! oh ! venez voir comme Glycère est belle ! »
Symétha (extraits)
« ..Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï,
Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ;
Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille,
La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille ;
Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ;
Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour… »
« …Dans le port du Pirée, un jour fut entendue
Cette plainte innocente, et cependant perdue ;
Car la vierge enfantine, auprès des matelots,
Admirait et la rame et l’écume des flots ;
Puis, sur la haute poupe accourue et couchée
Saluait, dans la mer, son image penchée,
Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants
Et riait de leur chute et les suivait longtemps ;
Ou, tout à coup rêveuse, écoutait le Zéphyre,
Qui, d’une aile invisible, avait ému sa lyre.. »
Le bain (extraits)
« ..C’était près d’une source à l’ombre pure et sombre ;
Le large sycomore y répandait son ombre.
Là, Suzanne, cachée aux cieux déjà brûlants,
Suspend sa rêverie et ses pas indolents ;
Sur une jeune enfant que son amour protège
S’appuie, et sa voix douce appelle le cortège
Des filles de Juda, de Gad et de Ruben,
Qui doivent la servir et la descendre au bain ;
Et toutes à l’envi, rivales attentives,
Détachent sa parure entre leurs mains actives.
L’une ôte la tiare où brille le saphir
Dans l’éclat arrondi de l’or poli d’Ophir ;
Aux cheveux parfumés dérobe leurs longs voiles,
Et la gaze brodée en tremblantes étoiles ;
La perle, sur son front enlacée en bandeau,
Ou pendante à l’oreille en mobile fardeau ;
Les colliers de rubis, et, par des bandelettes,
L’ambre au cou suspendu dans l’or des cassolettes… »
Ode au malheur (extraits)
« Suivi du Suicide impie,
A travers les pâles cités,
Le Malheur rôde, il nous épie,
Près de nos seuils épouvantés…
..Où fuir ? Sur le seuil de ma porte
Le Malheur un jour s’est assis ;
Et depuis ce jour je l’emporte
A travers mes jours obscurcis.
Au soleil, et dans les ténèbres,
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau ;
De mes douleurs ses bras avides
M’enlacent ; et ses mains livides
Sur mon cœur tiennent le couteau…
Il me parle dans le silence,
Et mes nuits entendent sa voix ;
Dans les arbres il se balance
Quand je cherche la paix des bois ;
Près de mon oreille il soupire
On dirait qu’un mortel expire :
Mon cœur se serre épouvanté.
Vers les astres mon œil se lève,
Mais il y voit pendre le glaive
De l’antique fatalité… »
La prison (extraits)
« … Dans l’escalier tournant on dirige ses pas ;
Il monte à la prison que lui seul ne voit pas,
Et, les bras étendus, le vieux prêtre timide
Tâte les murs épais du corridor humide.
On s’arrête ; il entend le bruit des pas mourir,
Sous de bruyantes clés des gonds de fer s’ouvrir ;
Il descend trois degrés sur la pierre glissante,
Et, privé du secours de sa vue impuissante,
La chaleur l’avertit qu’on éclaire ces lieux ;
Enfin, de leur bandeau l’on délivre ses yeux.
Dans un étroit cachot dont les torches funèbres
Ont peine à dissiper les épaisses ténèbres,
Un vieillard expirant attendait ses secours.
Du moins ce fut ainsi qu’en un brusque discours
Ses sombres conducteurs le lui firent entendre.
« Mon prince, dit quelqu’un, le saint homme est venu.
-Eh ! que m’importe, à moi ! » soupira l’inconnu.
Cependant, vers le lit que deux lourdes tentures
Voilent du luxe ancien de leurs pâles peintures,
Le prêtre s’avança lentement, et sans voir
Le malade caché, se mit à son devoir.
L’agonisant du lit se soulève et lui dit :
« …Oui, regardez-moi bien, et puis dites après
Qu’un Dieu de l’innocent défend les intérêts…
Je meurs tout chargé d’ans, et je n’ai pas vécu.
Du récit de mes maux vous êtes bien avide :
Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire vide
Où, stérile de jours, le temps dort effacé ?
Je n’eus point d’avenir et n’ai point de passé ;
J’ai tenté d’en avoir ; dans mes longues journées,
Je traçais sur les murs mes lugubres années ;
Mais je ne pus les suivre en leur douloureux cours.
Les murs étaient remplis et je vivais toujours.
Tout me devins alors obscurité profonde ;
Je n’étais rien pour lui, qu’était pour moi le monde ?
Que m’importaient des temps où je ne comptais pas ?
L’heure que j’invoquais, c’est l’heure du trépas :
Ecoutez, écoutez : quand je tiendrais la vie
De l’homme qui toujours tint la mienne asservie,
J’hésiterais, je crois, à le frapper des maux
Qui rongèrent mes jours, brûlèrent mon repos… »
M’eût valu les brocards de plus d’un camarade
La mort de Philippe II (extraits)
….Par les cours du palais, où l’ombre met ses plombs,
Circule- tortueux serpent hiératique-
Une procession de moines aux frocs blonds
Qui marchent un par un, suivant l’ordre ascétique,
Et qui, pieds nus, la corde aux reins, un cierge en main,
Ululent d’une voix formidable un cantique.
Qui donc ici se meurt ? Pour qui sur le chemin
Cette paille épandue et ces croix long-voilées
Selon le rituel catholique romain ?
….Riches, les vêtements des seigneurs et des dames,
Velours, panne, satin, soie, hermine et brocart,
Chantent l’ode du luxe en chatoyantes gammes,
Et, trouant par éclairs distancés avec art
L’opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre
Des gardes alignés scintillent de trois quart.
Un homme en robe noir, à visage de cuivre,
Se penche, en caressant de la main ses fémurs,
Sur un lit, comme l’on se penche sur un livre.
…Dans le lit, un vieillard d’une maigreur insigne
Egrène un chapelet, qu’il baise par moment,
Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne.
Ses lèvres font ce sourd et long marmottement,
Dernier signe de vie et premier d’agonie,
Et son haleine pue épouvantablement.
….C’est le Roi, ce mourant qu’assiste un mire chauve,
Le Roi Philippe Deux d’Espagne, -saluez !-
Et l’aigle autrichien s’effare dans l’alcôve,
….La porte s’ouvre. Un flot de lumière brutale
Jaillit soudain, déferle et bientôt s’établit
Par l’ampleur de la chambre en nappe horizontale ;
Porteurs de torches, roux, et que l’extase emplit,
Entrent dix capucins qui restent en prière :
Un d’entre eux se détache et marche droit au lit.
Il est grand, jeune et maigre, et son pas est de pierre,
Et les élancements farouches de la Foi
Rayonnent à travers les cils de sa paupière ;
….Et tous sur son trajet dans un geste extatique
S’agenouillent, frappant trois fois du poing leur sein
Car il porte avec lui le sacré Viatique.
Du lit s’écarte avec respect le matassin,
Le médecin du corps, en pareille occurrence,
Devant céder la place, Ame, à ton médecin.
La figure du Roi, qu’étire la souffrance,
A l’approche du fray se rassérène un peu,
Tant la religion est grosse d’espérance !
Le moine, cette fois, ouvrant son œil de feu,
Tout brillant de pardons mêlés à des reproches,
S’arrête, messager des justices de Dieu.
-Sinistrement dans l’air du soir tintent les cloches.
Et la Confession commence. Sur le flanc
Se retournant, le Roi, d’un ton sourd, bas et grêle,
Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang.
« Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle ?
Brûler des juifs, mais c’est une dilection !
Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle. »
Ayant repris haleine, et d’une voix cassée,
Péniblement, et comme arrachant par lambeaux
Un remord douloureux du fond de sa pensée,
Le Roi, dont la lueur tragique des flambeaux
Eclaire le visage osseux et le front blême,
Prononce ces mots : Flandre, Albe, morts, sacs, tombeaux.
« Les Flamands, révoltés contre l’Eglise même,
Furent très justement punis, à votre los,
Et je m’étonne, ô Roi, de ce doute suprême,
Poursuivez. » Et le Roi parla de don Carlos,
Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue
Palpitante et collée affreusement à l’os.
« Vous déplorez cet acte, et moi je vous en loue.
L’Infant, certes, était coupable au dernier point,
Ayant voulu tirer l’Espagne dans la boue
De l’hérésie anglaise, et de plus n’ayant point
Frémi de conspirer- ô ruses abhorrées-
Et contre un Père, et contre un Maître, et contre un Oint ! »
Le moine ensuite dit les formules sacrées
Par quoi tous nos péchés nous sont remis, et puis,
Prenant l’Hostie avec ses deux mains timorées,
Sur la langue du Roi la déposa. Tous bruits
Se sont tus, et la Cour, pliant dans la détresse,
Pria, muette et pâle, et nul n’a su depuis
Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse.
Qui dira les pensers obscurs que protégea
Ce silence, brouillard complice qui se dresse ?
Ayant communié, le Roi se replongea
Dans l’ampleur des coussins, et la Béatitude
De l’Absolution reçue ouvrant déjà
L’œil de son âme au jour clair de la certitude,
Epanouit ses traits en un sourire exquis
Qui tenait de la fièvre et de la quiétude.
Et tandis qu’alentour ducs, comtes et marquis,
Pleins d’angoisse, fichaient leurs yeux sous la courtine,
L’âme du Roi montait, sereine, aux cieux conquis.
Puis le râle des morts hurla dans la poitrine
De l’auguste malade avec des sursauts fous :
Tel l’ouragan passe à travers une ruine.
Et puis plus rien ; et puis, sortant par mille trous,
Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,
Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux poux.
Philippe Deux était à la droite du Père.
Dans les bois (extraits)
D’autres, -des innocents ou bien des lymphatiques,-
Ne trouvent dans les bois que charmes langoureux,
Souffles frais et parfums tièdes. Ils sont heureux !
D’autres s’y sentent pris- rêveurs- d’effrois mystiques.
Ils sont heureux ! Pour moi, nerveux, et qu’un remords
Epouvantable et vague affole sans relâche,
Par les forêts je tremble à la façon d’un lâche
Qui craindrait une embûche ou qui verrait des morts.
….La nuit vient. Le hibou s’envole. C’est l’instant
Où l’on songe aux récits des aïeules naïves…
Sous un fourré, là-bas, là-bas, des sources vives
Font un bruit d’assassins postés se concertant.
Nocturne parisien (extraits)
…Toi, Seine, tu n’as rien. Deux quais, et voilà tout,
Deux quais crasseux, semés de l’un à l’autre bout
D’affreux bouquins moisis et d’une foule insigne
Qui fait dans l’eau des ronds et qui pêche à la ligne.
Oui, mais quand vient le soir, raréfiant enfin
Les passants alourdis de sommeil ou de faim,
Et que le couchant met au ciel des taches rouges,
Qu’il fait bon aux rêveurs descendre de leurs bouges
Et, s’accoudant au pont de la Cité, devant
Notre-Dame, songer, cœur et cheveux au vent !
Les nuages, chassés par la brise nocturne,
Courent, cuivreux et roux, dans l’azur taciturne.
Sur la tête d’un roi du portail, le soleil
Au moment de mourir, pose un baiser vermeil.
L’hirondelle s’enfuit à l’approche de l’ombre
Et l’on voit voleter la chauve-souris sombre.
Tout bruit s’apaise autour. A peine un vague son
Dit que la ville est là qui chante sa chanson,
Qui lèche ses tyrans et qui mord ses victimes ;
Et c’est l’aube des vols, des amours et des crimes.
Puis, tout à coup, ainsi qu’un ténor effaré
Lançant dans l’air bruni son cri désespéré,
Son cri qui se lamente, et se prolonge, et crie,
Eclate en quelque coin l’orgue de Barbarie :
Il brame un de ces airs, romances ou polkas,
Qu’enfants nous tapotions sur nos harmonicas
Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,
Vibrer l’âme aux proscrits, aux femmes, aux artistes.
C’est écorché, c’est faux, c’est horrible, c’est dur,
Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr ;
Ces rires sont traînés, ces plaintes sont hachées ;
Sur une clef de sol impossible juchées,
Les notes ont un rhume et les do sont des la,
Mais qu’importe ! l’on pleure en entendant cela !
Mais l’esprit, transporté dans le pays des rêves,
Sent à ces vieux accords couler en lui des sèves ;
La pitié monte au cœur et les larmes aux yeux,
Et l’on voudrait pouvoir goûter la paix des cieux….
….Et puis l’orgue s’éloigne, et puis c’est le silence
Et la nuit terne arrive et Vénus se balance
Sur une molle nue au fond des cieux obscurs ;
On allume les becs de gaz le long des murs.
Et l’astre et les flambeaux font des zigzags fantasques
Dans le fleuve plus noir que le velours des masques…..
Monsieur Prudhomme
Il est grave : il est maire et père de famille.
Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux
Dans un rêve sans fin flottent, insoucieux,
Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.
Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille
Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux,
Et les prés verts et les gazons silencieux ?
Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille.
Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.
Il est juste milieu, botaniste et pansu.
Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,
Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a
Plus en horreur que son éternel coryza,
Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.
Initium
Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes
Et le bal tournoyait quand je la vis passer
Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes
De son oreille où mon Désir comme un baiser
S’élançait et voulait lui parler sans oser.
Cependant elle allait, et la mazurque lente
La portait dans son rythme indolent comme un vers,
-Rime mélodieuse, image étincelante,-
Et son âme d’enfant rayonnait à travers
La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts.
Et depuis, ma Pensée- immobile- contemple
Sa Splendeur évoquée, en adoration,
Et dans son Souvenir, ainsi que dans un temple,
Mon Amour entre, plein de superstition.
Et je crois que voici venir la Passion.
Cavitrî
Pour sauver son époux, Cavitrî fit le vœu
De se tenir trois jours entiers, trois nuits entières,
Debout, sans remuer jambes, buste ou paupières :
Rigide, ainsi que dit Vyaça, comme un pieu.
Ni Curya, tes rais cruels, ni la langueur
Que Tchandra vient épandre à minuit sur les cimes
Ne firent défaillir, dans leurs efforts sublimes,
La pensée et la chair de la femme au grand cœur.
Que nous cerne l’Oubli, noir et morne assassin,
Ou que l’Envie aux traits amers nous ait pour cibles,
Ainsi que Cavitri faisons-nous impassibles,
Mais, comme elle, dans l’âme ayons un haut dessein.
Une grande dame
Belle « à damner les saints », à troubler sous l’aumusse
Un vieux juge ! Elle marche impérialement,
Elle parle- et ses dents font un miroitement-
Italien, avec un léger accent russe.
Ses yeux froids où l’émail sertit le bleu de Prusse
Ont l’éclat insolent et dur du diamant.
Pour la splendeur du sein, pour le rayonnement
De la peau, nulle reine ou courtisane, fût-ce
Cléopâtre la lynce ou la chatte Ninon,
N’égale sa beauté patricienne, non !
Vois, ô bon Buridan : « C’est une grande dame ! »
Il faut- pas de milieu !- l’adorer à genoux,
Plat, n’ayant d’astre aux cieux que ses lourds cheveux roux,
Ou bien lui cravacher la face, à cette femme !
Sub urbe (extraits)
….Silencieux comme les fleuves,
Mais gros de pleurs comme eux de flots,
Les fils, les mères et les veuves,
Par les détours du triste enclos,
S’écoulent- lente théorie,-
Au rythme heurté des sanglots.
Le sol sous les pieds glisse et crie,
Là-haut de grands nuages tors
S’échevèlent avec furie.
Pénétrant comme le remord,
Tombe un froid lourd qui vous écoeure
Et qui doit filtrer chez les morts,
Chez les pauvres morts, à toute heure
Seuls, et sans cesse grelottants,
Qu’on les oublie ou qu’on les pleure !
Ah ! vienne le Printemps,
Et son clair soleil qui caresse,
Et ses doux oiseaux caquetants !
Refleurisse l’enchanteresse
Gloire des jardins et des champs
Que l’âpre hiver tient en détresse !
Et que- des levers aux couchants,-
L’or dilaté d’un ciel sans bornes
Berce de parfums et de chants,
Chers endormis, vos sommeils mornes !
Nevermore
Allons, mon pauvre cœur, allons, mon vieux complice,
Redresse et peins à neuf tous tes arcs triomphaux ;
Brûle un encens ranci sur tes autels d’or faux ;
Sème de fleurs les bords béants du précipice ;
Allons, mon pauvre cœur, allons, mon vieux complice !
Pousse à Dieu ton cantique, ô chantre rajeuni ;
Entonne, orgue enroué, des Te Deum splendides ;
Vieillard prématuré, mets du fard sur tes rides ;
Couvre-toi de tapis mordorés, mur jauni ;
Pousse à Dieu ton cantique, ô chantre rajeuni.
Sonnez, grelots ; sonnez, clochettes ; sonnez, cloches !
Car mon rêve impossible a pris corps et je l’ai
Entre mes bras pressé : le Bonheur, cet ailé
Voyageur qui de l’Homme évite les approches,
Sonnez, grelots ; sonnez, clochettes ; sonnez, cloches !
Le Bonheur a marché côte à côte avec moi ;
Mais la FATALITE ne connaît point de trêve ;
Le ver est dans le fruit, le réveil dans le rêve,
Et le remords est dans l’amour : telle est la loi.
Le Bonheur a marché côte à côte avec moi.
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.
Femme et chatte
Elle jouait avec sa chatte
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre noire.
Elle cachait- la scélérate !-
Sous ses mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée.
Mais le diable n’y perdait rien…
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.
La chanson des ingénues
Nous sommes les Ingénues,
Aux bandeaux plats, à l’œil bleu,
Qui vivons, presque inconnues,
Dans les romans qu’on lit peu.
Nous allons entrelacées,
Et le jour n’est pas plus pur
Que le fond de nos pensées,
Et nos rêves sont d’azur ;
Et nous courons par les prés
Et nous rions et babillons
Des aubes jusqu’aux vesprées,
Et chassons aux papillons ;
Et des chapeaux de bergères
Défendent notre fraîcheur,
Et nos robes- si légères-
Sont d’une extrême blancheur ;
Les Richelieux, les Caussades
Et les chevaliers Faublas
Nous prodiguent les œillades,
Les saluts et les « hélasl ».
Mais en vain, et leurs mimiques
Se viennent casser le nez
Devant les plis ironiques
De nos jupons détournés ;
Et notre candeur se raille
Des imaginations
De ces raseurs de muraille,
Bien que parfois nous sentions
Battre nos cœurs sous nos mantes
A des pensers clandestins,
En nous sachant les amantes
Futures des libertins.
Croquis parisien
La lune plaquait ses teintes de zinc
Par angles obtus.
Des bouts de fumée en forme de cinq
Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.
Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu’un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d’étrange et grêle façon.
Moi, j’allais, rêvant du divin Platon
Et de Phidias,
Et de Salamine et de Marathon,
Sous l’œil clignotant des bleus becs de gaz.
Grotesques (extraits)
Leurs jambes pour toutes montures,
Pour tous biens l’or de leurs regards,
Par le chemin des aventures
Ils vont haillonneux et hagards.
Le sage, indigné, les harangue ;
Le sot plaint ces fous hasardeux ;
Les enfants leur tirent la langue
Et les filles se moquent d’eux.
C’est qu’odieux et ridicules,
Et maléfiques en effet,
Ils ont l’air, sur les crépuscules,
D’un mauvais rêve que l’on fait ;
C’est que, sur leurs aigres guitares
Crispant la main des libertés,
Ils nasillent des chants bizarres,
Nostalgiques et révoltés…. »
Vœu
Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !
L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs,
Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers,
La spontanéité craintive des caresses !
Sont-elles assez loin, toutes ces allégresses
Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers
Le Printemps des regrets ont fui les noirs hivers
De mes ennuis, de mes dégoûts, de mes détresses !
Si que me voilà seul à présent, morne et seul,
Morne et désespéré, plus glacé qu’un aïeul,
Et tel qu’un orphelin pauvre sans sœur aînée.
O la femme à l’amour câlin et réchauffant,
Douce, pensive et brune, et jamais étonnée,
Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant !
Lassitude
De la douceur, de la douceur, de la douceur !
Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante.
Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l’amante
Doit avoir l’abandon paisible de la sœur.
Sois langoureuse, fais ta caresse endormante,
Bien égaux tes soupirs et ton regard berceur.
Va, l’éteinte jalouse et le spasme obsesseur
Ne valent pas un long baiser, même qui mente !
Mais dans ton cher cœur d’or, me dis-tu, mon enfant,
La fauve passion va sonnant l’olifant !…
Laisse-la trompetter à son aise, la gueuse !
Mets ton front sur mon front et ta main dans ma main,
Et fais-moi des serments que tu rompras demain,
Et pleurons jusqu’au jour, ô petite fougueuse !
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore,
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
L’angoisse
Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs
Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales
Siciliennes, ni les pompes aurorales,
Ni la solennité dolente des couchants.
Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,
Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,
Et je vois du même œil les bons et les méchants.
Je ne crois pas en Dieu, j’abjure et je renie
Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.
Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.
A Eugène Carrière
« Les Sages d’autrefois, qui valaient bien ceux-ci,
Crurent, et c’est un point encor mal éclairci,
Lire au ciel les bonheurs ainsi que les désastres,
Et que chaque âme était liée à l’un des astres.
(On a beaucoup raillé, sans penser que souvent
Le rire est ridicule autant que décevant,
Cette explication du mystère nocturne)
Or ceux-là qui sont nés sous le signe SATURNE,
Fauve planète, chère aux nécromanciens,
Ont entre tous, d’après les grimoires anciens,
Bonne part de malheur et bonne part de bile.
L’Imagination, inquiète et débile,
Vient rendre nul en eux l’effort de la Raison.
Dans leurs veines le sang, subtil comme un poison,
Brûlant comme une lave, et rare, coule et roule
En grésillant leur triste Idéal qui s’écroule.
Tels les Saturniens doivent souffrir et tels
Mourir, en admettant que nous soyons mortels,
Leur plan de vie étant dessiné ligne à ligne
Par la logique d’une Influence maligne.»
Résignation (extraits)
Tout enfant, j’allais rêvant Ko-Hinnor,
Somptuosité persane et papale
Héliogabale et Sardanapale !
Mon désir créait sous des toits en or,
Parmi les parfums, au son des musiques,
Des harems sans fins, paradis physiques !
Aujourd’hui, plus calme et non moins ardent,
Mais sachant la vie et qu’il faut qu’on plie,
J’ai dû refréner ma belle folie,
Sans me résigner par trop cependant… »
Nevermore (extraits)
« …Nous étions seul et seule et marchions en rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
« Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d’or vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
Ah ! les premières fleurs, qu’elles sont parfumées !
Et qu’il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !
Après trois ans
Ayant poussé la porte qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu’éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d’une humide étincelle.
Rien n’a changé. J’ai tout revu : l’humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin…
Le jet d’eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.
Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m’est connue.
Même j’ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s’écaille au bout de l’avenue,
Grêle, parmi l’odeur fade du réséda.
La fileuse
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline.
Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.
Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée ;
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse…
Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir… Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
Stenka Razine
En ce temps-là vivait, puissant par le fer, le feu, le sang,
Un autre star qu’on appelait celui des brigands.
Il allumait le long de la Volga, notre mère,
Les signaux d’une délivrance sauvage, hérissée de faux,
De potences et de têtes coupées.
Liberté, égalité, fraternité,
Nommez les fruits de l’espérance la plus amère,
Lavez, lavez, sur les couteaux, sur les épées
Le sang versé depuis l’éternité.
Stenka le Juste savait traiter les maîtres
Comme les esclaves sont traités par les maîtres
Et ne se doutait pas qu’un homme meilleur pût naître.
Les petites Cosaques de ce village chantent encore le soir
En s’accompagnant de la guitare
La complainte de Stenka Razine ; mais ce qu’ont fait leurs pères
Et leurs oncles, ici même, il y a simplement seize ans,
Elles l’ont oublié, oublions-le, guitare
Chante pour leur cœur,
Enchante l’oubli, fait chanter les chœurs
Accordés par l’oubli.
Une faucille d’argent monte au ciel de juillet
Au-dessus du petit minaret rouge d’Orenpossad.
J’écoute ces voix grêles et la guitare
Et le coassement des crapauds dans la mare.
Je pense obscurément, moi seul, en face de la steppe
A tous ceux de par le monde dont je ne suis point séparé,
Aux chômeurs d’Amsterdam, à Tom Mooney dans sa prison californienne
Depuis quinze ou dix-huit ans, qu’en savons-nous ?
Et qui peut savoir le compte juste de telles années ?
A l’étonnante victoire de la grève générale de Saragosse, hier,
En juin 34,
Au prochain Congrès de la Fédération unitaire de l’Enseignement,
A la tombe fraîche, mais est-elle fleurie, est-elle fleurie ?
A la tombe fraîche de Koloman Wallisch,
A la fenêtre à barreaux, mais est-elle fleurie, est-elle fleurie ?
De sa femme Paula dans une prison d’Autriche.
Les jeunes voix montent sans savoir ni ce qu’elles chantent
Ni les vivants et les morts pour lesquels elles chantent,
Unis, unies à travers le temps, les chaînes, l’espace.
Et quand elles annoncent que débouchent sur le fleuve aux rives de lointain
Les barques enluminées de Stepan le brigand,
Le libérateur,
Le héros, le bourreau, le bourreau des bourreaux,
L’annonciateur,
Je vois grandir sur la moire des eaux
L’ombre vivifiante
D’une liberté barbare ivre de ses sanglots.
Stenka fut roué vif le six juin mil six cent soixante-dix,
En face du Kremlin,
Devant l’église de Saint-Basile le Bienheureux
Et la Tour du Sauveur.
Tandis qu’on lui casse les os, Stenka crie à son frère le lâche qui se lamente :
Tais-toi, chien !
Ce sont ses dernières paroles, ses fières paroles, ses seules paroles sous la hache,
Elles fendent la douleur fulgurante de ses membres coupés,
Le bras droit, la jambe gauche,
Elles coulent de ses lèvres avec une bave sanglante,
Un peuple les ramasse dans l’odeur écoeurante
Qui stagne sous l’échafaud.
L’histoire les gardera comme les paroles du Christ.
Mais les chiens ne sont pas des bêtes lâches,
Les chiens gardent très bien leur dignité canine
Dans cette chienne de vie
Et pourtant voilà des siècles que nous les dressons à notre image.
Frère lâche, tais-toi !
Devant le supplice de celui qui, plus fort que toi,
Meilleur que toi,
Mourant pour toi, meurt plus que toi.
Et cela fait une douce tête de fou..
Elégie
Contre les bûcherons de la forêt de Gastine (extraits)
Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras ;
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d’été ne rompra la lumière.
Plus l’amoureux pasteur sur un tronc adossé
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette.
Tout deviendra muet, Echo sera sans voix ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras le silence, et haletants d’effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi .
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphire,
Où premier j’accordai les langues de ma lyre,
Où premier j’entendis les flèches résonner
D’Apollon, qui me vint tout le cœur étonner,
Où premier, admirant ma belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta,
Et de son propre lait Euterpe m’allaita.
Adieu, vieille forêt, adieu têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l’été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leur disent injures.
Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premier aux humains donnâtes à repaître ;
Peuples vraiment ingrats, qui n’ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers !
Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !
O dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu’en changeant de forme une autre vêtira !
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cime d’Athos une large campagne ;
Neptune quelquefois de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd.
Stances
I
Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras, de peur que je ne tremble.
Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ;
Adieu, plaisant soleil ! mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.
Quel ami, me voyant à ce point dépouillé,
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit, et me baisant la face,
En essuyant mes yeux par la mort endormi ?
Adieu, chers compagnons ! adieu, mes chers amis !
Je m’en vais le premier vous préparer la place.
Stances
II
Méchantes nuits d’hiver, nuits filles de Cocyte
Que la terre engendra, d’Encelade les sœurs,
Serpentes d’Alecton, et fureur des fureurs,
N’approchez de mon lit, ou bien tournez plus vite.
Que fait tant le Soleil au giron d’Amphitrite ?
Lève-toi, je languis accablé de douleurs :
Mais ne pouvoir dormir c’est bien de mes malheurs
Le plus grand, qui ma vie et chagrine et dépite.
Seize heures pour le moins je meurs les yeux ouverts,
Me tournant, me virant de droit et de travers,
Sus l’un, sus l’autre flanc je tempête, je crie.
Inquiet je ne puis en un lieu me tenir,
J’appelle en vain le jour, et la mort je supplie,
Mais elle fait la sourde, et ne veut pas venir.
Stances (extraits)
III
Ah ! longues nuits d’hiver, de ma vie bourelles,
Donnez-moi patience et me laissez dormir !
Votre nom seulement et suer et frémir
Me fait par tout le corps, tant vous m’êtes cruelles.
Le sommeil tant soit peu n’évente de ses ailes
Mes yeux toujours ouverts, et ne puis affermir
Paupière sur paupière, et ne fais que gémir,
Souffrant, comme Ixion, des peines éternelles….
…Pour chasser mes douleurs amène-moi la mort ;
Ha, Mort ! le port commun, des hommes le confort,
Viens enterrer mes maux, je t’en prie à mains jointes.
Sur la mort de Marie (extraits)
Ainsi, en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs ;
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.
Sonnets pour Hélène
I
Otez votre beauté, ôtez votre jeunesse,
Otez ces rares dons que vous tenez des cieux,
Otez ce docte esprit, ôtez-moi ces beaux yeux,
Cet aller, ce parler digne d’une déesse.
Je ne vous serai plus d’une importune presse,
Fâcheux comme je suis ; vos dons si précieux
Me font, en les voyant, devenir furieux,
Et par le désespoir l’âme prend hardiesse.
Pour ce, si quelquefois je vous touche la main,
Par courroux votre teint n’en doit devenir blême ;
Je suis fol, ma raison n’obéit plus au frein,
Tant je suis agité d’une fureur extrême ;
Ne prenez, s’il vous plait, mon offense à dédain ;
Mais, douce, pardonnez mes fautes à vous-même.
Sonnets pour Hélène
II
« Il ne faut s’ébahir, disaient ces bons vieillards,
Dessus le mur troyen, voyant passer Hélène,
Si pour tant de beauté nous souffrons tant de peine :
Notre mal ne vaut pas un seul de ses regards.
Toutefois il vaut mieux, pour n’irriter point Mars,
La rendre à son époux, afin qu’il la ramène,
Que voir de tant de sang notre campagne pleine,
Notre havre gagné, l’assaut à nos remparts. »
Pères, il ne fallait, à qui la force tremble,
Par un mauvais conseil les jeunes retarder ;
Mais, et jeunes et vieux, vous deviez tous ensemble
Et le corps et les biens pour elle hasarder.
Ménélas fut bien sage et Pâris, ce me semble,
L’un de la demander, l’autre de la garder.
Sonnets pour Hélène
III
Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »
Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos :
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.
Sonnets pour Hélène
IV
Afin que ton honneur coule parmi la plaine
Avant qu’il monte au Ciel engravé dans un pin,
Invoquant tous les Dieux et répandant du vin,
Je consacre à ton nom cette belle fontaine.
Pasteurs, que vos troupeaux frisés de blanche laine
Ne paissent à ces bords : y fleurisse le thym,
Et la fleur, dont le maître eut si mauvais destin,
Et soit dite à jamais la fontaine d’Hélène.
Le passant en été s’y puisse reposer,
Et assis dessus l’herbe à l’ombre composer
Mille chansons d’Hélène, et de moi lui souvienne.
Quiconques en boira, qu’amoureux il devienne,
Et puisse en la humant une flamme puiser
Aussi chaude qu’au cœur je sens chaude la mienne.
Bergerie (extraits)
Dédiée à la reine d’Ecosse
…Puisque le lieu, le temps, la saison et l’envie,
Qui s’échauffent d’amour, à chanter nous convie,
Chantons donques, bergers, et en mille façons
A ces vertes forêts apprenons nos chansons.
Ici de cent couleurs s’émaille la prairie,
Ici la tendre vigne aux ormeaux se marie,
Ici l’ombrage frais va les feuilles mouvant
Errantes çà et là sous l’haleine du vent :
Ici de pré en pré les soigneuses avettes
Vont baisant et suçant les odeurs des fleurettes :
Ici le gazouillis enroué des ruisseaux
S’accorde doucement aux plaintes des oiseaux :
Ici entre les pins les Zéphires s’entendent…..
….L’autre jour que j’étais assis près d’un ruisseau,
Radoubant ma musette avecque mon alêne,
Je vis dessus le bord le tige d’un beau frêne
Droit, sans nœuds et sans plis : lors me levant soudain
J’empoignai d’allégresse un goy dedans la main,
Puis coupant par le pied le bois armé d’écorce,
Je le fis chanceler et trébucher à force
Dessus le pré voisin étendu de son long :
En quatre gros quartiers j’en fis scier le tronc,
Au soleil je séchai sa verdeur consumée,
Puis j’endurcis le bois pendu à la fumée.
A la fin le baillant à Jean, ce bon ouvrier
M’en fit une houlette, et si n’y a chevrier
Ni berger en ce bois qui ne donnât pour elle
La valeur d’un taureau, tant elle semble belle :
Elle a par artifice un million de nouds,
Pour mieux tenir la main, tous marquetés de clous ;
Et afin que son pied ne se gâte à la terre,
Un cercle fait d’airain de tous côtés le serre :
Une pointe de fer le bout du pied soutient….
….L’anse est faite de cuivre, et le haut de fer blanc
Un peu long et courbé, où pourraient bien de rang
Deux mottes pour jeter au troupeau qui s’égare,
Tant le fer est creusé d’un artifice rare….
La salade (extraits)
A Amadis Jamyn
….Puis, en lisant l’ingénieux Ovide
En ces beaux vers où d’amour il est guide,
Reguagnerons le logis pas à pas.
Là, recoursant jusqu’au coude nos bras,
Nous laverons nos herbes à main pleine
Au cours sacré de ma belle fontaine,
La blanchirons de sel en mainte part,
L’arroserons de vinaigre rosart,
L’engraisserons de l’huile de Provence :
L’huile qui vient aux oliviers de France
Rompt l’estomac et ne vaut du tout rien.
Voilà, Jamyn, voilà mon souv’rain bien,
En attendant que de mes veines parte
Cette exécrable, horrible fièvre quarte
Qui me consomme et le corps et le cœur
Et me fait vivre en extrême langueur.
Tu me diras que la fièvre m’abuse,
Que je suis fol, ma salade, et ma Muse ;
Tu diras vrai ; je le veux être aussi :
Telle fureur me guérit mon souci.
Tu me diras que la vie est meilleure
Des importuns, qui vivent à toute heure
Auprès des rois en crédit et bonheur,
Enorgueillis de pompes et d’honneur :
Je le sais bien ; mais je ne le veux faire,
Car telle vie à la mienne est contraire.
Il faut mentir, flatter et courtiser,
Rire sans ris, sa face déguiser
Au front d’autrui, et je ne le veux faire :
Car telle vie à la mienne est contraire.
Je suis, pour suivre à la trace la cour,
Trop maladif, trop paresseux et sourd,
Et trop craintif ; au reste je demande
Un doux repos et ne veux plus qu’on pende,
Comme un poignard, les soucis sur mon front.
En peu de temps les courtisans s’en vont
En chef grison, ou meurent sur un coffre.
Dieu pour salaire un tel présent leur offre
D’avoir gâté leur gentil naturel
Pour amasser trop de bien temporel,
Bien incertain, qui tout soudain se passe
Sans parvenir à la troisième race.
Car la Fortune aux retours inconstants
Ne peut souffrir l’ambitieux longtemps,
Montrant par lui d’une chute soudaine
Que c’est du vent que la farce mondaine…
…C’est trop prêché, donne-moi ma salade.
-Trop froide elle est, dis-tu, pour un malade.
-Hé quoi ! Jamyn, tu fais le médecin !
Laisse-moi vivre au moins jusqu’à la fin
Tout à mon aise, et ne sois triste augure
Soit à ma vie ou à ma mort future.
Car tu ne peux, ni moi, pour tout secours
Faire plus longs ou plus petits nos jours.
Il faut charger la barque charontée :
La barque, c’est une bière voûtée
Faite en bateau ; le naître est le trépas ;
Sans naître ici, l’homme ne mourrait pas.
Fol qui d’ailleurs autre bien se propose !
Naissance et mort est une même chose.
Remontrance au peuple de France (extraits)
…..Certes, si je n’avais une certaine foi
Que Dieu par son esprit de grâce à mis en moi,
Voyant la chrétienté n’être plus que risée,
J’aurais honte d’avoir la tête baptisée,
Je me repentirais d’avoir été chrétien,
Et comme les premiers je deviendrais païen.
La nuit, j’adorerais les rayons de la lune….
…J’adorerais Cérès qui les blés nous apporte,
Et Bacchus qui le cœur des hommes réconforte,
Neptune, le séjour des vents et des vaisseaux,
Les Faunes, et les Pans, et les Nymphes des eaux ….
….De tant de nouveautés je ne suis curieux,
Il me plait d’imiter le train de mes aïeux.
Je crois qu’en paradis ils vivent à leur aise,
Encor qu’ils n’aient suivi ni Calvin ni de Bèze…..
….Il ne faut pas avoir beaucoup d’expérience
Pour être exactement docte en votre science :
Les barbiers, les maçons en un jour y sont clercs,
Tant vos mystères saints sont cachés et couverts !
Il faut tant seulement avecques hardiesse
Détester le Papat, parler contre la messe,
Etre sobre en propos, barbe longue et le front
De rides labouré, l’œil farouche et profond,
Les cheveux mal peignés, le sourcil qui s’avale,
Le maintien renfrogné, le visage tout pâle,
Se montrer rarement, composer maint écrit,
Parler de l’Eternel, du Seigneur et de Christ,
Avoir d’un grand manteau les épaules couvertes,
Bref, être bon brigand et ne jurer que : Certes.
Il faut, pour rendre aussi les peuples étonnés,
Discourir de Jacob et des prédestinés,
Avoir Saint Paul en bouche et le prendre à la lettre,
Aux femmes, aux enfants l’Evangile permettre,
Les œuvres mépriser, et haut louer la foi.
Voilà tout le savoir de votre belle loi…..
Réponse aux injures et calomnies (extraits)
De je ne sais quels prédicants et ministres de Genève
….Tu dis en vomissant dessus moi ta malice
Que j’ai fait d’un grand bouc à Bacchus sacrifice.
Tu mens impudemment : cinquante gens de bien
Qui étaient au banquet diront qu’il n’en est rien….
…..Je fis des mots nouveaux, je rappelai les vieux,
Si bien que son renom je poussai jusqu’aux cieux.
Je fis d’autre façon que n’avaient les antiques,
Vocables composés et phrases poétiques,
Et mis la poésie en tel ordre qu’après
Le Français fut égal aux Romains et aux Grecs….
….Tu ne peux le nier ; car de ma plénitude
Vous êtes tous remplis, je suis seul votre étude ;
Vous êtes tous issus de la grandeur de moi ;
Vous êtes mes sujets, je suis seul votre loi.
Vous êtes mes ruisseaux, je suis votre fontaine,
Et plus vous m’épuisez, plus ma fertile veine,
Repoussant le sablon, jette une source d’eaux,
D’un surgeon éternel, pour vous autres ruisseaux……
Discours des misères de ce temps (extraits)
A la reine Catherine de Médicis
….Las ! Madame, en ce temps que le cruel orage
Menace les Français d’un si piteux naufrage,
Que la grêle et la pluie et la fureur des cieux
Ont irrité la mer de vents séditieux,
Et que l’astre jumeau ne daigne plus reluire,
Prenez le gouvernail de ce pauvre navire,
Et, malgré la tempête et le cruel effort
De la mer et des vents, conduisez-le à bon port.
La France à jointes mains vous en prie et reprie,
Las ! qui sera bientôt et proie et moquerie
Des Princes étrangers, s’il ne vous plaît en bref
Par votre autorité apaiser son méchef.
Ha ! que diront là-bas, sous les tombes poudreuses,
De tant de vaillants rois les âmes généreuses.
Que dira Pharamond, Clodion et Clovis !
Nos Pépins, nos Martels, nos Charles, nos Loïs,
Qui de leur propre sang à tous périls de guerre
Ont acquis à leurs fils une si belle terre ?
Que diront tant de ducs, et tant d’hommes guerriers
Qui sont morts d’une plaie au combat les premiers,
Et pour la France ont souffert tant de labeurs extrêmes,
La voyant aujourd’hui détruire par soi-même ?
Ils se repentiront d’avoir tant travaillé,
Assailli, défendu, guerroyé, bataillé,
Pour un peuple mutin divisé de courage,
Qui perd en se jouant un si bel héritage,
Héritage opulent, que toi, peuple qui bois
La Tamise albionne, et toi, More qui vois
Tomber le chariot du soleil sur ta tête,
Et toi, race gothique aux armes toujours prête,
Qui sens la froide bise en tes cheveux venter,
Par armes n’avez su ni froisser ni dompter…..
….Ce monstre arme le fils contre son propre père,
Et le frère (Ô malheur !) arme contre son frère,
La sœur contre la sœur, et les cousins germains
Au sang de leurs cousins veulent tremper leurs mains ;
L’oncle hait son neveu, le serviteur son maître ;
La femme ne veut plus son mari reconnaître ;
Les enfants sans raison disputent de la foi,
Et tout à l’abandon va sans ordre et sans loi.
L’artisan par ce monstre a laissé sa boutique,
Le pasteur ses brebis, l’avocat sa pratique,
Sa nef le marinier, sa foire le marchand,
Et par lui le prud’homme est devenu méchant.
L’écolier se débauche, et de sa faulx tortue
Le laboureur façonne une dague pointue,
Une pique guerrière il fait de son rateau,
Et l’acier de son coutre il change en un couteau.
Morte est l’autorité ; chacun vit à sa guise ;
Au vice déréglé la licence est permise ;
Le désir, l’avarice et l’erreur insensé
Ont c’en dessus dessous le monde renversé.
On a fait des lieux saints une horrible voirie
Une grange, une étable et une porcherie,
Si bien que Dieu n’est sûr en sa propre maison.
Au ciel est revolée et Justice et Raison,
Et en leur place, hélas ! règne le brigandage,
La force, le harnois, le sang et le carnage.
Tout va de pis en pis ; le sujet a brisé
Le serment qu’il devait à son roi méprisé ;
Mars, enflé de faux zèle et de fausse apparence,
Ainsi qu’une furie agite notre France,
Qui, farouche à son prince, opiniâtre suit
L’erreur d’un étranger et folle se détruit…….
Continuation des discours des misères de ce temps (extraits)
A la reine Catherine de Médicis
Madame, je serais ou du plomb ou du bois,
Si moi que la nature a fait naître François,
Aux races à venir je ne contais la peine
Et l’extrême malheur dont notre France est pleine.
Je veux de siècle en siècle au monde publier
D’une plume de fer sur un papier d’acier,
Que ses propres enfants l’ont prise et dévêtue,
Et jusques à la mort vilainement battue….
…..De Bèze, je te prie, écoute ma parole,
Que tu estimeras d’une personne folle :
S’il te plaît toutefois de juger sainement,
Après m’avoir ouï tu diras autrement.
La terre qu’aujourd’hui tu remplis toute d’armes,
Et de nouveaux chrétiens déguisés en gendarmes…
…Ce n’est pas une terre allemande ou gothique
Ni une région tartare ni scythique,
C’est celle où tu naquis, qui douce te reçut ;
Celle qui t’a nourri et qui t’a fait apprendre
La science et les arts dès ta jeunesse tendre,
Pour lui faire service et pour en bien user,
Et non, comme tu fais, à fin d’en abuser….
…Retire tes soldats, et au lac Genevois,
Comme chose exécrable, enfonce leur harnois.
Ne prêche plus en France une Evangile armée,
Un Christ empistolé tout noirci de fumée,
Qui comme un Méhémet va portant dans la main
Un large coutelas rouge de sang humain….
A Sinope
L’an se rajeunissait en sa verte jouvence,
Quand je m’épris de vous, ma Sinope cruelle :
Seize ans était la fleur de votre âge nouvelle,
Et votre teint sentait encore son enfance.
Vous aviez d’une infante encor la contenance,
La parole et les pas : votre bouche était belle,
Votre front et vos mains dignes d’une Immortelle,
Et votre œil qui me fait trépasser quand j’y pense.
Amour, qui ce jour-là si grandes beautés vit,
Dans un marbre, en mon cœur d’un trait les écrivit :
Et si pour le jour d’hui vos beautés si parfaites
Ne sont comme autrefois, je n’en suis moins ravi :
Car je n’ai pas égard à cela que vous êtes,
Mais au doux souvenir des beautés que je vi.
Elégie au seigneur Lhuillier (extraits)
Comme on voit en septembre aux tonneaux Angevins
Bouillir en écumant la jeunesse des vins,
Qui chaude en son berceau à toute force gronde,
Et voudroit tout d’un coup sortir hors de sa bonde,
Ardente, impatiente, et n’a point de repos
DE s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots,
Tant que le froid d’Hiver lui ait dompté sa force,
Rembarrant sa puissance ès prisons d’une écorce,
Ainsi la Poësie en la jeune saison
Bouillonne dans nos cœurs, qui n’a soin de raison,
Serve de l’appétit, et brusquement anime
D’un Poëte gaillard la fureur magnanime :
Il devient amoureux, il suit les grands Seigneurs ;
Il aime les faveurs, il cherche les honneurs,
Et plein de passions, en l’esprit ne repose
Que de nuit et de jour ardent il ne compose :
Soupçonneux, furieux, superbe et dédaigneux,
Et de lui seulement curieux et soigneux,
Se feignant quelque Dieu : tant la rage félonne
De son jeune désir son courage aiguillonne.
Mais quand trente-cinq ans ou quarante ont perdu
Le sang chaud qui étoit ès veines répandu,
Et que les cheveux blancs de peu à peu s’avancent,
Et que nos genoux froids à trembloter commencent,
Et que le front se ride en diverses façons,
Lors la Muse s’enfuit et nos belles chansons.
Pégase se tarit, et n’y a plus de trace
Qui nous puisse conduire au sommet de Parnasse,
Nos lauriers sont séchés, et le train de nos vers
Se présente à nos yeux boiteux et de travers :
Toujours quelque malheur en marchant les retarde,
Et comme par dépit la Muse les regarde.
Car l’âme leur défaut, la force et la grandeur
Que produisait le sang en sa première ardeur….
Ode (extraits)
…Le temps s’en va, le temps s’en va, ma Dame ;
Las ! Le temps non, mais nous nous en allons,
Et tôt serons étendus sous la lame :
Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, ne sera plus nouvelle !
Pource aimez-moi, cependant qu’êtes belle.
Ode
Rossignol mon mignon, qui par cette saulaie
Vas seul de branche en branche à ton gré voletant,
Et chantes à l’envi de moi qui vais chantant
Celle qu’il faut toujours que dans la bouche j’aie.
Nous soupirons tous deux ; ta douce voix s’essaie
De sonner l’amitié d’une qui t’aime tant,
Et moi triste je vais la beauté regrettant
Qui m’a fait dans le cœur une si aigre plaie.
Toutefois, Rossignol, nous différons d’un point,
C’est que tu es aimé, et je ne le suis point,
Bien que tous deux ayons les musiques pareilles :
Car tu fléchis t’amie au doux bruit de tes sons,
Mais la mienne qui prend à dépit mes chansons,
Pour ne les écouter se bouche les oreilles.
Hymne de la Mort (extraits)
…Que ta puissance, ô Mort, est grande et admirable :
Rien au monde par toi ne se dit perdurable ;
Mais tout ainsi que l’onde, à val des ruisseaux, fuit
Le pressant coulement de l’autre qui la suit,
Ainsi le temps se coule, et le présent fait place
Au futur importun qui les talons lui trace.
Ce qui fut se refait ; tout coule comme une eau,
Et rien dessous le ciel ne se voit de nouveau ;
Mais la forme se change en une autre nouvelle,
Et ce changement-là VIVRE au monde s’appelle,
Et MOURIR quand la forme en une autre s’en va…
Hymne de l’Or (extraits)
….On dit que Jupiter pour vanter sa puissance,
Montrait un jour sa foudre, et Mars montrait sa lance,
Saturne sa grande faux, Neptune son trident,
Apollon son bel arc, Amour son trait ardent,
Bacchus son beau vignoble, et Cérès ses campagnes,
Flore ses belles fleurs, le dieu Pan ses montagnes,
Hercule sa massue, et bref les autres dieux
L’un sur l’autre vantaient leurs biens à qui mieux mieux ;
Toutefois ils donnaient, par une voix commune,
L’honneur de ce débat au grand prince Neptune,
Quand la Terre leur mère, épointe de douleur
Qu’un autre par sus elle emportait cet honneur,
Ouvrit son large sein, et, au travers des fentes
De sa peau, leur montra les mines d’or luisantes,
Qui rayonnent ainsi que l’éclair du soleil
Reluisant au matin, lorsque son beau réveil
N’est point environné de l’épais d’un nuage,
Ou comme l’on voit luire au soir le beau visage
De Vesper la Cyprine allumant les beaux crins
De son chef bien lavé dedans les flots marins….
Ode (extraits)
…O le gentil loyer ! que sert au vieil Homère,
Ores qu’il n’est plus rien sous la tombe là-bas,
Et qu’il n’a plus ni chef, ni bras, ni jambe entière,
Si son renom fleurit, ou s’il ne fleurit pas ?….
Ode (extraits)
Quand je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vendômois,
Plein de pensées vagabondes,
Plein d’un remord et d’un souci,
Aux rochers je me plains ainsi,
Aux bois, aux antres, et aux ondes :
Rochers, bien que soyez âgés
De trois mil ans, vous ne changez
Jamais ni d’état ni de forme :
Mais toujours ma jeunesse fuit,
Et la vieillesse qui me suit,
De jeune en vieillard me transforme.
Bois, bien que perdiez tous les ans
En l’hiver vos cheveux plaisans,
L’a d’après qui se renouvelle,
Renouvelle aussi votre chef :
Mais le mien ne peur derechef
R’avoir sa perruque nouvelle.
Antres, je me suis vu chez vous
Avoir jadis verts les genoux,
Le corps habile, et la main bonne :
Mais ores j’ai le corps plus dur,
Et les genoux, que n’est le mur
Qui froidement vous environne.
Ondes, sans fin vous promenez,
Et vous menez et ramenez
Vos flots d’un cours qui ne séjourne :
Et moi sans faire long séjour
Je m’en vais de nuit et de jour
Au lieu d’où plus on ne retourne….
Ode
Ma douce jouvence est passée,
Ma première force est cassée,
J’ai la dent noire et le chef blanc,
Mes nerfs sont dissous, et mes veines,
Tant j’ai le corps froid, ne sont pleines
Que d’une eau rousse en lieu de sang.
Adieu ma lyre, adieu, fillettes,
Jadis mes douces amourettes,
Adieu, je sens venir ma fin :
Nul passetemps de ma jeunesse
Ne m’accompagne en la vieillesse,
Que le feu, le lit et le vin.
J’ai la tête toute élourdie
De trop d’ans et de maladie ;
De tous côtés le soin me mord,
Et soit que j’aille ou que je tarde,
Toujours après moi je regarde
Si je verrai venir la Mort,
Qui doit, ce me semble, à toute heure
Me mener là-bas, où demeure
Je ne sais quel Pluton, qui tient
Ouvert à tous venants un antre
Où bien facilement on entre
Mais d’où jamais on ne revient.
A Pontus de Tyard
Tyard, on me blâmoit à mon commencement,
De quoi j’étais obscur au simple populaire :
Mais on dit aujourd’hui que je suis au contraire,
Et que je me démens, parlant trop bassement.
Toi, de qui le labeur enfante doctement
Des livres immortels, dis-moi, que dois-je faire ?
Dis-moi (car tu sais tout) comme dois-je complaire
A ce monstre têtu, divers en jugement ?
Quand je tonne en mes vers, il a peur de me lire :
Quand ma voix se désenfle, il ne fait qu’en médire.
Dis-moi de quels liens, force, tenaille et clous,
Tiendrai-je ce Proté, qui se change à tous coups ?
Tyard, je t’entends bien, il le faut laisser dire,
Et nous rire de lui, comme il se rit de nous.
Amour prisonnier des Muses
Les Muses lièrent un jour
De chaînes de roses Amour,
Et, pour le garder, le donnèrent
Aux Grâces et à la Beauté,
Qui, voyants sa déloyauté,
Sur Parnasse l’emprisonnèrent.
Sitôt que Vénus l’entendit,
Son beau ceston elle vendit
A Vulcain, pour la délivrance
De son enfant, et tout soudain,
Ayant l’argent dedans la main,
Fit aux Muses la révérence :
« Muses, déesses des chansons,
Quand il faudrait quatre rançons
Pour mon enfant, je les apporte ;
Délivrez mon fils prisonnier. »
Mais les Muses l’ont fait lier
D’une chaîne encore plus forte.
Courage donques, amoureux,
Vous ne serez plus langoureux :
Amour est au bout de ses ruses ;
Plus n’oserait ce faux garçon
Vous refuser quelque chanson,
Puisqu’il est prisonnier des Muses.
Ode à Corydon
J’ai l’esprit tout ennuyé
D’avoir trop étudié
Les phénomènes d’Arate.
Il est temps que je m’ébatte
Et que j’aille aux champs jouer.
Bons Dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui collés sur un livre
N’ont jamais souci de vivre ?
Hé, que sert l’étudier,
Sinon de nous ennuyer,
Et soin dessus soin accroître,
A nous qui serons peut-être,
Ou ce matin, ou ce soir
Victime de l’Orque noir,
De l’Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne ?
Corydon, marche devant,
Sache où le bon vin se vend :
Fais après à ma bouteille
Des feuilles de quelque treille
Un tapon pour la boucher ;
Ne m’achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L’été je hais la viande.
Achète des abricots,
Des pompons, des artichauts,
Des fraises et de la crème :
C’est en été ce que j’aime,
Quand, sur le bord d’un ruisseau,
Je les mange au bruit de l’eau,
Etendu sur le rivage
Ou dans un antre sauvage.
Ores que je suis dispos,
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die,
Me happant à l’impourvu :
« Meurs, galant : c’est assez bu. »
Ode ou songe
…Il était minuit, et l’Ourse
De son char tournait la course
Entre les mains du Bouvier,
Quand le somme vint lier
D’une chaîne sommeillière
Mes yeux clos sous la paupière.
Jà je dormais en mon lit
Lors que j’entr’ouis le bruit
D’un qui frappait à ma porte,
Et heurtait de telle sorte
Que mon dormir s’en alla :
Je demandai : »Qu’est-ce là
Qui fait à mon huis sa plainte ?
-Je suis enfant, n’aye crainte »,
Ce me dit-il ; et adonc
Je lui desserre le gond
De ma porte verrouillée.
« J’ai la chemise mouillée
Qui me trempe jusqu’aux os,
Ce disait ; dessus le dos,
Toute nuit, j’ai eu la pluie :
Et, pour ce, je te supplie
De me conduire à ton feu
Pour m’aller sécher un peu. »
Lors je pris sa main humide,
Et par pitié je le guide
En ma chambre, et le fis seoir
Au feu qui restait du soir ;
Puis allumant des chandelles,
Je vis qu’il portait des ailes,
Dans la main un arc turquois,
Et sous l’aisselle un carquois.
Adonc en mon cœur je pense
Qu’il avait grande puissance,
Et qu’il fallait m’apprêter
Pour le faire banqueter.
Cependant il me regarde
D’un œil, de l’autre il prend garde
Si son arc était séché ;
Puis, me voyant empêché
A lui faire bonne chère,
Me tire une flèche amère
Droit en l’œil, et qui de là
Plus bas au cœur dévala,
Et m’y fit telle ouverture
Qu’herbe, drogue ni murmure,
N’y serviraient plus de rien.
Voilà, Robertet, le bien
(Mon Robertet qui embrasses
Les neuf Muses et les Grâces)
Le bien qui m’est advenu
Pour loger un inconnu.
Ode à l’alouette
T’oserait bien quelque poète
Nier des vers, douce alouette ?
Quant à moi, je ne l’oserois :
Je veux célébrer ton ramage
Sut tous oiseaux qui sont en cage
Et sur tous ceux qui sont ès bois.
Qu’il te fait bon ouïr, à l’heure
Que le bouvier les champs labeure,
Quand la terre le Printemps sent,
Qui plus de ta chanson est gaie
Que courroucée de la plaie
Du soc, qui l’estomac lui fend !
Sitôt que tu es arrosée
Au point du jour, de la rosée,
Tu fais en l’air mille discours ;
En l’air des ailes tu frétilles,
Et pendue au ciel tu babilles
Et contes au vent tes amours.
Puis du ciel tu te laisses fondre,
Dans un sillon vert, soit pour pondre,
Soit pour éclore ou pour couver,
Soit pour apporter la béchée
A tes petits, ou d’une achée,
Ou d’une chenille, ou d’un ver.
Lors moi, couché dessus l’herbette,
D’une part j’oi ta chansonnette ;
De l’autre, sur du poliot,
A l’abri de quelque fougère,
J’écoute la jeune bergère
Qui dégoise son lerelot.
Lors je dis : « Tu es bienheureuse,
Gentille alouette amoureuse,
Qui n’as peur ni souci de riens,
Qui jamais au cœur n’a sentie
Les dédains d’une fière amie,
Ni le soin d’amasser des biens ;
Ou si quelque souci te touche,
C’est lors que le soleil se couche,
De dormir et de réveiller
De tes chansons, avec l’Aurore,
Et bergers et passants encore
Pour les envoyer travailler.
Mais je vis toujours en tristesse
Pour les fiertés d’une maîtresse
Qui paie ma foi de travaux
Et d’une plaisante mensonge,
Mensonge qui toujours allonge
La longue trame de mes maux. »
Ode au laboureur
Pourquoi, chétif laboureur,
Trembles-tu d’un Empereur
Qui doit bientôt, légère ombre,
Des morts accroître le nombre ?
Ne sais-tu qu’à tout chacun
Le port d’Enfer est commun,
Et qu’une âme Impériale
Aussitôt là-bas dévale
Dans le bateau de Charon
Que l’âme d’un bûcheron ?
Courage, coupeur de terre !
Ces grands foudres de la guerre
Non plus que toi n’iront pas
Armés d’un plastron là-bas
Comme ils allaient aux batailles :
Autant leur vaudront leurs mailles,
Leurs lances et leur estoc,
Comme à toi vaudra ton soc.
Car le juge Rhadamante
Assuré ne s’épouvante
Non plus de voir un harnois
Là-bas qu’un levier de bois,
Ou voir une souquenie
Qu’une cape bien gagnie,
Ou qu’un riche accoutrement
D’un Roi mort pompeusement.
Les amours (extraits)
…Dedans un pré je vis une Naïade
Qui comme fleur marchait dessus les fleurs,
Et mignottait un bouquet de couleurs,
Echevelée, en simple vertugade.
Dès ce jour-là ma raison fut malade,
Mon front pensif, mes yeux chargés de pleurs,
Moi triste et lent : tel amas de douleurs
En ma franchise imprima son œillade.
Là je sentis dedans mes yeux couler
Un doux venin, subtil à se mêler
Au fond de l’âme, et, depuis cet outrage,
Comme un beau lis, au mois de juin, blessé
D’un rais trop chaud, languit à chef baissé,
Je me consume au plus vert de mon âge.
Ciel, air et vents, plains et monts découverts,
Tertres fourchus, et forêts verdoyantes,
Rivages tors, et sources ondoyantes,
Taillis rasés, et vous, bocages verts ;
Antres moussus à demi-front ouverts,
Prés, boutons, fleurs et herbes rousoyantes,
Coteaux vineux et plages blondoyantes,
Gastine, Loir, et vous, mes tristes vers,
Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire,
A ce bel œil l’adieu je n’ai su dire,
Qui près et loin me détient en émoi,
Je vous suppli, ciel, air, vents, monts et plaines,
Taillis, forêts, rivages et fontaines,
Antres, prés, fleurs, dites-le lui pour moi…..
…Voici le bois, que ma sainte Angelette
Sur le printemps anime de son chant ;
Voici les fleurs que son pied va marchant,
Lors que pensive elle s’ébat seulette ;
Io, voici la prée verdelette
Qui prend vigueur de sa main la touchant,
Quand pas à pas pillarde va cherchant
Le bel émail de l’herbe nouvelette.
Ici chanter, là pleurer je la vi,
Ici sourire, et là je fus ravi
De ses beaux yeux par lesquels je dévie.
Ici s’asseoir, là je la vi danser :
Sur le métier d’un si vague penser
Amour ourdit les trames de ma vie.
Ode à Cassandre
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil
A point perdu cette vêprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las, las, ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Ode de l’élection de son sépulcre
Antres, et vous fontaines
De ces roches hautaines
Dévalants contre-bas
D’un glissant pas ;
Et vous forêts, et ondes
Par ces prés vagabondes,
Et vous, rives et bois,
Oyez ma voix.
Quand le ciel et mon heure
Jugeront que je meure,
Ravi du doux séjour
Du commun jour,
Je veux, j’entends, j’ordonne,
Qu’un sépulcre on me donne,
Non près des rois levé,
Ni d’or gravé,
Mais en cette île verte
Où la course entr’ouverte
Du Loir autour coulant
Est accolant,
Là où Braye s’amie
D’une eau non endormie
Murmure à l’environ
De son giron.
Je défends qu’on ne rompe
Le marbre pour la pompe
De vouloir mon tombeau
Bâtir plus beau.
Mais bien je veux qu’un arbre
M’ombrage en lieu d’un marbre,
Arbre qui soit couvert
Toujours de vert.
De moi puisse la terre
Engendrer un lierre
M’embrassant en maint tour
Tout à l’entour ;
Et la vigne tortisse
Mon sépulcre embellisse,
Faisant de toutes parts
Un ombre épars .
Là viendront chaque année
A ma fête ordonnée,
Avecques leurs troupeaux,
Les pastoureaux ;
Puis, ayant fait l’office
De leur beau sacrifice,
Parlants à l’île ainsi,
Diront ceci :
« Que tu es renommée,
D’être tombeau nommée
D’un de qui l’univers
Ouira les vers,
Et qui oncque en sa vie
Ne fût brûlé d’envie,
Mendiant les honneurs
Des grands seigneurs,
Ni ne rapprit l’usage
De l’amoureux breuvage,
Ni l’art des anciens
Magiciens,
Mais bien à nos campaignes
Fit voir les Sœurs compaignes
Foulantes l’herbe aux sons
De ses chansons,
Car il sut sur sa lyre
Si bons accords élire
Qu’il orna de ses chants
Nous et nos champs !
La douce manne tombe
A jamais sur sa tombe,
Et l’humeur que produit
En mai la nuit !
Tout à l’entour l’emmure
L’herbe, et l’eau qui murmure,
L’un toujours verdoyant,
L’autre ondoyant !
Et nous, ayant mémoire
Du renom de sa gloire,
Lui ferons, comme à Pan,
Honneur chaque an. »
Ainsi dira la troupe,
Versant de mainte coupe
Le sang d’un agnelet,
Avec du lait,
Dessus moi, qui à l’heure
Serai par la demeure
Où les heureux esprits
Ont leur pourpris.
La grêle ni la neige
N’ont tels lieux pour leur siège,
Ni la foudre oncques là
Ne dévala.
Mais bien constante y dure
L’immortelle verdure,
Et constant en tout temps
Le beau printemps.
Et Zéphire y haleine
Les myrtes et la plaine
Qui porte les couleurs
De mille fleurs.
Le soin qui sollicite
Les rois ne les incite
Le monde ruiner
Pour dominer ;
Ains comme frères vivent,
Et, morts, encore suivent
Les métiers qu’ils avaient
Quand ils vivaient.
Là, là, j’oirai d’Alcée
La lyre courroucée,
Et Sapho, qui sur tous
Sonne plus doux.
Combien ceux qui entendent
Les odes qu’ils répandent
Se doivent réjouir
De les ouïr,
Quand la peine reçue
Du rocher est déçue
Sous les accords divers
De leurs beaux vers !
La seule lyre douce
L’ennui des cœurs repousse,
Et va l’esprit flattant
De l’écoutant.
Elégie à Pierre Lescot
Je fus souventes fois retancé de mon père
Voyant que j’aimais trop les deux filles d’Homère…
Et me disait ainsi : « Pauvre sot, tu t’amuses
A courtiser en vain Apollon et les Muses :
Que te saurait donner ce beau chantre Apollon,
Qu’une lyre, un archet, une corde, un fredon ?…. »
Pour menace ou prière ou courtoise requête
Que mon père me fit, il ne sut de ma tête
Oter la poésie, et plus il me tançait,
Plus à faire des vers la fureur me poussait.
Ode à la Fontaine Bellerie
O Fontaine Bellerie,
Belle fontaine chérie
De nos Nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source
Fuyantes le satyreau
Qui les pourchasse à la course
Jusqu’au bord de ton ruisseau,
Tu es la Nymphe éternelle
De ma terre paternelle :
Pource en ce pré verdelet
Vois ton poète qui t’orne
D’un petit chevreau de lait,
A qui l’une et l’autre corne
Sortent du front nouvelet.
L’été je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui ta gloire
Enverra par l’univers,
Commandant à la mémoire
Que tu vives par mes vers.
L’ardeur de la Canicule
Ton vert rivage ne brûle,
Tellement qu’en toutes parts
Ton ombre est épaisse et drue
Aux pasteurs venant des parcs
Aux bœufs las de la charrue
Et au bestial épars.
Io ! tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moi célébrant le conduit
Du rocher percé, qui darde
Avec un enroué bruit,
L’eau de ta source jasarde
Qui trépillante se suit.
Les pauvres à l’église
Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d’église
Qu’attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le chœur ruisselant d’orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ;
Comme un parfum de pain humant l’odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,
Tendent leurs oremus risibles et têtus.
Aux femmes, c’est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs où Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d’étranges pelisses,
Des espèces d’enfants qui pleurent à mourir.
Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,
Une prière aux yeux et ne priant jamais,
Regardent parader mauvaisement un groupe
De gamines avec leurs chapeaux déformés.
Dehors, la nuit, le froid, la faim, l’homme en ribote.
C’est bon. Encore une heure ; après les maux sans noms !
Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote
Une collection de vieilles à fanons :
Ces effarés y sont et ces épileptiques
Dont on se détournait hier aux carrefours ;
Et, fringalant du nez dans des missels antiques,
Ces aveugles qu’un chien introduit dans les cours.
Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,
Récitent la complainte infinie à Jésus
Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,
Loin des maigres mauvais et des méchants pansus,
Loin des senteurs de viande et d’étoffes moisies,
Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ;
Et l’oraison fleurit d’expressions choisies,
Et les mysticités prennent des tons pressants,
Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie
Banals, sourires verts, les Dames des quartiers
Distingués, – ô Jésus !- les malades du foie
Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.
Les chercheuses de poux
Quand le front de l’enfant, plein de rouges tourmentes,
Implore l’essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes sœurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins.
Elles assoient l’enfant devant une croisée
Grande ouverte où l’air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.
Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés,
Et qu’interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.
Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés ; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.
Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupir d’harmonica qui pourrait délirer ;
L’enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
Le bateau ivre (extraits)
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !
Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin.
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus forte que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : je sais le soir,
L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir !……
Les douaniers
Ceux qui disent : Cré Nom, ceux qui disent macache,
Soldats, marins, débris d’Empire, retraités,
Sont nuls, très nuls, devant les Soldats des Traités
Qui tailladent l’azur frontière à grands coups d’hache.
Pipe aux dents, lame en main, profonds, pas embêtés,
Quand l’ombre bave aux bois comme un mufle de vache,
Ils s’en vont, amenant leur dogue à l’attache,
Exercer nuitamment leurs terribles gaîtés !
Ils signalent aux lois modernes les faunesses.
Ils empoignent les Fausts et les Diavolos.
« Pas de ça, les anciens ! Déposez les ballots ! »
Quand sa sérénité s’approche des jeunesses,
Le Douanier se tient aux appas contrôlés !
Enfer aux Délinquants que sa paume a frôlés !
Oraison du soir
Je vis assis, tel qu’un ange aux mains d’un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L’hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l’air gonflé d’impalpables voilures.
Tels que les excréments chauds d’un vieux colombier,
Mille rêves en moi font de douces brûlures :
Puis par instants mon cœur triste est comme un aubier
Qu’ensanglante l’or jeune et sombre des coulures.
Puis, quand j’ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille, pour lâcher l’acre besoin :
Doux comme le Seigneur du cèdre et des hysopes,
Je pisse vers les cieux bruns, très haut et très loin,
Avec l’assentiment des grands héliotropes.
Les poètes de sept ans
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour il suait d’obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies.
Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l’aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s’ouvrait sur le soir : à la lampe
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L’été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
A se renfermer dans la fraîcheur des latrines :
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s’illunait,
Gisant au pied d’un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son œil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, œil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l’ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s’effrayait, les tendresses, profondes,
De l’enfant se jetaient sur cet étonnement.
C’était bon. Elle avait le bleu regard, – qui ment !
A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes !- Il s’aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rirent et des Italiennes.
Quand venait, l’œil brun, folle, en robes d’indiennes,
-Huit ans,- la fille des ouvriers d’à côté,
La petite brutale, et qu’elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu’il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons ;
Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d’acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;
Des rêves l’oppressaient chaque nuit dans l’alcôve.
Il n’aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu’au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d’or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d’humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité
Plein de lourds cieux ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulements, déroutes et pitié !
-Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas,- seul, et couché sur des pièces de toile
Ecrue, et pressentant violemment la voile !
La maline
Dans la salle à manger brune, que parfumait
Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise
Je ramassais un plat de je ne sais quel met
Belge, et je m’épatais dans mon immense chaise.
En mangeant, j’écoutais l’horloge, heureux et coi.
La cuisine s’ouvrit avec une bouffée,
Et la servante vint, je ne sais pourquoi,
Fichu moitié défait, malinement coiffée
Et, tout en promenant son petit doigt tremblant
Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc,
En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m’aiser ;
Puis, comme çà,- bien sûr pour avoir un baiser,-
Tout bas : « Sens donc : j’ai pris « une » froid sur la joue… »
Le buffet
C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;
Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,
De linges odorants et jaunes, de chiffons
De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grand’mère où sont peints des griffons ;
C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches
De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.
O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires
Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
Quand s’ouvrent lentement tes portes noires.
Ma bohême
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse !et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
-Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
-Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
Rêvé pour l’hiver
L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…
Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
-Et nous prendrons du temps à chercher cette bête
Qui voyage beaucoup….
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Au cabaret vert
Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux du chemin. J’entrais à Charleroi.
« Au Cabaret-Vert » : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie.-Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
-Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure !-
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, et m’emplit la chope immense, avec une mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré
Les effarés
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s’allume,
Leurs culs en rond,
A genoux, cinq petits- misère !-
Regardent le Boulanger faire
Le lourd pain blond.
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise et qui l’enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le Boulanger au gras sourire
Grogne un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.
Quand pour quelque médianoche,
Façonné comme une brioche
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,
Que ce trou chaud souffle la vie,
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres Jésus pleins de givre,
Qu’ils sont là tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au treillage, grognant des choses
Entre les trous,
Tout bêtes, faisant leurs prières
Et repliés vers ces lumières
Du ciel rouvert,
Si fort, qu’ils crèvent leur culotte
Et que leur chemise tremblote
Au vent d’hiver.
Roman
On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruit,- la ville n’est pas loin,-
A des parfums de vigne et des parfums de bière…
Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche…
Nuit de juin ! Dix-sept ans ! On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête…
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête …
Le cœur fou Robinsonne à travers les romans,
Lorsque, dans la clarté d’un pâle réverbère,
Passe une demoiselle aux petits airs charmants,
Sous l’ombre du faux-col effrayant de son père….
Et, comme elle vous trouve immensément naïf
Tout en faisant trotter ses petites bottines,
Elle se tourne, alerte et d’un mouvement vif…
Sur vos lèvres alors meurent les cavatines…
Vous êtes amoureux. Loué jusqu’au mois d’août.
Vous êtes amoureux- Vos sonnets la font rire.
Tous vos amis s’en vont, vous êtes mauvais goût.-
Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire !…
Ce soir-là…-vous rentrez aux cafés éclatants,
Vous demandez des bocks ou de la limonade…
-On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade.
Le Mal
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ;
Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu’une folie épouvantable broie
Et fait de cent millier d’hommes un tas fumant ;
-Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !….
-Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ;
Qui dans le bercement des hosannah s’endort,
Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Rages de Césars
L’Homme pâle, le long des pelouses fleuries,
Chemine, en habit noir, et le cigare aux dents ;
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
-Et parfois son œil terne a des regards ardents…
Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie !
Il s’était dit : « Je vais souffler la Liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! »
La Liberté revit ! Il se sent éreinté !
Il est pris.- Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’œil mort.
Il repense peut-être au Compère à lunettes….
-Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint-Cloud, un fin nuage bleu.
Première soirée
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains ;
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, mouche au rosier.
Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu finir ! »
La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !…
« Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Les réparties de Nina (extraits)
« … Dix-sept ans ! Tu seras heureuse !
Oh ! les grands prés,
La grande campagne amoureuse !
Dis, viens plus près !…
Ta poitrine sur ma poitrine,
Mêlant nos voix,
Lents, nous gagnerions la ravine,
Puis les grands bois !…
Puis, comme une petite morte,
Le cœur pâmé,
Tu me dirais que je te porte,
L’œil mi-fermé… »
« ….Nous regagnerons le village
Au ciel mi-noir ;
Et ça sentira le laitage
Dans l’air du soir ;
Ca sentira l’étable, pleine
De fumiers chauds,
Pleine d’un lent rythme d’haleine,
Et de grands dos
Blanchissant sous quelque lumière ;
Et, tout là-bas,
Une vache fientera, fière,
A chaque pas…
Les lunettes de la grand’mère
Et son nez long
Dans son missel ; le pot de bière
Cerclé de plomb,
Moussant entre les larges pipes
Qui, crânement,
Fument ; les effroyables lippes
Qui, tout fumant,
Happent le jambon aux fourchettes
Tant, tant et plus ;
Le feu qui claire les couchettes
Et les bahuts ;
Les fesses luisantes et grasses
D’un gros enfant
Qui fourre, à genoux, dans les tasses
Son museau blanc
Frôlé par un mufle qui gronde
D’un ton gentil,
Et pourlèche la face ronde
Du cher petit…
Noire, rogue au bord de sa chaise,
Affreux profil,
Une vieille devant la braise
Qui fait du fil ;
Que de choses verrons-nous, chère,
Dans ces taudis,
Quand la flamme illumine, claire,
Les carreaux gris…. »
A la musique
Sur la place taillée en mesquines pelouses,
Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs
Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
Balance ses schakos dans « la valse des fifres » ;
Autour, aux premiers rangs, parade le gandin ;
Le notaire pend à ses breloques à chiffres.
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs ;
Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités
Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,
Fort sérieusement discutent les traités,
Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »
Epatant sur son banc les rondeurs de ses reins,
Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande,
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde- vous savez, c’est de la contrebande ;-
Le long des gazons verts ricanent les voyous ;
Et rendus amoureux par le chant des trombones
Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious
Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
Moi, je suis, débraillé comme un étudiant,
Sous les marronniers verts les alertes fillettes :
Elles le savent bien ; et tournent en riant,
Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours
La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles ;
Je suis, sous le corsage et les frêles atours,
Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres ;
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres…
Ophélie
Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :
Un chant mystérieux tombe des astres d’or.
O pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
C’est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T’avaient parlé tout bas de l’âpre liberté ;
C’est qu’un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d’étranges bruits ;
Que ton cœur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l’arbre et les soupirs des nuits ;
C’est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux ;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu ;
Tes grandes visions étranglaient ta parole
Et l’Infini terrible effara ton œil bleu !
Et le poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
Bal des pendus
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !
Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles :
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes demoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour.
Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !
O durs talons, jamais on n’use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau ;
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :
Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les ombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.
Hurrah ! La bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer….
Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !
Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,
Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.
Au gibet noir, manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable
Les squelettes de Saladins.
Soleil et chair (extraits)
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l’amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d’amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !
Et tout croît, et tout monte !
O Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l’antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d’amour,
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son amour la Nature vivante ;
Où les arbres muets, berçant l’oiseau qui chante,
La terre berçant l’homme, et tout l’Océan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu !
Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu’on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d’airain, les splendides cités ;
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L’Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
Parce qu’il était fort, l’Homme était chaste et doux.
Misère ! Maintenant il dit : « Je sais les choses »
Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.
Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! l’Homme est Roi
L’Homme est Dieu ! Mais l’Amour, voilà la grande Foi !
Oh ! si l’homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
S’il n’avait pas laissé l’immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l’immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l’écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs
Le rossignol aux bois et l’amour dans les cœurs !
Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Aphrodité marine !- Oh ! la route est amère
Depuis que l’autre Dieu nous attelle à sa croix ;
Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c’est en toi que je crois !
Oui, l’Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste.
Il a des vêtements, parce qu’il n’est plus chaste,
Parce qu’il a sali son fier buste de dieu,
Et qu’il a rabougri, comme une idole au feu,
Son corps Olympien aux servitudes sales !
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Il veut vivre, insultant la première beauté !
Et l’Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l’Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour,
La Femme ne sait plus même être courtisane !
C’est une bonne farce ! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus !
Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
Car l’Homme a fini ! l’Homme a joué tous les rôles !
Au grand jour, fatigué de briser des idoles
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
L’Idéal, la pensée invincible, éternelle,
Tout ; le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
Montera, montera, brûlera sous son front !
Et quand tu le verras sonder tout l’horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !
Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L’Amour infini dans un infini sourire !
Le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d’un immense baiser !
Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser.
O ! L’Homme a relevé sa tête libre et fière !
Et le rayon soudain de la beauté première
Fait palpiter le dieu dans l’autel de la chair !
Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,
L’Homme veut tout sonder, et savoir ! La Pensée,
La cavale longtemps, si longtemps oppressée
S’élance de son front ! Elle saura Pourquoi !…
Qu’elle bondisse libre, et l’Homme aura la Foi !
Pourquoi l’azur muet et l’espace insondable ?
Pourquoi les astres d’or fourmillant comme un sable ?
Si l’on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l’horreur de l’espace ?
Et tous ces mondes-là, que l’éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d’une éternelle voix ?
Et l’Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu’un rêve ?
Si l’homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D’où vient-il ? Sombre-t-il dans l’Océan profond
Des Germes, des Fœtus, des Embryons, au fond
De l’immense Creuset d’où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?…
Nous ne pouvons savoir ! Nous sommes accablés
D’un manteau d’ignorance et d’étroites chimères !
Singes d’hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l’infini !
Nous voulons regarder : le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile…
Et l’horizon s’enfuit d’une fuite éternelle !…
Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l’Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l’immense splendeur de la riche nature !
Il chante… et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !…
C’est la Rédemption ! c’est l’amour ! c’est l’amour !…
Le forgeron
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D’ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d’or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l’empoignait au front, comme cela !
« Or, tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres :
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or.
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor.
Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache
Nous fouaillaient.- Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair….nous avions un pourboire :
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit ;
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit.
« Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C’est entre nous. J’admets que tu me contredises.
Or, n’est-ce pas joyeux de voir, au mois de juin,
Dans les granges entrer des voitures de foin
Enormes ? De sentir l’odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il pleut un peu, de l’herbe rousse ?
De voir des blés, des blés, des épis plein de grain,
De penser que cela prépare bien du pain ?…
Oh ! plus fort, on irait, au fourneau qui s’allume,
Chanter joyeusement en martelant l’enclume,
Si l’on était certain de pouvoir prendre un peu,
Etant homme, à la fin ! de ce que donne Dieu !
-Mais voilà, c’est toujours la même vieille histoire !
« Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire,
Quand j’ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau,
Qu’un homme vienne là, dague sur le manteau,
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ;
Que l’on arrive encor, quand ce serait la guerre,
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi !
-Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !…- Tu vois bien, c’est stupide.
Tu crois que j’aime voir ta baraque splendide,
Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons :
Ils ont rempli ton nid de l’odeur de nos filles
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles,
Et nous dirons : C’est bien : les pauvres à genoux !
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous !
Et tu te soûleras, tu feras belle fête,
Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête !
« Non. Ces saletés-là datent de nos papas !
Oh ! Le Peuple n’est plus une putain. Trois pas
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c’était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !
Citoyen ! citoyen ! c’était le passé sombre
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour !
Nous avions quelque chose au cœur comme l’amour.
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là….
Nous marchions au soleil, front haut,- comme cela,-
Dans Paris ! On venait devant nos vestes sales.
Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles,
Sire, nous étions soûls de terribles espoirs :
Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
Les piques à la main, nous n’eûmes pas de haine,
Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux !
« Et depuis ce jour là, nous sommes comme fous !
Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Et ces maudits s’en vont, foule toujours accrue
De sombres revenants, aux portes des richards.
Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Et je vais dans Paris, noir, marteau sur l’épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et, tout bas, les malins ! se disent : « Qu’ils sont sots ! »
Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
S’amuser à couper proprement quelques tailles,
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux.
Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux !
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes….
C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !….
« Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges :
L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela ! « C’est la Crapule,
Sire. Ca bave aux murs, ça monte, ça pullule :
Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J’ai trois petits. Je suis crapule . Je connais
Des vieilles qui s’en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu’on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C’est la crapule. Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat : et tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur fait mal, allez ! C’est terrible, et c’est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. Là-dedans sont des filles, infâmes
Parce que- vous saviez que c’est faible, les femmes-
Messeigneurs de la cour, – que ça veut toujours bien,-
Vous leur avez craché sur l’âme, comme rien !
Vos belles, aujourd’hui, sont là. C’est la crapule.
« Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front…
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là sont les Hommes !
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir,
Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir,
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Où, lentement vainqueur, il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! Ce qu’on ne sait pas, c’est peut-être terrible :
Nous saurons ! Nos marteaux en main, passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l’auguste sourire
D’une femme qu’on aime avec un noble amour :
Et l’on travaillerait fièrement tout le jour,
Ecoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l’on se sentirait très heureux ; et personne,
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer…
« Oh ! mais l’air est tout plein d’une odeur de bataille.
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh, si grands ! Tout à l’heure
Je parlais de devoir calme, d’une demeure…
Regarde donc le ciel ! C’est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! Je rentre dans la foule,
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés :
Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés !
Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n’est-ce-pas, vous tous ? Merde à ces chiens-là ! »
Il reprit son marteau sur l’épaule. La foule
Près de cet homme-là se sentait l’âme soûle,
Et, dans la grande cour, dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l’immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
Les étrennes des orphelins
La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement
De deux enfants le triste et doux chuchotement.
Leur front se penche, encore alourdi par le rêve,
Sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève….
Au dehors les oiseaux se rapprochent frileux ;
Leur aile s’engourdit sous le ton gris des cieux ;
Et la nouvelle Année, à la suite brumeuse,
Laissant traîner les plis de sa robe neigeuse,
Sourit avec des pleurs, et chante en grelottant…
Or les petits enfants, sous le rideau flottant,
Parlent bas comme on fait dans une nuit obscure.
Ils écoutent, pensifs, comme un lointain murmure…
Ils tressaillent souvent à la claire voix d’or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain métallique en son globe de verre….
Puis, la chambre est glacée….on voit traîner à terre,
Epars autour des lits, des vêtements de deuil :
L’âpre bise d’hiver qui se lamente au seuil
Souffle dans le logis son haleine morose !
On sent, dans tout cela, qu’il manque quelque chose…
Il n’est donc point de mère à ces petits enfants,
De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?
Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,
D’exciter une flamme à la cendre arrachée,
D’amonceler sur eux la laine et l’édredon
Avant de les quitter en leur criant : pardon.
Elle n’a point prévu la froideur matinale,
Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ?
Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,
C’est le nid cotonneux où les enfants tapis,
Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches !….
Et là, c’est comme un nid sans plumes, sans chaleur,
Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;
Un nid que doit avoir glacé la bise amère…
Votre cœur l’a compris : ces enfants sont sans mère,
Plus de mère au logis !…. et le père est bien loin !….
Une vieille servante, alors, en a pris soin.
Les petits sont tout seuls en la maison glacée ;
Orphelins de quatre ans, voilà qu’en leur pensée
S’éveille, par degrés, un souvenir riant….
C’est comme un chapelet qu’on égrène en priant :
Ah ! quel beau matin, que ce matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes
Dans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux,
Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux,
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore !
On s’éveillait matin, on se levait joyeux,
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête,
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher…
On entrait !….Puis alors les souhaits… en chemise,
Les baisers répétés, et la gaîté permise !
Ah ! C’était si charmant, ces mots dits tant de fois !
Mais comme il est changé, le logis d’autrefois :
Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée,
Toute la vieille chambre était illuminée ;
Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,
Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer….
L’armoire était sans clefs !… sans clefs, la grande armoire !
On regardait souvent sa porte brune et noire…
Sans clefs !…. c’était étrange !…. on rêvait bien des fois
Aux mystères dormant entre ses flancs de bois,
Et l’on croyait ouïr, au fond de la serrure
Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure…
La chambre des parents est bien vide, aujourd’hui :
Aucun reflet vermeil sous la porte n’a lui ;
Il n’est point de parents, de foyer, de clefs prises :
Partant, point de baisers, point de douces surprises !
Oh ! que le jour de l’an sera triste pour eux !
Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus
Silencieusement tombe une larme amère,
Ils murmurent : « Quand donc reviendra notre mère ? »
Maintenant, les petits sommeillent tristement :
Vous diriez, à les voir, qu’ils pleurent en dormant,
Tant leurs yeux sont gonflés et leur souffle pénible !
Les tout petits enfants ont le cœur si sensible !
Mais l’ange des berceaux vient essuyer leurs yeux,
Et dans ce lourd sommeil met un rêve joyeux,
Un rêve si joyeux, que leur lèvre mi-close,
Souriante, semblait murmurer quelque chose…
Ils rêvent que, penchés sur leur petit bras rond,
Doux geste du réveil, ils avancent le front,
Et leur vague regard tout autour d’eux se pose…
Ils se croient endormis dans un paradis rose…
Au foyer plein d’éclairs chante gaîment le feu…
Par la fenêtre on voit là-bas un beau ciel bleu ;
La nature s’éveille et de rayons s’enivre…
La terre, demi-nue, heureuse de revivre,
A des frissons de joie aux baisers du soleil…
Et dans le vieux logis tout est tiède et vermeil :
Les sombres vêtements ne jonchent plus la terre,
La bise sous le seuil a fini par se taire…
On dirait qu’une fée a passé dans tout cela !…
Les enfants, tout joyeux, ont jetés deux cris… Là,
Près du lit maternel, sous un beau rayon rose,
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque chose…
Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs,
De la nacre et du jais aux reflets scintillants ;
Des petits cadres noirs, des couronnes de verre,
Ayant trois mots gravés en or : « A NOTRE MERE ».
Sensation
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature,- heureux comme avec une femme.
Le petit village
Ce jour-là, quand je t’ai vue,
J’étais comme quand on regarde le soleil ;
J’avais un grand feu dans la tête,
Je ne savais plus ce que je faisais,
J’allais tout de travers comme un qui a trop bu,
Et mes mains tremblaient.
Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
Je croyais te voir marcher devant moi,
Et je te parlais,
Mais tu ne me répondais pas.
J’avais peur de te voir, j’avais peur de t’entendre,
J’avais peur du bruit de tes pieds dans l’herbe,
J’avais peur de ton rire dans les branches ;
Et je me disais : « Tu es fou,
Ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi ! »
Ca ne servait à rien du tout.
Et quand je suis rentré, c’était minuit passé,
Mais je n’ai pas pu m’endormir.
Et le lendemain, en soignant mes bêtes,
Je répétais ton nom, je disais : « Marianne… »
Les bêtes tournaient la tête pour entendre ;
Je me fâchais, je leur criais : « Ca vous regarde ?
Allons, tranquilles, eh ! Comtesse, eh ! la Rousse. »
Et je les prenais par les cornes.
Ca a duré ainsi trois jours
Et puis je n’ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
Elle n’a pas pris garde à moi.
Le jour de notre noce, j’y pense tout le temps,
Il fera un soleil comme on n’a jamais vu ;
Il fera bon aller en char
A cause du vent frais qui vous souffle au visage,
Quand la bonne jument va trottant sur la route
Et qu’on claque du fouet pour qu’elle aille plus fort.
On lui donnera de l’avoine,
En veux-tu, en voilà ;
On l’étrillera bien qu’elle ait l’air d’un cheval
Comme ceux de la ville ;
Et trotte ! et tu auras ton voile qui s’envole,
Et tu souriras au travers
Parce qu’il aura l’air
De faire signe aux arbres,
Comme quand on agite un mouchoir au départ.
On se regardera, on dira : « On s’en va,
On commence le grand voyage ;
Heureusement qu’il n’y a pas
Des océans à traverser. »
Et quand nous serons arrivés,
La cloche sonnera, la porte s’ouvrira,
L’orgue se mettra à jouer ;
Tu diras oui, je dirai oui ;
Et nos voix trembleront un peu
Et hésiteront à cause du monde
Et parce qu’on n’aime à se dire ces choses
Que tout doucement à l’oreille.
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Acte 5 Scène 1 (extraits)
| Britannicus
Junie
Britannicus Junie
Junie
Junie Britannicus Junie |
Oui, Madame, Néron (qui l’aurait pu penser ?)
Dans son appartement m’attend pour m’embrasser. Il y fait de sa cour inviter la jeunesse ; Il veut que d’un festin la pompe et l’allégresse Confirment à leurs yeux la foi de nos serments, Et réchauffent l’ardeur de nos embrassements ; Il éteint cet amour, source de tant de haine ; Il vous fait de mon sort arbitre souveraine. Pour moi, quoique banni du rang de mes aïeux, Quoique de leur dépouille il se pare à mes yeux, Depuis qu’à mon amour cessant d’être contraire Il semble me céder la gloire de vous plaire, Mon cœur, je l’avoûrai, lui pardonne en secret, Et lui laisse le reste avec moins de regret. …… Ah ! Madame !….Mais quoi ! quelle nouvelle crainte Tient parmi mes transports votre joie en contrainte ? D’où vient qu’en m’écoutant, vos yeux, vos tristes yeux, Avec de longs regards se tournent vers les cieux ? Qu’est-ce que vous craignez ? Je l’ignore moi-même Mais je crains ……… Quoi ? vous le soupçonnez d’une haine couverte ? Néron m’aimait tantôt, il jurait votre perte ; Il me fuit, il vous cherche ; un si grand changement Peut-il être, Seigneur, l’ouvrage d’un moment ? …… Seigneur, ne jugez pas de son cœur par le vôtre ; Sur des pas différents vous marchez l’un et l’autre. Je ne connais Néron et la cour que d’un jour ; Mais (si je l’ose dire) hélas ! dans cette cour Combien tout ce qu’on dit est loin de ce qu’on pense ! Que la bouche et le cœur sont peu d’intelligence ! Avec combien de joie on y trahit sa foi ! Quel séjour étranger et pour vous et pour moi ! …… Mais Narcisse, Seigneur, ne vous trahit-il point ? Et pourquoi voulez-vous que mon cœur s’en défie ? Et que sais-je ? Il y va, Seigneur, de votre vie. Tout m’est suspect : je crains que tout ne soit séduit : Je crains Néron ; je crains le malheur qui me suit. D’un noir pressentiment malgré moi prévenue, Je vous laisse à regret éloigner de ma vue. Hélas ! si cette paix dont vous vous repaissez Couvrait contre vos jours quelques pièges dressés ! Si Néron, irrité de notre intelligence, Avait choisi la nuit pour cacher sa vengeance ! S’il préparait ses coups tandis que je vous vois ! Et si je vous parlais pour la dernière fois ! Ah ! Prince ! ….. |
Acte 5 Scène 3 (extraits)
| Agrippine | Madame, ou je me trompe, ou durant vos adieux
Quelques pleurs répandus ont obscurci vos yeux. Puis-je savoir quel trouble a formé ce nuage ? Doutez-vous d’une paix dont je fais mon ouvrage ? …. |
Acte 5 Scène 6 (extraits)
|
Agrippine
Néron Agrippine Néron
Agrippine
Agrippine |
….
Arrêtez, Néron ; j’ai deux mots à vous dire. Britannicus est mort, je reconnais les coups ; Je connais l’assassin. Et, qui, Madame ? Vous. Moi ! voilà les soupçons dont vous êtes capable. Il n’est point de malheurs dont je ne sois coupable : Et, si l’on veut, Madame, écouter vos discours, Ma main de Claude même aura tranché les jours. Son fils vous étais cher : sa mort peut vous confondre ; Mais des coups du destin je ne puis pas répondre. Non, non, Britannicus est mort empoisonné : Narcisse a fait le coup, vous l’avez ordonné. …. Poursuis, Néron, avec de tels ministres. Par des faits glorieux tu te vas signaler. Poursuis. Tu n’as pas fait ce pas pour reculer. Ta main a commencé par le sang de ton frère ; Je prévois que tes coups viendront jusqu’à ta mère. Dans le fond de ton cœur je sais que tu me hais ; Tu voudras t’affranchir du joug de mes bienfaits. Mais je veux que ma mort te soit même inutile. Ne crois pas qu’en mourant je te laisse tranquille. Rome, ce ciel, ce jour que tu reçus de moi, Partout, à tout moment, m’offriront devant toi. Tes remords te suivront comme autant de furies ; Tu croiras les calmer par d’autres barbaries ; Ta fureur, s’irritant soi-même dans son cours, D’un sang toujours nouveau marquera tous tes jours. Mais j’espère qu’enfin le ciel, las de tes crimes, Ajoutera ta perte à tant d’autres victimes, Qu’après t’être couvert de leur sang et du mien, Tu te verras forcé de répandre le tien ; Et ton nom paraîtra, dans la race future, Aux plus cruels tyrans une cruelle injure. Voilà ce que mon cœur se présage de toi, Adieu, tu peux sortir. ….. |
Acte 5 Scène 7 (extraits)
|
Agrippine
Burrhus |
….
Burrhus, avez-vous vu quels regards furieux Néron en me quittant m’a laissés pour adieux ? C’en est fait : le cruel n’a plus rien qui l’arrête : Le coup qu’on m’a prédit va tomber sur ma tête. Il vous accablera vous-même à votre tour. ….. Son crime seul n’est pas ce qui me désespère ; Sa jalousie a pu l’armer contre son frère ; Mais s’il vous faut, Madame, expliquer ma douleur, Néron l’a vu mourir sans changer de couleur. Ses yeux indifférents ont déjà la constance D’un tyran dans le crime endurci dès l’enfance. ….. |
Acte 5 Scène 8 (extraits)
|
Albine
Agrippine
Burrhus |
…….
César les voit partir sans oser les distraire. Narcisse, plus hardi, s’empresse pour lui plaire. Il vole vers Junie, et, sans s’épouvanter, D’une profane main commence à l’arrêter. De mille coups mortels son audace est punie ; Son infidèle sang rejaillit sur Junie. César, de tant d’objets en même temps frappé, Le laisse entre les mains qui l’ont enveloppé. Il rentre. Chacun fuit son silence farouche. Le seul nom de Junie échappe de sa bouche. Il marche sans dessein ; ses yeux mal assurés N’osent lever au ciel leurs regards égarés ; Et l’on craint, si la nuit jointe à la solitude Vient de son désespoir aigrir l’inquiétude, Si vous l’abandonnez plus longtemps sans secours, Que sa douleur bientôt n’attente sur ses jours. Le temps presse : courez. Il ne faut qu’un caprice, Il se perdrait, Madame. Il se ferait justice. Mais, Burrhus, allons voir jusqu’où vont ses transports. Voyons quels changements produiront ses remords, S’il voudra désormais suivre d’autres maximes. Plût aux dieux que ce fût le dernier de ses crimes ! |
Acte 4 Scène 1 (extraits)
| Burrhus
Agrippine |
Oui, Madame, à loisir vous pourrez vous défendre :
César lui-même ici consent de vous entendre. Si son ordre au palais vous a fait retenir, C’est peut-être à dessein de vous entretenir. Quoi qu’il en soit, si j’ose expliquer ma pensée, Ne vous souvenez plus qu’il vous ait offensée : Préparez-vous plutôt à lui tendre les bras ; Défendez-vous, Madame, et ne l’accusez pas. Vous voyez, c’est lui seul que la cour envisage. Quoiqu’il soit votre fils, et même votre ouvrage, Il est votre empereur. Vous êtes comme nous Sujette à ce pouvoir qu’il a reçu de vous. Selon qu’il vous menace, ou bien qu’il vous caresse, La cour autour de vous ou s’écarte ou s’empresse ; C’est son appui qu’on cherche en cherchant votre appui. Mais voici l’Empereur. Qu’on me laisse avec lui. |
Acte 4 Scène 2 (extraits)
|
Agrippine
Néron
Agrippine |
…….
C’est le sincère aveu que je voulais vous faire. Voilà tous mes forfaits. En voici le salaire. Du fruit de tant de soins à peine jouissant En avez-vous six mois paru reconnaissant, Que, lassé d’un respect qui vous gênait peut-être, Vous avez affecté de ne plus me connaître. …. J’ai vu favoriser de votre confiance Othon, Sénécion, jeunes voluptueux Et de tous vos plaisirs flatteurs respectueux ; Et lorsque, vos mépris excitant mes murmures, Je vous ai demandé raison de tant d’injures (Seul recours d’un ingrat qui se voit confondu) Par de nouveaux affronts vous m’avez répondu. Aujourd’hui je promets Junie à votre frère ; Ils se flattent tous deux du choix de votre mère : Que faites-vous ? Junie, enlevée à la cour, Devient en une nuit l’objet de votre amour ; Je vois de votre cœur Octavie effacée, Prête à sortir du lit où je l’avais placée ; Je vois Pallas banni, votre frère arrêté ; Vous attentez enfin jusqu’à ma liberté …… Je me souviens toujours que je vous dois l’empire, Et sans vous fatiguer du soin de le redire, Votre bonté, Madame, avec tranquillité Pouvait se reposer sur ma fidélité. Aussi bien ces soupçons, ces plaintes assidues, Ont fait croire à tous ceux qui les ont entendues Que jadis (j’ose ici vous le dire entre nous) Vous n’aviez, sous mon nom, travaillé que pour vous. « Tant d’honneurs, disaient-ils, et tant de déférences, Sont-ce de ses bienfaits de faibles récompenses ? Quel crime a donc commis ce fils tant condamné ? Est-ce pour obéir qu’elle la couronné ? N’est-il de son pouvoir que le dépositaire ? » Non que, si jusque-là j’avais pu vous complaire, Je n’eusse pris plaisir, Madame, à vous céder Ce pouvoir que vos cris semblaient redemander. Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse. Vous entendiez les bruits qu’excitait ma faiblesse. Le sénat chaque jour et le peuple, irrités De s’ouïr par ma vois dicter vos volontés, Publiaient qu’en mourant Claude avec sa puissance M’avait encor laissé sa simple obéissance. Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux Porter en murmurant leurs aigles devant vous, Honteux de rabaisser par cet indigne usage Les héros dont encore elles portent l’image. Toute autre se serait rendue à leurs discours, Mais si vous ne régnez, vous vous plaignez toujours. Avec Britannicus contre moi réunie, Vous le fortifiez du parti de Junie ; Et la main de Pallas trame tous ces complots. Et, lorsque malgré moi j’assure mon repos, On vous voit de colère et de haine animée. Vous voulez présenter mon rival à l’armée : Déjà jusques au camp le bruit en a couru. Moi, le faire empereur, ingrat ! L’avez-vous cru ? Quel serait mon dessein ? Qu’aurais-je pu prétendre ? Quels honneurs dans sa cour, quel rang pourrais-je attendre ? Ah ! si sous votre empire on ne m’épargne pas, Si mes accusateurs observent tous mes pas, Si de leur empereur ils poursuivent la mère, Que ferais-je au milieu d’une cour étrangère ? Ils me reprocheraient, non des cris impuissants, Des desseins étouffés aussitôt que naissants, Mais des crimes pour vous commis à votre vue, Et dont je ne serais que trop tôt convaincue. Vous ne me trompez point, je vois tous vos détours : Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours. Dès vos plus jeunes ans mes soins et mes tendresses N’ont arraché de vous que de feintes caresses. Rien ne vous a pu vaincre ; et votre dureté Aurait dû dans son cours arrêter ma bonté. Que je suis malheureuse ! Et par quelle infortune Faut-il que tous mes soins me rendent importune ? Je n’ai qu’un fils. O ciel, qui m’entends aujourd’hui, T’ai-je fait quelques vœux qui ne fussent pour lui ? Remords, crainte, périls, rien ne m’a retenue ; J’ai vaincu ses mépris ; j’ai détourné ma vue Des malheurs qui dès lors me furent annoncés ; J’ai fait ce que j’ai pu : vous régnez, c’est assez. Avec ma liberté, que vous m’avez ravie, Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie, Pourvu que par ma mort tout le peuple irrité Ne vous ravisse pas ce qui m’a tant coûté. ….. |
Acte 4 Scène 3 (extraits)
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Néron
Burrhus Néron
Burrhus Néron Burrhus Néron
Burrhus |
…..
Je ne vous flatte point, je me plaignais de vous, Burrhus : je vous ai crus tous deux d’intelligence ; Mais son inimitié vous rend ma confiance. Elle se hâte trop, Burrhus, de triompher. J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer. Quoi, Seigneur ! C’en est trop ; il faut que sa ruine Me délivre à jamais des fureurs d’Agrippine. Tant qu’il respirera je ne vis qu’à demi. Elle m’a fatigué de ce nom ennemi ; Et je ne prétends pas que sa coupable audace Une seconde fois lui promette ma place. Elle va donc bientôt pleurer Britannicus ? Avant la fin du jour je ne le craindrai plus Et qui de ce dessein vous inspire l’envie ? Ma gloire, mon amour, ma sûreté, ma vie. ….. Et ne suffit-il pas, Seigneur, à vos souhaits Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ? C’est à vous à choisir, vous êtes encor maître. Vertueux jusqu’ici, vous pouvez toujours l’être : Le chemin est tracé, rien ne vous retient plus ; Vous n’avez qu’à marcher de vertus en vertus. Mais si de vos flatteurs vous suivez la maxime, Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en crime, Soutenir vos rigueurs par d’autres cruautés, Et laver dans le sang vos bras ensanglantés. Britannicus mourant excitera le zèle De ses amis, tout prêts à prendre sa querelle. Ces vengeurs trouveront de nouveaux défenseurs, Qui, même après leur mort, auront des successeurs. Vous allumez un feu qui ne pourra s’éteindre. Craint de tout l’univers, il vous faudra tout craindre, Toujours punir, toujours trembler dans vos projets, Et pour vos ennemis compter tous vos sujets. ….. Tels étaient vos plaisirs. Quel changement, ô dieux ! Le sang le plus abject vous était précieux. Un jour, il m’en souvient, le sénat équitable Vous pressait de souscrire à la mort d’un coupable ; Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité : Votre cœur s’accusait de trop de cruauté ; Et, plaignant les malheurs attachés à l’Empire, « Je voudrais, disiez-vous, ne savoir pas écrire. » Non, ou vous me croirez, ou bien de ce malheur Ma mort m’épargnera la vue et la douleur : On ne me verra point survivre à votre gloire, Si vous allez commettre une action si noire. ….. |
Acte 4 Scène 4
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Narcisse
Néron Narcisse Néron Narcisse
Néron
Narcisse
Néron |
……
Agrippine, Seigneur, se l’était bien promis ; Elle a repris sur vous son souverain empire. Quoi donc ? Qu’a-t-elle dit ? Et que voulez-vous dire ? Elle s’en est vantée publiquement. De quoi ? Qu’elle n’avait qu’à vous voir un moment ; Qu’à tout ce grand éclat, qu’à ce courroux funeste, On verrait succéder un silence modeste ; Que vous-même à la paix souscririez le premier, Heureux que sa bonté daignât tout oublier. Mais, Narcisse, dis-moi, que veux-tu que je fasse ? Je n’ai que trop de pente à punir son audace ; Et, si je m’en croyais, ce triomphe indiscret Serait bientôt suivi d’un éternel regret. Mais de tout l’univers quel sera le langage ? Sur le pas des tyrans veux-tu que je m’engage, Et que Rome, effaçant tant de titre d’honneur, Me laisse pour tous noms celui d’empoisonneur ? Ils mettront ma vengeance au rang des parricides. Et prenez-vous, Seigneur, leurs caprices pour guides ? Avez-vous prétendu qu’ils se tairaient toujours ? Est-ce à vous de prêter l’oreille à leurs discours ? De vos propres désirs perdez-vous la mémoire ? Et serez-vous le seul que vous n’oserez croire ? …… D’un empoisonnement vous craignez la noirceur ? Faites périr le frère, abandonnez la sœur ; Rome, sur ses autels prodiguant les victimes, Fussent-ils innocents, leur trouvera des crimes ; Vous verrez mettre au rang des jours infortunés Ceux où jadis la sœur et le frère sont nés. …. Burrhus ne pense pas, Seigneur, tout ce qu’il dit : Son adroite vertu ménage son crédit ; Ou plutôt ils n’ont tous qu’une même pensée : Ils verraient par ce coup leur puissance abaissée ; Vous seriez libre alors, Seigneur, et devant vous Ces maîtres orgueilleux fléchiraient comme nous. Quoi donc ! ignorez-vous tout ce qu’ils osent dire ? « Néron, s’ils en sont crus, n’est point né pour l’Empire ; Il ne dit, il ne fait que ce qu’on lui prescrit : Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit. Pour toute ambition, pour vertu singulière, Il excelle à conduire un char dans la carrière, A disputer des prix indignes de ses mains, A se donner lui-même en spectacle aux Romains, A venir prodiguer sa voix sur un théâtre, A réciter des chants qu’il veut qu’on idolâtre, Tandis que des soldats, de moments en moments, Vont arracher pour lui les applaudissements. » Ah ! ne voulez-vous pas les forcer à se taire ? Viens, Narcisse. Allons voir ce que nous devons faire. |
Acte III Scène 1 (extraits)
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Burrhus
Burrhus |
…..
Agrippine, Seigneur, est toujours redoutable. Rome et tous vos soldats révèrent ses aïeux ; Germanicus son père est présent à leurs yeux. Elle sait son pouvoir ; vous savez son courage ; Et ce qui me la fait redouter davantage, C’est que vous appuyez vous-même son courroux Et que vous lui donnez des armes contre vous. …… Surtout si de Junie évitant la présence Vous condamniez vos yeux à quelques jours d’absence, Croyez-moi, quelque amour qui semble vous charmer, On n’aime point, Seigneur, si l’on ne veut aimer. ……. |
Acte III Scène 3 (extraits)
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Burrhus |
……
Madame, jusqu’ici c’est trop tôt m’accuser. L’Empereur n’a rien fait qu’on ne puisse excuser. N’imputez qu’à Pallas un exil nécessaire : Son orgueil dès longtemps exigeait ce salaire ; Et l’Empereur ne fait qu’accomplir à regret Ce que toute la cour demandait en secret. Le reste est un malheur qui n’est point sans ressource : Des larmes d’Octavie on peut tarir la source. Mais calmez vos transports. Par un chemin plus doux, Vous lui pourrez plutôt ramener son époux : Les menaces, les cris, le rendront plus farouche. ……… |
Acte III Scène 4 (extraits)
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Agrippine |
…..
Quoi ! tu ne vois donc pas jusqu’où l’on me ravale, Albine ? C’est à moi qu’on donne une rivale. Bientôt, si je ne romps ce funeste lien, Ma place est occupée, et je ne suis plus rien. Jusqu’ici d’un vain titre Octavie honorée, Inutile à la cour, en était ignorée. Les grâces, les honneurs par moi seule versés, M’attiraient des mortels les vœux intéressés. Une autre de César a surpris la tendresse : Elle aura le pouvoir d’épouse et de maîtresse. Le fruit de tant de soins, la pompe des Césars, Tout deviendra le prix d’un seul de ses regards. Que dis-je ? l’on m’évite, et déjà délaissée…. Ah ! je ne puis , Albine, en souffrir la pensée. Quand je devrais du ciel hâter l’arrêt fatal, Néron, l’ingrat Néron…. Mais voici son rival. |
Acte III Scène 6 (extraits)
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Britannicus |
……
Non, je la crois, Narcisse, ingrate, criminelle, Digne de mon courroux ; mais je sens malgré moi Que je ne le crois pas autant que je le doi. Dans ses égarements mon cœur opiniâtre Lui prête des raisons, l’excuse, l’idolâtre. Je voudrais vaincre enfin mon incrédulité, Je voudrais la haïr avec tranquillité. ……. |
Acte III Scène 7 (extraits)
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Junie
Britannicus Junie
Britannicus
Junie |
……
Mais Néron vous menace : en ce pressant danger, Seigneur, j’ai d’autres soins que de vous affliger. Allez, rassurez-vous, et cessez de vous plaindre : Néron nous écoutait, et m’ordonnait de feindre. Quoi ! le cruel…. Témoin de tout notre entretien, D’un visage sévère examinait le mien, Prêt à faire éclater sur vous la vengeance D’un geste confident de notre intelligence. Néron nous écoutait, Madame ! Mais, hélas ! Vos yeux auraient pu feindre, et ne m’abuser pas, Ils pouvaient me nommer l’auteur de cet outrage. L’amour est-il muet, ou n’a-t-il qu’un langage ? De quel trouble un regard pouvait me préserver ! Il fallait… Il fallait me taire et vous sauver. Combien de fois, hélas ! puisqu’il faut vous le dire, Mon cœur de son désordre allait-il vous instruire ! De combien de soupirs interrompant le cours Ai-je évité vos yeux que je cherchais toujours ! Quel tourment de se taire en voyant ce qu’on aime, De l’entendre gémir, de l’affliger soi-même, Lorsque par un regard on peut le consoler ! Mais quels pleurs ce regard aurait-il fait couler ! Ah ! dans ce souvenir, inquiète, troublée, Je ne me sentais pas assez dissimulée. De mon front effrayé je craignais la pâleur ; Je trouvais mes regards trop pleins de ma douleur. Sans cesse il me semblait que Néron en colère Me venait reprocher trop de soin de vous plaire ; Je craignais mon amour vainement renfermé ; Enfin j’aurais voulu n’avoir jamais aimé. Hélas ! pour son bonheur, Seigneur, et pour le nôtre, Il n’est que trop instruit de mon cœur et du vôtre ! Allez, encore un coup, cachez-vous à ses yeux ; Mon cœur plus à loisir vous éclaicira mieux. De mille autres secrets j’aurais compte à vous rendre. ….. |
Acte III Scène 8 (extraits)
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Néron
Britannicus Néron
Britannicus
Néron
Britannicus Néron Britannicus Néron
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…….
Ainsi par le destin nos vœux sont traversés, J’obéissais alors, et vous obéissez. Si vous n’avez appris à vous laissez conduire, Vous êtes jeune encore et l’on peut vous instruire. Et qui m’en instruira ? Tout l’Empire à la fois, Rome. Rome met-elle au nombre de vos droits Tout ce qu’a de cruel l’injustice et la force, Les empoisonnements, le rapt et le divorce ? Rome ne porte point ses regards curieux Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux. Imitez son respect. On sait ce qu’elle en pense. Elle se tait du moins ; imitez son silence. Ainsi Néron commence à ne se plus forcer. Néron de vos discours commence à se lasser. ……. |
Acte III Scène 9 (extraits)
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Néron |
….
Arrêtez. J’ignore quel projet, Burrhus, vous méditez ; Mais depuis quelques jours, tout ce que je désire Trouve en vous un censeur prêt à me contredire. Répondez-m’en, vous dis-je ; ou, sur votre refus, D’autres me répondront et d’elle et de Burrhus. |
Acte 2 Scène 1 (extraits)
| Néron
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N’en doutez point, Burrhus : malgré ses injustices,
C’est ma mère, et je veux ignorer ses caprices. Mais je ne prétends plus ignorer ni souffrir Le ministre insolent qui les ose nourrir. Pallas de ses conseille empoisonne ma mère ; Il séduit chaque jour Britannicus mon frère. Ils l’écoutent tout seul : et qui suivrait leurs pas Les trouverait peut-être assemblés chez Pallas. C’en est trop. De tous deux il faut que je l’écarte. Pour la dernière fois, qu’il s’éloigne, qu’il parte : Je le veux, je l’ordonne ; et que la fin du jour Ne le retrouve pas dans Rome ou dans ma cour. Allez : cet ordre importe au salut de l’Empire. Vous, Narcisse, approchez. Et vous, qu’on se retire. ….. |
Acte 2 Scène 2 (extraits)
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Néron Narcisse
Narcisse
Néron |
……
Que dis-tu ? Sur son cœur il aurait quelque empire ? Je ne sais ; mais, Seigneur, ce que je puis vous dire, Je l’ai vu quelquefois s’arracher de ces lieux, Le cœur plein d’un courroux qu’il cachait à vos yeux, D’une cour qui le fuit pleurant l’ingratitude, Las de votre grandeur et de sa servitude, Entre l’impatience et la crainte flottant : Il allait voir Junie, et revenait content. …… N’êtes-vous pas, Seigneur, votre maître et le sien ? Vous verrons-nous toujours trembler sous sa tutelle ? Vivez, régnez pour vous : c’est trop régner pour elle. Craignez-vous…. ? Mais, Seigneur, vous ne la craignez pas : Vous venez de bannir le superbe Pallas, Pallas dont vous savez qu’elle soutient l’audace. Eloigné de ses yeux, j’ordonne, je menace, J’écoute vos conseils, j’ose les approuver, Je m’excite contre elle, et tâche à la braver. Mais (je t’expose ici mon âme toute nue), Sitôt que mon malheur me ramène à sa vue, Soit que je n’ose encor démentir le pouvoir De ces yeux où j’ai lu si longtemps mon devoir, Soit qu’à tant de bienfaits ma mémoire fidèle Lui soumette en secret tout ce que je tiens d’elle, Mais enfin mes efforts ne me servent de rien, Mon Génie étonné tremble devant le sien ; Et c’est pour m’affranchir de cette dépendance Que je la fuis partout, que même je l’offense, ……..
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Acte 2 Scène 3 (extraits)
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Néron
Junie
Néron
Junie Néron
Junie
Néron
Junie
Néron
Junie
Néron
Junie
Néron |
……
Ma mère a ses desseins, Madame, et j’ai les miens. Ne parlons plus ici de Claude et d’Agrippine : Ce n’est point par leur choix que je me détermine. C’est à moi seul, Madame, à répondre de vous ; Et je veux de ma main vous choisir un époux. Ah ! Seigneur, songez-vous que toute autre alliance Fera honte aux Césars auteurs de ma naissance ? Non, Madame, l’époux dont je vous entretiens Peut sans honte assembler vos aïeux et les siens : Vous pouvez, sans rougir, consentir à sa flamme. Et quel est donc, Seigneur, cet époux ? Moi, Madame. …… Seigneur, avec raison je demeure étonnée. Je me vois, dans le cours d’une même journée, Comme une criminelle amenée en ces lieux, Et, lorsque avec frayeur je parais à vos yeux, Que sur mon innocence à peine je me fie, Vous m’offrez tout d’un coup la place d’Octavie. J’ose dire pourtant que je n’ai mérité Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. Et pouvez-vous, Seigneur, souhaiter qu’une fille Qui vit presqu’en naissant éteindre sa famille, Qui, dans l’obscurité nourrissant sa douleur, S’est fait une vertu conforme à son malheur, Passe subitement de cette nuit profonde Dans un rang qui l’expose aux yeux de tout le monde, Dont je n’ai pu de loin soutenir la clarté, Et dont une autre enfin remplit la majesté ? Je vous ai déjà dit que je la répudie. Ayez moins de frayeur, ou moins de modestie. N’accusez point ici mon choix d’aveuglement ; Je vous réponds de vous : consentez seulement. Du sang dont vous sortez rappelez la mémoire ; Et ne préférez point, à la solide gloire Des honneurs dont César prétend vous revêtir, La gloire d’un refus, sujet au repentir. Le ciel connaît, Seigneur, le fond de ma pensée. Je ne me flatte point d’une gloire insensée : Je sais de vos présents mesurer la grandeur ; Mais plus ce rang sur moi répandrait de splendeurs, Plus il me ferait honte, et mettrait en lumière Le crime d’en avoir dépouillé l’héritière. C’est de ses intérêts prendre beaucoup de soins, Madame ; et l’amitié ne peut aller plus loin. Mais ne nous flattons point, et laissons le mystère. La sœur vous touche ici beaucoup moins que le frère : Et pour Britannicus… Il a su me toucher, Seigneur, et je n’ai point prétendu m’en cacher. …… Je pouvais de ces lieux lui défendre l’entrée ; Mais, Madame, je veux prévenir le danger Où son ressentiment le pourrait engager. Je ne veux point le perdre. Il vaut mieux que lui-même Entende son arrêt de la bouche qu’il aime. Si ses jours vous sont chers, éloignez-le de vous, Sans qu’il ait aucun lieu de me croire jaloux. De son bannissement prenez sur vous l’offense ; Et, soit par vos discours, soit par votre silence, Du moins par vos froideurs, faites-lui concevoir Qu’il doit porter ailleurs ses vœux et son espoir. Moi ! Que je lui prononce un arrêt si sévère ! Ma bouche mille fois lui jura le contraire. Quand même jusque-là je pourrais me trahir, Mes yeux lui défendront, Seigneur, de m’obéir. Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame. Renfermez votre amour dans le fond de votre âme. Vous n’aurez pas pour moi de langages secrets : J’entendrai des regards que vous croirez muets ; Et sa perte sera l’infaillible salaire D’un geste ou d’un soupir échappé pour lui plaire. …….
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Acte 2 Scène 6 (extraits)
| Britannicus | Ce discours me surprend, il le faut avouer.
Je ne vous cherchais pas pour l’entendre louer. Quoi ! pour vous confier la douleur qui m’accable, A peine je dérobe un moment favorable, Et ce moment si cher, Madame, est consumé A louer l’ennemi dont je suis opprimé ! Qui vous rend à vous-même, en ce jour, si contraire ? Quoi ! même vos regards ont appris à se taire ? Que vois-je ? Vous craignez de rencontrer mes yeux ? Néron vous plairait-il ? vous serais-je odieux ? Ah ! si je le croyais…. Au nom des dieux, Madame, Eclaircissez le trouble où vous jetez mon âme. Parlez. Ne suis-je plus dans votre souvenir ? ……… |
Acte 2 Scène 8 (extraits)
| Néron | He bien ! de leur amour tu vois la violence,
Narcisse, elle a paru jusque dans son silence. Elle aime mon rival, je ne puis l’ignorer ; Mais je mettrai ma joie à le désespérer. ……. |
Acte 1er Scène 1 (extraits)
| Agrippine
Albine Agrippine
Agrippine
Agrippine
Agrippine |
….. Albine, il ne faut pas s’éloigner un moment.
Je veux l’attendre ici. Les chagrins qu’il me cause M’occuperont assez tout le temps qu’il repose. Tout ce que j’ai prédit n’est que trop assuré. Contre Britannicus Néron s’est déclaré. L’impatient Néron cesse de se contraindre ; Las de se faire aimer, il veut se faire craindre. Britannicus le gêne, Albine, et chaque jour Je sens que je deviens importune à mon tour. …… ….Il vous doit son amour. Il me le doit, Albine. Tout, s’il est généreux, lui prescrit cette loi ; Mais tout, s’il est ingrat, lui parle contre moi. …… Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste : Il commence, il est vrai, par où finit Auguste ; Mais crains que, l’avenir détruisant le passé, Il ne finisse ainsi qu’Auguste a commencé. Il se déguise en vain. Je lis sur son visage Des fiers Domitius l’humeur triste et sauvage. Il mêle avec l’orgueil qu’il a pris dans leur sang La fierté des Nérons qu’il puisa dans mon flanc. Toujours la tyrannie a d’heureuses prémices : De Rome, pour un temps, Caïus fut les délices ; Mais, sa feinte bonté se tournant en fureur, Les délices de Rome en devinrent l’horreur. Que m’importe, après tout, que Néron, plus fidèle, D’une longue vertu laisse un jour le modèle ? Ai-je mis dans sa main le timon de l’Etat Pour le conduire au gré du peuple et du sénat ? Ah ! que de la patrie il soit, s’il veut, le père ; Mais qu’il songe un peu plus qu’Agrippine est sa mère. De quel nom cependant pouvons-nous appeler L’attentat que le jour vient de nous révéler ? Il sait, car leur amour ne peut être ignorée, Que de Britannicus Junie est adorée : Et ce même Néron que la vertu conduit Fait enlever Junie au milieu de la nuit. Que veut-il ? Est-ce haine, est-ce amour, qui l’inspire ? Cherche-t-il seulement le plaisir de leur nuire ? Ou plutôt n’est-ce point que sa malignité Punit sur eux l’appui que je leur ai prêté ? …… …..Tous ces présents, Albine, irritent mon dépit : Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit. Non, non, le temps n’est plus que Néron, jeune encore, Me renvoyait les vœux d’une cour qui l’adore, Lorsqu’il se reposait sur moi de tout l’Etat, Que mon ordre au palais assemblait le sénat, Et que, derrière un voile, invisible et présente, J’étais de ce grand corps l’âme toute-puissante. Des volontés de Rome alors mal assuré, Néron de sa grandeur n’était point enivré. Ce jour, ce triste jour, frappe encor ma mémoire, Où Néron fut lui-même ébloui de sa gloire, Quand les ambassadeurs de tant de rois divers Vinrent le reconnaître au nom de l’univers. Sur son trône avec lui j’allais prendre ma place. J’ignore quel conseil prépara ma disgrâce ; Quoi qu’il en soit, Néron, d’aussi loin qu’il me vit, Laissa sur son visage éclater son dépit. Mon cœur même en conçut un malheureux augure. L’ingrat, d’un faux respect colorant son injure, Se leva par avance, et, courant m’embrasser, Il m’écarta du trône où je m’allais placer. Depuis ce coup fatal le pouvoir d’Agrippine, Vers sa chute, à grands pas, chaque jour s’achemine. L’ombre seule m’en reste, et l’on implore plus Que le nom de Sénèque et l’appui de Burrhus. ….. César ne me voit plus, Albine, sans témoins. En public, à mon heure, on me donne audience. Sa réponse est dictée, et même son silence. Je vois deux surveillants, ses maîtres et les miens, Présider l’un ou l’autre à tous nos entretiens. Mais je le poursuivrai d’autant plus qu’il m’évite. De son désordre, Albine, il faut que je profite. J’entends du bruit ; on ouvre. Allons subitement Lui demander raison de cet enlèvement. Surprenons, s’il se peut, les secrets de son âme. ……. |
Acte 1er Scène 2 (extraits)
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Burrhus
Agrippine
Burrhus
Agrippine |
…..
….De quoi vous plaignez-vous, Madame ? On vous révère. Ainsi que par César, on jure par sa mère. L’Empereur, il est vrai, ne vient plus chaque jour Mettre à vos pieds l’empire et grossir votre cour. Mais le doit-il, Madame ? et sa reconnaissance Ne peut-elle éclater que dans sa dépendance ? ….. Ainsi, sur l’avenir n’osant vous assurer, Vous croyez que sans vous Néron va s’égarer. Mais vous qui, jusqu’ici content de votre ouvrage, Venez de ses vertus nous rendre témoignage, Expliquez-nous pourquoi, devenu ravisseur, Néron de Silanus fait enlever la sœur. Ne tient-il qu’à marquer de cette ignominie Le sang de mes aïeux qui brille dans Junie ? De quoi l’accuse-t-il ? et par quel attentat Devient-elle en un jour criminelle d’Etat, Elle qui, sans orgueil jusqu’alors élevée, N’aurait point vu Néron s’il ne l’eût enlevée, Et qui même aurait mis au rang de ses bienfaits L’heureuse liberté de ne le voir jamais ? Je sais que d’aucun crime elle n’est soupçonnée, Mais jusqu’ici César ne l’a point condamnée, Madame ; aucun objet ne blesse ici ses yeux : Elle est dans un palais tout plein de ses aïeux. Vous savez que les droits qu’elle porte avec elle Peuvent de son époux faire un prince rebelle ; Que le sang de César ne se doit allier Qu’à ceux à qui César le veut bien confier ; Et vous-même avoûrez qu’il ne serait pas juste Qu’on disposât sans lui de la nièce d’Auguste. ….. A ma confusion, Néron veut faire voir Qu’Agrippine promet par-delà son pouvoir. Rome de ma faveur est trop préoccupée : Il veut par cet affront qu’elle soit détrompée, Et que tout l’univers apprenne avec terreur A ne plus confondre mon fils et l’Empereur. Il le peut. Toutefois j’ose encore lui dire Qu’il doit avant ce coup affermir son empire ; Et qu’en me réduisant à la nécessité D’éprouver contre lui ma faible autorité, Il expose la sienne, et que dans la balance Mon nom peut-être aura plus de poids qu’il ne pense. …..
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Acte 1er Scène 4 (extraits)
| Britannicus
Britannicus |
….
Mais je suis seul encor. Les amis de mon père Sont autant d’inconnus que glace ma misère ; Et ma jeunesse même écarte loin de moi Tous ceux qui dans le cœur me réservent leur foi. Pour moi, depuis un an qu’un peu d’expérience M’a donné de mon sort la triste connaissance, Que vois-je autour de moi, que des amis vendus Qui sont de tous mes pas les témoins assidus, Qui, choisis par Néron pour ce commerce infâme, Trafiquent avec lui des secrets de mon âme ? Quoiqu’il en soit, Narcisse, on me vend tous les jours : Il prévoit mes desseins, il entend mes discours ; Comme toi, dans mon cœur il sait ce qui se passe. ….. Narcisse, tu dis vrai. Mais cette défiance Est toujours d’un grand cœur la dernière science : On le trompe longtemps. Mais enfin je te croi, Ou plutôt je fais vœu de ne croire que toi. Mon père, il m’en souvient, m’assura de ton zèle. Seul de ses affranchis tu m’es toujours fidèle ; Tes yeux, sur ma conduite, incessamment ouverts, M’ont sauvé jusqu’ici de mille écueils couverts. Va donc voir si le bruit de ce nouvel orage Aura de nos amis excité le courage. Examine leurs yeux, observe leurs discours ; Vois si j’en puis attendre un fidèle secours. Surtout dans ce palais remarque avec adresse Avec quel soin Néron fait garder la princesse. ….. |
Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis-Treize…. – et je crois voir s’étendre
Un coteau vert que le couchant jaunit ;
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs.
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens….
Que, dans une autre existence, peut-être,
J’ai déjà vue- et dont je me souviens !
Les femmes savantes (extraits)
Acte V Scène I (extraits)
| Henriette
Trissotin
Henriette
Trissotin
Henriette
Henriette |
C’est sur le mariage où ma mère s’apprête
Que j’ai voulu, Monsieur, vous parler tête à tête ; Et j’ai cru, dans le trouble où je vois la maison, Que je pourrais vous faire écouter la raison. Je sais qu’avec mes vœux vous me jugez capable De vous porter en dot un bien considérable ; Mais l’argent, dont on voit tant de gens faire cas, Pour un vrai philosophe a d’indignes appas ; Et le mépris du bien et des grandeurs frivoles Ne doit point éclater dans vos seules paroles. Aussi n’est-ce point là ce qui me charme en vous ; Et vos brillants attraits, vos yeux perçants et doux, Votre grâce, et votre air, sont les biens, les richesses, Qui vous ont attiré mes vœux et mes tendresses : C’est de ces seuls trésors que je suis amoureux. Je suis fort redevable à vos feux généreux : Cet obligeant amour a de quoi me confondre, Et j’ai regret, Monsieur, de n’y pouvoir répondre. Je vous estime autant qu’on saurait estimer ; Mais je trouve un obstacle à vous pouvoir aimer : Un cœur, vous le savez, à deux ne saurait être, Et je sens que du mien Clitandre s’est fait maître. Je sais qu’il a bien moins de mérite que vous, Que j’ai de méchants yeux pour le choix d’un époux, Que par cent beaux talents vous devriez me plaire ; Je vois bien que j’ai tort, mais je n’y puis que faire ; Et tout ce que sur moi peut le raisonnement, C’est de me vouloir mal d’un tel aveuglement. Le don de votre main où l’on me fait prétendre Me livrera ce cœur que possède Clitandre : Et par mille doux soins j’ai lieu de présumer Que je pourrai trouver l’art de me faire aimer. Non : à ses premiers vœux mon âme est attachée, Et ne peut de vos soins, Monsieur, être touchée. Avec vous librement j’ose ici m’expliquer, Et mon aveu n’a rien qui vous doive choquer. Cette amoureuse ardeur qui dans les cœurs s’excite N’est point comme l’on sait un effet du mérite ; Le caprice y prend part, et quand quelqu’un nous plaît, Souvent nous avons peine à dire pourquoi c’est. Si l’on aimait, Monsieur, par choix et par sagesse, Vous auriez tout mon cœur et toute ma tendresse ; Mais on voit que l’amour se gouverne autrement. Laissez-moi, je vous prie, à mon aveuglement, Et ne vous servez point de cette violence Que pour vous on veut faire à mon obéissance. Quand on est honnête homme, on ne veut rien devoir A ce que des parents ont sur nous de pouvoir ; On répugne à se faire immoler ce qu’on aime, Et l’on veut n’obtenir un cœur que de lui-même. Ne poussez point ma mère à vouloir par son choix Exercer sur mes vœux la rigueur de ses droits ; Otez-moi votre amour, et portez à quelque autre Les hommages d’un cœur aussi cher que le vôtre. …… Mais savez-vous qu’on risque un peu plus qu’on ne pense A vouloir sur un cœur user de violence ? Qu’il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net, D’épouser une fille en dépit qu’elle en ait, Et qu’elle peut aller, en se voyant contraindre, A des ressentiments que le mari doit craindre ? ……. |
Acte V Scène III (extraits)
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Martine
Chrysale Martine
Chrysale Martine
Chrysale |
…..
Mon congé cent fois me fût-il hoc, La poule ne doit point chanter devant le coq. Sans doute. Et nous voyons que d’un homme on se gausse, Quand sa femme chez lui porte le haut-de-chausse. Il est vrai Si j’avais un mari, je le dis, Je voudrais qu’il se fît le maître du logis ; Je ne l’aimerais point, s’il faisait le jocrisse ; Et si je contestais contre lui par caprice, Si je parlais trop haut, je trouverais fort bon Qu’avec quelques soufflets il rabaissât mon ton. C’est parler comme il faut. ……
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Acte V Scène IV (extraits)
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Philaminte
Clitandre
Henriette
Clitandre
Henriette
Ariste |
…. Qu’il a bien découvert son âme mercenaire ! Et que peu philosophe est ce qu’il vient de faire ! Je ne me vante point de l’être, mais enfin Je m’attache, Madame, à tout votre destin , Et j’ose vous offrir, avecque ma personne, Ce qu’on sait que de bien la fortune me donne. ….. Je sais le peu de bien que vous avez, Clitandre, Et je vous ai toujours souhaité pour époux, Lorsqu’en satisfaisant à mes vœux les plus doux, J’ai vu que mon hymen ajustait vos affaires ; Mais lorsque nous avons les destins si contraires, Je vous chéris assez dans cette extrémité Pour ne vous charger point de notre adversité. Tout destin, avec vous, me peut être agréable ; Tout destin me serait, sans vous, insupportable. L’amour dans son transport parle toujours ainsi. Des retours importuns évitons le souci : Rien n’use tant l’ardeur de ce nœud qui nous lie, Que les fâcheux besoins des choses de la vie ; Et l’on en vient souvent à s’accuser tous deux De tous les noirs chagrins qui suivent de tels feux. ….. Laissez-vous donc lier par des chaînes si belles. Je ne vous ai porté que de fausses nouvelles, Et c’est un stratagème, un surprenant secours, Que j’ai voulu tenter pour servir vos amours, Pour détromper ma sœur, et lui faire connaître Ce que son philosophe à l’essai pouvait être ? ……. |
Les femmes savantes (extraits)
Acte IV Scène II (extraits)
| Armande
Clitandre
Armande
Clitandre
Clitandre
Clitandre
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Je ne souffrirais point, si j’étais que de vous,
Que jamais d’Henriette il pût être l’époux. On me ferait grand tort d’avoir quelque pensée Que là-dessus je parle en fille intéressée, Et que le lâche tour que l’on voit qu’il me fait Jette au fond de mon cœur quelque dépit secret : Contre de pareils coups l’âme se fortifie Du solide secours de la philosophie, Et par elle on se peut mettre au-dessus de tout. Mais vous traiter ainsi, c’est vous pousser à bout : Il est de votre honneur d’être à ses vœux contraire, Et c’est un homme enfin qui ne doit point vous plaire. Jamais je n’ai connu, discourant entre nous, Qu’il eût au fond du cœur de l’estime pour vous. ….. Eh ! doucement de grâce : un peu de charité, Madame, ou tout au moins un peu d’honnêteté. Quel mal vous ai-je fait ? et quelle est mon offense, Pour armer contre moi toute votre éloquence ? Pour vouloir me détruire et prendre tant de soin De me rendre odieux aux gens dont j’ai besoin ? Parlez, dites, d’où vient ce courroux effroyable ? Je veux bien que Madame en soit juge équitable. Si j’avais le courroux dont on veut m’accuser, Je trouverais assez de quoi l’autoriser : Vous en seriez trop digne, et les premières flammes S’établissent des droits si sacrés sur les âmes, Qu’il faut perdre fortune, et renoncer au jour, Plutôt que de brûler des feux d’un autre amour ; Au changement des vœux nulle horreur ne s’égale, Et tout cœur infidèle est un monstre en morale. Appelez-vous, Madame, une infidélité Ce que m’a de votre âme ordonné la fierté ? Je ne fais qu’obéir aux lois qu’elle m’impose ; Et si je vous offense, elle seule en est la cause. Vos charmes ont d’abord possédé tout mon cœur : Il a brûlé deux ans d’une constante ardeur ; Il n’est soins empressés, devoirs, respects, services, Dont il ne vous ai fait d’amoureux sacrifices. Tous mes feux, tous mes soins ne peuvent rien sur vous ; Je vous trouve contraire à mes vœux les plus doux. Ce que vous refusez, je l’offre au choix d’une autre. Voyez : est-ce, Madame, ou ma faute, ou la vôtre ? Mon cœur court-il au change, ou si vous l’y poussez ? Est-ce moi qui vous quitte, ou vous qui me chassez ? …. Pour moi, par un malheur, je m’aperçois, Madame, Que j’ai, ne vous déplaise, un corps tout comme une âme, Je sens qu’il y tient trop, pour le laisser à part ; De ces détachements je ne connais point l’art ; Le Ciel m’a dénié cette philosophie, Et mon âme et mon corps marchent de compagnie. Il n’est rien de plus beau, comme vous avez dit, Que ces vœux épurés qui ne vont qu’à l’esprit, Ces unions de cœur, et ces tendres pensées Du commerce des sens si bien débarrassées. Mais ces amours pour moi sont trop subtilisés ; Je suis un peu grossier, comme vous m’accusez ; J’aime avec tout moi-même, et l’amour qu’on me donne En veut, je le confesse, à toute la personne. Ce n’est pas là matière à de grands châtiments ; Et, sans faire de tort à vos bons sentiments, Je vois que dans le monde on suit fort ma méthode, Et que le mariage est assez à la mode, Passe pour un lien assez honnête et doux, Pour avoir désiré de me voir votre époux, Sans que la liberté d’une telle pensée Ait dû vous donner lieu d’en paraître offensée. …… Mais Monsieur Trissotin n’a pu duper personne, Et chacun rend justice aux écrits qu’il nous donne : Hors céans, on le prise en tous lieux ce qu’il vaut ; Et ce qui m’a vingt fois fait tomber de mon haut, C’est de vous voir au ciel élever des sornettes Que vous désavoueriez, si vous les aviez faites.
…… |
Acte IV Scène III (extraits)
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Philaminte
Clitandre
Trissotin
Clitandre
Trissotin Clitandre
Trissotin
Clitandre
Trissotin
Clitandre
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…..
Remettons ce discours pour une autre saison : Monsieur n’y trouverait ni rime, ni raison ; Il fait profession de chérir l’ignorance, Et de haïr surtout l’esprit et la science. Cette vérité veut quelque adoucissement. Je m’explique, Madame ; et je hais seulement La science et l’esprit qui gâtent les personnes. Ce sont choses de soi qui sont belles et bonnes ; Mais j’aimerais mieux être au rang des ignorants Que de me voir savant comme certaines gens. Pour moi, je ne tiens pas, quelque effet qu’on suppose, Que la science soit pour gâter quelque chose. Et c’est mon sentiment, qu’en faits comme en propos, La science est sujette à faire de grands sots. Le paradoxe est fort. Sans être fort habile, La preuve m’en serait, je pense, assez facile : Si les raisons manquaient, je suis sûr qu’en tous cas Les exemples fameux ne me manqueraient pas. …. J’ai cru jusques ici que c’était l’ignorance Qui faisait les grands sots, et non pas la science. Vous avez cru fort mal, et je vous suis garant Qu’un sot savant est sot plus qu’un sot ignorant. ….. Il faut que l’ignorance ait pour vous de grands charmes, Puisque pour elle ainsi vous prenez tant les armes. Si pour moi l’ignorance a des charmes bien grands, C’est depuis qu’à mes yeux s’offrent certains savants. ….. |
Acte IV Scène IV (extraits)
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Philaminte
Armande |
…..
Voilà sur cet hymen que je me suis promis Un mérite attaqué de beaucoup d’ennemis ; Et ce déchaînement aujourd’hui me convie A faire une action qui confonde l’envie, Qui lui fasse sentir que l’effort qu’elle fait De ce qu’elle veut rompre aura pressé l’effet. Reportez tout cela sur l’heure à votre maître, Et lui dites qu’afin de lui faire connaître Quel grand état je fais de ses nobles avis, Dès ce soir à Monsieur je marierai ma fille. Vous, Monsieur, comme ami de toute la famille, A signer leur contrat vous pourrez assister, Et je vous y veux bien, de ma part, inviter. Armande, prenez soin d’envoyer au Notaire Et d’aller avertir votre sœur de l’affaire. Pour avertir ma sœur, il n’en est pas besoin, Et Monsieur que voilà saura prendre le soin De courir lui porter bientôt cette nouvelle, Et disposer son cœur à vous être rebelle. ….. |
Acte IV Scène V (extraits)
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Henriette
Clitandre |
….
Je vais tout essayer pour nos vœux les plus doux ; Et si tous mes efforts ne me donnent à vous, Il est une retraite où notre âme se donne, Qui m’empêchera d’être à toute autre personne. Veuille le juste Ciel me garder en ce jour De recevoir de vous cette preuve d’amour. |
Les femmes savantes (extraits)
Acte III Scène II (extraits)
| Philaminte
Armande
Philaminte
Armande
Armande
Trissotin
Philaminte |
…. On se sent, à ces vers, jusques au fond de l’âme,
Couler je ne sais quoi qui fait que l’on se pâme. Faites la sortir, quoi qu’on die, De votre riche appartement, Que riche appartement est là joliment dit ! Et que la métaphore est mise avec esprit ! …… ….. Car enfin je me sens un étrange dépit Du tort que l’on nous fait du côté de l’esprit, Et je veux nous venger, toutes tant que nous sommes, De cette indigne classe où nous rangent les hommes, De borner nos talents à des futilités, Et nous fermer la porte aux sublimes clartés. C’est faire à notre sexe une trop grande offense, De n’étendre l’effort de notre intelligence Qu’à juger d’une jupe et de l’air d’un manteau, Ou des beautés d’un point, ou d’un brocard nouveau. ….. Il me tarde de voir notre assemblée ouverte, Et de nous signaler par quelque découverte. On en attend beaucoup de vos vives clartés, Et pour vous la nature a peu d’obscurités. Pour moi, sans me flatter, j’en ai déjà fait une, Et j’ai vu clairement des hommes dans la lune. ….. |
Acte III Scène III
| Vadius | ….
Le défaut des auteurs dans leurs productions, C’est d’en tyranniser les conversations, D’être au Palais, au Cours, aux ruelles, aux tables, De leurs vers fatigants lecteurs infatigables. Pour moi je ne vois rien de plus sot à mon sens Qu’un auteur qui partout va gueuser des encens, Qui des premiers venus saisissant les oreilles, En fait le plus souvent les martyrs de ses veilles. On ne m’a jamais vu ce fol entêtement ; Et d’un Grec , là-dessus, je suis le sentiment, Qui par un dogme exprès défend à tous ses sages L’indigne empressement de lire leurs ouvrages. Voici de petits vers pour de jeunes amants, Sur quoi je voudrais bien avoir vos sentiments. ….. |
Acte III Scène IV
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Henriette
Philaminte |
…
C’est prendre un soin pour moi qui n’est pas nécessaire : Les doctes entretiens ne sont point mon affaire ; J’aime à vivre aisément, et, dans tout ce qu’on dit, Il faut trop se peiner pour avoir de l’esprit. C’est une ambition que je n’ai point en tête : Je me trouve fort bien, ma mère, d’être bête, Et j’aime mieux n’avoir que de communs propos, Que de me tourmenter pour dire de beaux mots . Oui, mais j’y suis blessée, et ce n’est pas mon compte De souffrir dans mon sang une pareille honte. La beauté du visage est un frêle ornement, Une fleur passagère, un éclat d’un moment, Et qui n’est attaché qu’à la simple épiderme ; Mais celle de l’esprit est inhérente et ferme. J’ai donc cherché longtemps un biais de vous donner La beauté que les ans ne peuvent moissonner, De faire entrer chez vous le désir des sciences, De vous insinuer les belles connaissances ; Et la pensée enfin où mes vœux ont souscrit, C’est d’attacher à vous un homme plein d’esprit ; Et cet homme est Monsieur, que je vous détermine A voir comme l’époux que mon choix vous destine. ….. |
Acte III Scène V
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Armande
Henriette |
….
Si l’hymen, comme à vous, me paraissait charmant, J’accepterais votre offre avec ravissement. Si j’avais, comme vous, les pédants dans la tête, Je pourrais le trouver un parti fort honnête. …. |
Acte III Scène VI
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Chrysale
Ariste Clitandre Chrysale |
….
Taisez-vous, péronnelle ! Allez philosopher tout le soûl avec elle, Et de mes actions ne vous mêlez en rien. Dites-lui ma pensée, et l’avertissez bien Qu’elle ne vienne pas m’échauffer les oreilles ! Allons vite. Fort bien : vous faites des merveilles. Quel transport ! quelle joie ! ah ! que mon sort est doux ! Allons, prenez sa main, et passez devant nous. Menez-la dans sa chambre. Ah ! les douces caresses ! Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses, Cela ragaillardit tout à fait mes vieux jours, Et je me ressouviens de mes jeunes amours. |
Les femmes savantes (extraits)
Acte II Scène VII (extraits)
| Chrysale
Chrysale |
…… Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas
Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ? J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes Elle accommode mal les noms avec les verbes, Et redise cent fois un bas ou méchant mot, Que de brûler ma viande, ou saler trop mon pot. Je vis de bonne soupe, et non de beau langage. Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage ; Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots, En cuisine peut-être auraient été des sots. …. …. C’est à vous que je parle, ma sœur. Le moindre solécisme en parlant vous irrite ; Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite. Vos livres éternels ne me contente pas, Et hors un gros Plutarque à mettre à mes rabats, Vous devriez brûler tout ce meuble inutile, Et laisser la science aux docteurs de la ville ; M’ôter pour faire bien, du grenier de céans Cette longue lunette à faire peur aux gens, Et cent brimborions dont l’aspect importune ; Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune, Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous, Où nous voyons aller tout sens dessus dessous. Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, Qu’une femme étudie et sache tant de choses. Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants, Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens, Et régler la dépense avec économie, Doit être son étude et sa philosophie. Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés, Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez Quand la capacité de son esprit se hausse A connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse. Les leurs ne lisaient point, mais elles vivaient bien. Leurs ménages étaient tout leur docte entretien, Et leurs livres, un dé, du fil et des aiguilles, Dont elles travaillaient au trousseau de leurs filles. Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs : Elles veulent écrire et devenir auteurs. Nulle science n’est pour elles trop profonde, Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde : Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir, Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir ; On y sait comme vont lune, étoile polaire, Vénus, Saturne et Mars, dont je n’ai point affaire ; Et, dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin, On ne sait comme va mon pot, dont j’ai besoin. Mes gens à la science aspirent pour vous plaire Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ; Raisonner est l’emploi de toute ma maison, Et le raisonnement en bannit la raison. L’un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire ; L’autre rêve à des vers quand je demande à boire. Enfin je vois par eux votre exemple suivi, Et j’ai des serviteurs et ne suis point servi. Une pauvre servante au moins m’était restée, Qui de ce mauvais air n’était point affectée Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas, A cause qu’elle manque à parler Vaugelas. Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse, (Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse), Je n’aime point céans tous vos gens à latin, Et principalement ce Monsieur Trissotin : C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées ; Tout les propos qu’il tient sont des billevesées ; On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé, Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé. …… |
Acte Ier Scène VIII (extraits)
| Philaminte
Chrysale
Philaminte |
…. Avez-vous à lâcher encore quelque trait ?
Moi ? Non. Ne parlons plus de querelle : c’est fait. Discourons d’autre affaire. A votre fille aînée On voit quelque dégoût pour les nœuds d’hyménée : C’est une philosophe enfin, je n’en dis rien, Elle est bien gouvernée, et vous faites fort bien. Mais de toute autre humeur se trouve la cadette, Et je crois qu’il est bon de pourvoir Henriette, De choisir un mari… C’est à quoi j’ai songé, Et je veux vous ouvrir l’intention que j’ai. Ce Monsieur Trissotin, dont on nous fait un crime, Et qui n’a pas l’honneur d’être dans votre estime, Est celui que je prends pour l’époux qu’il lui faut, Et je sais mieux que vous juger de ce qu’il vaut : La contestation est ici superflue, Et de tout point chez moi l’affaire est résolue. Au moins ne dites mot du choix de cet époux ; J’ai des raisons à faire approuver ma conduite, Et je connaîtrai bien si vous l’aurez instruite. …. |
Acte Ier Scène IX (extraits)
| Ariste
Chrysale
Ariste |
…. Certes, votre prudence est rare au dernier point ! N’avez-vous point de honte avec votre mollesse ? Et se peut-il qu’un homme ait assez de faiblesse Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu, Et n’oser attaquer ce qu’elle a résolu ? Mon Dieu, vous en parlez, mon frère, bien à l’aise, Et vous ne savez pas comme le bruit me pèse. J’aime fort le repos, la paix et la douceur, Et ma femme est terrible avecque son humeur. Du nom de philosophe elle fait grand mystère ; Mais elle n’en est pas pour cela moins colère ; Et sa morale, faite à mépriser le bien, Sur l’aigreur de sa bile opère comme rien. Pour peu que l’on s’oppose à ce que veut sa tête, On en a pour huit jours d’effroyable tempête. Elle me fait trembler dès qu’elle prend son ton ; Je ne sais où me mettre, et c’est un vrai dragon ; Et cependant, avec toute sa diablerie, Il faut que je l’appelle et « mon cœur » et « ma mie ». Allez, c’est se moquer. Votre femme, entre nous, Est par vos lâchetés souveraine sur vous. Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse, C’est de vous qu’elle prend le titre de maîtresse ; Vous-même à ses hauteurs vous vous abandonnez, Et vous faites mener en bête par le nez. Quoi ? vous ne pouvez pas, voyant comme on vous nomme, Vous résoudre une fois à vouloir être un homme ? A faire condescendre une femme à vos vœux, Et prendre assez de cœur pour dire un « Je le veux » ? Vous laisserez sans honte immoler votre fille Aux folles visions qui tiennent la famille, Et de tout votre bien revêtir un nigaud, Pour six mots de latin qu’il leur fait sonner haut, Un pédant qu’à tous coups votre femme apostrophe Du nom de bel esprit et de grand philosophe, D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala, Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela ? Allez, encore un coup c’est une moquerie, Et votre lâcheté mérite qu’on en rie. …. |
Acte Ier Scène I (extraits)
| Henriette
Armande Henriette Armande
Henriette
Armande Henriette |
…. Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,
Ma sœur… ? Ah ! mon Dieu ! fi ! Comment ? Ah ! fi ! vous dis-je. Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend, Un tel mot, à l’esprit, offre de dégoûtant ? De quelle étrange image on est par lui blessée ? Sur quelle sale vue il traîne la pensée ? N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ? Les suites de ce mot, quand je les envisage, Me font voir un mari, des enfants, un ménage ; Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, Qui blesse la pensée et fasse frissonner. De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ? Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire, Que d’attacher à soi, par le titre d’époux, Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous, Et de cette union, de tendresse suivie, Se faire les douceurs d’une innocente vie ? Ce nœud, bien assorti, n’a-t-il pas des appas ? …… |
Acte Ier Scène II (extraits)
| Armande
Henriette
Armande
Henriette |
…. Mais vous qui m’en parlez, où la (morale) pratiquez-vous,
De répondre à l’amour que l’on vous fait paraître Sans le congé de ceux qui vous ont donné l’être ? Sachez que le devoir vous soumet à leurs lois, Qu’il ne vous est permis d’aimer que par leur choix, Qu’ils ont sur votre cœur l’autorité suprême, Et qu’il est criminel d’en disposer vous-même. Je rends grâce aux bontés que vous me faites voir De m’enseigner si bien les choses du devoir ; Mon cœur sur vos leçons veut régler sa conduite ; Et pour vous faire voir, ma sœur, que j’en profite, Clitandre, prenez soin d’appuyer votre amour De l’agrément de ceux dont j’ai reçu le jour ; Faites-vous sur mes vœux un pouvoir légitime, Et me donnez moyen de vous aimer sans crime ? ….. Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine A vous imaginer que cela me chagrine. Moi, ma sœur, point du tout. Je sais que sur vos sens Les droits de la raison sont toujours tout-puissants ; Et que, par les leçons qu’on prend dans la sagesse, Vous êtes au-dessus d’une telle faiblesse. Loin de vous soupçonner d’un tel chagrin, je croi Qu’ici vous daignerez vous employer pour moi Appuyer sa demande, et de votre suffrage Presser l’heureux moment de notre mariage. …… |
Acte Ier Scène III (extraits)
| Henriette
Clitandre
Henriette
Clitandre
Henriette Clitandre |
…. Le plus sûr est de gagner ma mère :
Mon père est d’une humeur à consentir à tout, Mais il met peu de poids aux choses qu’il résout ; Il a reçu du Ciel certaine bonté d’âme Qui le soumet d’abord à ce que veut sa femme ; C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu. Je voudrais bien vous voir pour elle, et pour ma tante, Une âme, je l’avoue, un peu plus complaisante, Un esprit qui, flattant les visions du leur, Vous pût de leur estime attirer la chaleur. Mon cœur n’a jamais pu, tant il est né sincère, Même dans votre sœur flatter leur caractère, Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût. Je consens qu’une femme ait des clartés de tout ; Mais je ne lui veux point la passion choquante De se rendre savante afin d’être savante ; Et j’aime que souvent, aux questions qu’on fait, Elle sache ignorer les choses qu’elle sait ; De son étude enfin je veux qu’elle se cache Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache, Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots, Et clouer de l’esprit à ses moindres propos. Je respecte beaucoup Madame votre mère ; Mais je ne puis du tout approuver sa chimère, Et me rendre l’écho des choses qu’elle dit, Aux encens qu’elle donne à son héros d’esprit. Son Monsieur Trissotin me chagrine, m’assomme, Et j’enrage de voir qu’elle estime un tel homme, Qu’elle nous mette au rang des grands et beaux esprits Un benêt dont partout on siffle les écrits, Un pédant dont on voit la plume libérale D’officieux papiers fournir toute la halle. Ses écrits, ses discours, tout m’en semble ennuyeux, Et je me trouve assez votre goût et vos yeux ; Mais, comme sur ma mère il a grande puissance, Vous devez vous forcer à quelque complaisance. Un amant fait sa cour où s’attache son cœur, Il veut de tout le monde y gagner la faveur ; Et, pour n’avoir personne à sa flamme contraire, Jusqu’au chien du logis il s’efforce de plaire. Oui, vous avez raison ; mais Monsieur Trissotin M’inspire au fond de l’âme un dominant chagrin. Je ne puis consentir, pour gagner ses suffrages, A me déshonorer en prisant ses ouvrages ; C’est par eux qu’à mes yeux il a d’abord paru, Et je le connaissais avant que l’avoir vu. Je vis, dans le fatras des écrits qu’il nous donne, Ce qu’étale en tous lieux sa pédante personne ; La constante hauteur de sa présomption, Cette intrépidité de bonne opinion, Cet indolent état de confiance extrême Qui le rend en tout temps si content de soi-même, Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit, Qu’il ne sait si bon gré de tout ce qu’il écrit, Et qu’il ne voudrait pas changer sa renommée Contre tous les honneurs d’un général d’armée. C’est avoir de bons yeux que de voir tout cela. Jusques à sa figure encor la chose alla, Et je vis, par les vers qu’à la tête il nous jette, De quel air il fallait que fût fait le poète ; Et j’en avais si bien deviné tous les traits Que, rencontrant un homme un jour dans le Palais, Je gageai que c’était Trissotin en personne, Et je vis qu’en effet la gageure était bonne. ….. |
Acte Ier Scène IV (extraits)
| Bélise |
Ah ! tout beau, gardez-vous de m’ouvrir trop votre âme. Si je vous ai su mettre au rang de mes amants, Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements. Et ne m’expliquez point par un autre langage Des désirs qui chez moi passent pour un outrage ; Aimez-moi, soupirez, brûlez pour mes appas, Mais qu’il me soit permis de ne le savoir pas : Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes, Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes ! Mais si la bouche vient à s’en vouloir mêler, Pour jamais de ma vue il vous faut exiler. |
La petite feuille de hêtre..
Mais par sentir un feu pareil au mien.
Chapitre 12
Commentaires et conclusions
La présente étude a porté sur 629 couples mariés, soit 1258 personnes.
Ce nombre paraît suffisant pour asseoir solidement ses conclusions.
Ladite étude avait pour objet de vérifier la véracité des règles astrologiques affirmant l’influence prépondérante et la nécessité de l’existence de liaisons entre les planètes Vénus et Mars dans les rapports amoureux entre une femme et un homme.
1/Les résultats statistiques montrent qu’aucune influence prépondérante du couple Vénus-Mars ne peut être constatée.
Le couple Vénus-Mars (VénusF-MarsH et MarsF-VénusH) ne joue en effet aucun rôle principal, à peine un rôle secondaire, du fait de ses 5ème et 9ème positions en nombre d’aspects pour un orbe de 10° (3ème et 7ème positions pour un orbe de 5°), ces aspects étant eux-mêmes en nombres inférieurs à ceux des probabilités.
2/Les résultats statistiques ne font ressortir aucun élément qui pourrait induire une influence planétaire significative, soit du Soleil, ou de Mercure, ou de Vénus ou de Mars, dans le domaine de l’amour :
Les résultats sont « plats », les dépassements des probabilités étant trop faibles pour être signifiants
3/A l’exception des conjonctions MarsF-MarsH, VénusF-SoleilH et SoleilF-VénusH dont les dépassements moyens des probabilités de 35% à 50% interpellent.
Dont 110% pour un orbe de 1° pour MarsF-MarsH !
Ces trois conjonctions sortent du lot, et elles seules ; en quelque sorte il n’y a rien d’autre qu’elles.
Sont-elles dues au hasard, sont-elles une simple « anomalie » sans aucune signification compte tenu du reste de l’étude qui ne révèle rien, ou au contraire la preuve d’une « influence astrologique » ?
En admettant la deuxième hypothèse, comment pourraient-elles être interprétées par les Maîtres en Astrologie :
-pour MarsF-MarsH, au regard de la symbolique astrologique de Mars, peut-être ainsi : le pur désir sexuel, le désir primaire, l’instinct de reproduction prédominent dans la formation du couple Femme-Homme.
Cette interprétation ne pourrait pas vraiment surprendre ni choquer, en pouvant s’argumenter ainsi : les animaux– mammifères, oiseaux, poissons…- ne s’apparient-ils pas chaque saison nouvelle dans le seul but d’assouvir leurs désirs sexuels et de répondre à l’instinct de reproduction et de préservation de l’espèce ? Que les hommes, qui leur sont proches par l’évolution, obéissent aux mêmes règles et aux mêmes besoins, conscients et inconscients, qu’y aurait-il là de surprenant ?
-pour VénusF-SoleilH et SoleilF-VénusH, au regard de la symbolique de ces deux astres, peut-être ainsi : le sentiment, l’amour idéal de l’autre sont les moteurs du rapprochement de l’homme et de la femme dans le couple.
4/La prédominance dans les thèmes des couples des aspects réputés favorables (conjonctions, sextils, trigones) à leur bonne entente sur les aspects réputés défavorables (carrés, oppositions) n’est pas démontrée.
5/Les épouses nées le même jour ne présentent aucun comportement amoureux astrologique semblable.
En conclusion, la présente étude montre que les règles astrologiques à propos de l’amour sur :
-les influences du couple de planètes Vénus et Mars
-la prédominance des aspects dits « favorables »
ne sont pas démontrées,
et que d’une façon générale les dites règles n’ont statistiquement aucune réalité.
Reste toutefois une exception remarquable : les conjonctions MarsF-MarsH, VénusF-SoleilH et SoleilF-VénusH qui sont soit dues au hasard et sans signification, soit signifiantes d’une réalité astrologique.
Comme dit précédemment, il n’a été tenu compte dans cette étude que du Soleil, de Mercure, de Vénus et de Mars; elle est de ce fait incomplète ou partielle, ses conclusions également.
Une étude complémentaire est en cours sur la Lune et l’Ascendant.
CHAPITRE 11
Analyse des résultats
1/Nombre total d’aspects
1-1/Le total des aspects entre les thèmes des épouses et des époux pour chaque orbe de 0° à 10° ne donne que 7 cas sur 176 où le nombre total d’aspects dépasse les probabilités, soit 3.97%. :
-orbe 5° : SoleilF-SoleilH
-orbe 7° : MarsF-MarsH
-orbe 8° : MarsF-MarsH et SoleilF-VénusH
-orbe 9° : MarsF-MarsH et SoleilF-VénusH
-orbe 10° : MarsF-MarsH
Soit donc 169 cas sur 176 où le nombre total d’aspects est inférieur aux probabilités.
Quant aux 7 cas cités, le « meilleur » d’entre eux n’est supérieur aux probabilités que de 1.49%.
1-2/Comme dit précédemment, pour l’orbe maximum étudié, soit 10°, il n’y a que le couple de planètes MarsF-MarsH qui dépasse en nombre total d’aspects les probabilités, de 1.02% ; tous les autres couples de planètes ont un nombre total d’aspects inférieur aux probabilités.
2/Conjonctions, sextils, carrés, trigones et oppositions
2-1/Si on considère les résultats obtenus par chaque aspect sur l’ensemble des orbes de 0° à 10°, et sur l’ensemble des couples de planètes, seules les conjonctions sont en nombre supérieur aux probabilités 2 fois sur les 11 cas possibles (orbe 5° de 0.01% et orbe 8° de 0.03%); aucun autre aspect n’arrive à atteindre les probabilités.
2-2/Pour l’orbe maximum de 10°, deux couples de planètes VénusF-SoleilH et MarsF-MarsH atteignent un nombre de conjonctions très sensiblement supérieur à celui des probabilités, respectivement de 41.8% et de 39.1%.
Pour l’orbe de 5°, les conjonctions des deux mêmes couples de planètes atteignent 50.65% et 40.19% ; les conjonctions du couple de planète SoleilF-VénusH atteignent 34.96%
2-3/Les conjonctions, sextils et trigones, aspects supposés « positifs » ou « favorables », sont plus nombreux que les carrés et les oppositions, aspects supposés « négatifs » ou « défavorables », mais l’écart entre ces deux catégories est faible ; pour des orbes de 10° :
.seulement 5.4% entre les conjonctions et les oppositions
.seulement 10% entre les sextils et les carrés et 7.1% entre les trigones et les carrés
Pour les orbes de 5° et 10°, pris comme valeurs tests, le total des aspects « favorables » est inférieur aux probabilités.
3/Planètes Vénus et Mars
3-1/En nombre total d’aspects, et pour un orbe de 10°, le couple de planètes MarsF-VénusH arrive en 5ème position (3ème pour un orbe de 5°)
Et le couple de planètes VénusF-MarsH en 9ème position (7ème pour un orbe de 5°)
Quant au couple de planètes VénusF-VénusH, il se place 12ème (13ème pour un orbe de 5°)
La position de tête est tenue par le couple de planètes MarsF-MarsH, dépassant les probabilités de 1% environ (5ème position pour un orbe de 5°)
4/Paires de couples dont les épouses sont nées le même jour :
4-1/Le nombre des aspects semblables entre ces paires de couples est de 4.5% pour des orbes de 10° et tombent à 0.76% pour des orbes de 5°
5/Soleil dans les signes
5-1/Il n’est pas possible d’extraire des chiffres significatifs, compte tenu du nombre trop faible de couples par signe (de 40 à 70)
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 45 | |
| Epoux | 45 | |||
| Epoux | Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 6 | 13,3% |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 5 | 11,1% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 4 | 8,9% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 4 | 8,9% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 4 | 8,9% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 4 | 8,9% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 4 | 8,9% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 3 | 6,7% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 3 | 6,7% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 3 | 6,7% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 3 | 6,7% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 2 | 4,4% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 60 | |
| Epoux | 60 | |||
| Epoux | Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 11 | 18,3% |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 8 | 13,3% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 7 | 11,7% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 6 | 10,0% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 6 | 10,0% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 4 | 6,7% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 4 | 6,7% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 3 | 5,0% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 3 | 5,0% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 3 | 5,0% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 3 | 5,0% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 2 | 3,3% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 70 | |
| Epoux | 70 | |||
| Epoux | Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 9 | 12,9% |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 8 | 11,4% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 8 | 11,4% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 7 | 10,0% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 6 | 8,6% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 6 | 8,6% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 6 | 8,6% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 6 | 8,6% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 5 | 7,1% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 7,1% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 4 | 5,7% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 0 | 0,0% |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 46 | |
| Epoux | 46 | |||
| Epoux | Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 7 | 15,2% |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 7 | 15,2% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 5 | 10,9% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 5 | 10,9% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 10,9% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 4 | 8,7% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 4 | 8,7% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 3 | 6,5% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 3 | 6,5% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 2 | 4,3% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 1 | 2,2% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 0 | 0,0% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 43 | |
| Epoux | 43 | |||
| Epoux | Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 8 | 18,6% |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 6 | 14,0% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 3 | 7,0% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 1 | 2,3% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 40 | |
| Epoux | 40 | |||
| Epoux | Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 6 | 15,0% |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 6 | 15,0% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 5 | 12,5% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 5 | 12,5% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 3 | 7,5% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 3 | 7,5% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 3 | 7,5% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 3 | 7,5% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 2 | 5,0% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 2 | 5,0% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 1 | 2,5% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 1 | 2,5% |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 58 | |
| Epoux | 58 | |||
| Epoux | Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 9 | 15,5% |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 7 | 12,1% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 7 | 12,1% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 6 | 10,3% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 5 | 8,6% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 4 | 6,9% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 4 | 6,9% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 4 | 6,9% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 4 | 6,9% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 4 | 6,9% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 3 | 5,2% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 1 | 1,7% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 51 | |
| Epoux | 51 | |||
| Epoux | Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 8 | 15,7% |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 7 | 13,7% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 7 | 13,7% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 6 | 11,8% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 6 | 11,8% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 4 | 7,8% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 4 | 7,8% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 3 | 5,9% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 2 | 3,9% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 2 | 3,9% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 1 | 2,0% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 1 | 2,0% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 43 | |
| Epoux | 43 | |||
| Epoux | Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 7 | 16,3% |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 11,6% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 4 | 9,3% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 3 | 7,0% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 3 | 7,0% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 3 | 7,0% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 2 | 4,7% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 2 | 4,7% |
L’isolement (extraits)
Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici, gronde le fleuve aux vagues écumantes,
Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon….
….Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme, ni transports ;
Je contemple la terre, ainsi qu’une ombre errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : « Nulle part le bonheur ne m’attend. »
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme s’est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts ;
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire,
Je ne demande rien à l’immense univers…..
…Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
Le lac (extraits)
….Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus de la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos :
Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
Laissa tomber ces mots :
« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Assez de malheureux ici bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent,
Oubliez les heureux…..
…Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! »…..
……Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !
Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.
Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.
Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 56 | |
| Epoux | 56 | |||
| Epoux | Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 7 | 12,5% |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 7 | 12,5% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 6 | 10,7% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 6 | 10,7% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 6 | 10,7% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 5 | 8,9% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 8,9% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 4 | 7,1% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 3 | 5,4% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 3 | 5,4% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 3 | 5,4% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 1 | 1,8% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 54 | |
| Epoux | 54 | |||
| Epoux | Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 6 | 11,1% |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 5 | 9,3% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 4 | 7,4% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 4 | 7,4% | |
| Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 4 | 7,4% | |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 3 | 5,6% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 3 | 5,6% | |
| Nombre | % | |||
| Epouses | Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 63 | |
| Epoux | 63 | |||
| Epoux | Naissance en Lion | 23/07-22/08 | 11 | 17,5% |
| Naissance en Gémeaux | 21/05-21/06 | 10 | 15,9% | |
| Naissance en Bélier | 21/03-20/04 | 6 | 9,5% | |
| Naissance en Cancer | 22/06-22/07 | 6 | 9,5% | |
| Naissance en Poissons | 19/02-20/03 | 5 | 7,9% | |
| Naissance en Taureau | 21/04-20/05 | 4 | 6,3% | |
| Naissance en Balance | 23/09-22/10 | 4 | 6,3% | |
| Naissance en Capricorne | 21/12-19/01 | 4 | 6,3% | |
| Naissance en Verseau | 20/01-18/02 | 4 | 6,3% | |
| Naissance en Vierge | 23/08-22/09 | 3 | 4,8% | |
| Naissance en Scorpion | 23/10-21/11 | 3 | 4,8% | |
| Naissance en Sagittaire | 22/11-20/12 | 3 | 4,8% |
10 L’homme et son image (extraits)
Un homme qui s’aimoit sans avoir de rivaux
Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde.
Il accusoit toujours les miroirs d’être faux,
Vivant plus que content dans une erreur profonde.
Afin de le guérir, le sort officieux
Présentoit partout à ses yeux
Les conseillers muets dont se servent nos dames :
Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands,
Miroir aux poches des galands,
Miroir aux ceintures des femmes.
Que fait notre Narcisse ? Il se va confiner
Aux lieux les plus cachés qu’il peut imaginer,
N’osant plus des miroirs éprouver l’aventure.
Mais un canal, formé par une source pure,
Se trouve en ces lieux écartés :
Il s’y voit, il se fâche ; et ses yeux irrités
Pensent apercevoir une chimère vaine.
Il fait tout ce qu’il peut pour éviter cette eau ;
Mais quoi ? le canal est si beau
Qu’il ne le quitte qu’avec peine.
…..
11 Les voleurs et l’âne (extraits)
Pour un Ane enlevé deux Voleurs se battoient :
L’un vouloit le garder, l’autre le vouloit vendre.
Tandis que coups de poings trottoient,
Et que nos champions songeoient à se défendre,
Arrive un troisième larron
Qui saisit maitre Aliboron.
L’Ane, c’est quelquefois une pauvre province :
Les voleurs sont tel ou tel prince,
…….
12 Simonide préservé par les dieux (extraits)
On ne peut trop louer trois sortes de personnes :
Les Dieux, sa maîtresse, et son roi.
Malherbe le disoit ; j’y souscris, quant à moi :
Ce sont maximes toujours bonnes.
La louange chatouille et gagne les esprits :
Les faveurs d’une belle en sont souvent le prix.
Voyons comme les Dieux l’ont quelquefois payée.
Simonide avait entrepris
L’éloge d’un Athlète ; et la chose essayée,
Il trouva son sujet plein de récits tout nus.
Les parents de l’Athlète étoient gens inconnus ;
Son père, un bon bourgeois ; lui, sans mérite ;
Matière infertile et petite.
Le poète d’abord parla de son héros.
Après en avoir dit ce qu’il en pouvoit dire,
Il se jette à côté, se met sur le propos
De Castor et Pollux ; ne manque pas d’écrire
Que leur exemple étoit aux lutteurs glorieux ;
Elève leurs combats, spécifiant les lieux
Où ces frères s’étoient signalés davantage :
Enfin l’éloge de ces Dieux
Faisoit les deux tiers de l’ouvrage.
L’Athlète avait promis d’en payer un talent ;
Mais quand il le vit, le galand
N’en donna que le tiers ; et dit fort franchement
Que Castor et Pollux acquitassent le reste.
« Faites-vous contenter par ce couple céleste.
Je vous veux traiter cependant :
Venez souper chez moi ; nous ferons bonne vie :
Les conviés sont gens choisis,
Mes parents, mes meilleurs amis ;
Soyez donc de la compagnie. »
Simonide promit. Peut-être qu’il eut peur
De perdre, outre son dû, le gré de sa louange.
Il vient : l’on festine, l’on mange.
Chacun étant en belle humeur,
Un domestique accourt, l’avertit qu’à la porte
Deux hommes demandoient à le voir promptement.
Il sort de table ; et la cohorte
N’en perd pas un seul coup de dent.
Ces deux hommes étoient les gémeaux de l’éloge.
Tous deux lui rendent grâce ; et pour prix de ses vers,
Ils l’avertissent qu’il déloge,
Et que cette maison va tomber à l’envers.
La prédiction en fut vraie.
Un pilier manque ; et les plafonds,
Ne trouvant plus rien qui l’étaie,
Tombe sur le festin, brise plats et flacons,
N’en fait pas moins aux échansons.
Ce ne fut pas le pis ; car pour rendre complète
La vengeance due au poëte,
Une poutre cassa les jambes de l’Athlète,
Et renvoya les conviés
Pour la plupart estropiés.
La Renommée eut soin de publier l’affaire :
Chacun cria miracle. On doubla le salaire
Que méritaient les vers d’un homme aimé des Dieux.
…..
13 La mort et le malheureux
Un malheureux appeloit tous les jours
La Mort à son secours.
« O mort, lui disoit-il, que tu me sembles belle !
Viens vite, viens finir ma fortune cruelle. »
La Mort crut, en venant, l’obliger en effet.
Elle frappe à sa porte, elle entre, elle se montre.
« Que vois-je ? cria-t-il, ôtez-moi cet objet ;
Qu’il est hideux ! que sa rencontre
Me cause d’horreur et d’effroi !
N’approche pas, ô Mort ; ô Mort, retire-toi. »
Mécénas fut un galand homme ;
Il a dit quelque part : « Qu’on me rende impotent,
Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu’en somme
Je vive, c’est assez, je suis plus que content. »
Ne vient jamais, ô Mort ; on t’en dit tout autant.
14 La mort et le bûcheron
Un pauvre Bûcheron, tout couvert de ramée,
Sous le faix du fagot aussi bien que des ans
Gémissant et courbé, marchoit à pas pesants,
Et tâchoit de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin, n’en pouvant plus d’effort et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
« Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde ?
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ?
Point de pain quelquefois, et jamais de repos. »
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée
Lui font d’un malheureux la peinture achevée.
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu’il faut faire.
« C’est, dit-il, afin de m’aider
A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. »
Le trépas vient tout guérir ;
Mais ne bougeons d’où nous sommes :
Plutôt souffrir que mourir,
C’est la devise des hommes.
15 L’homme entre deux âges et ses deux maîtresses (extraits)
Un Homme de moyen âge,
Et tirant sur le grison,
Jugea qu’il étoit saison
De songer au mariage.
Il avoit du comptant,
Et partant
De quoi choisir ; toutes vouloient lui plaire :
En quoi notre amoureux ne se pressoit pas tant ;
Bien adresser n’est pas petite affaire.
Deux veuves sur son cœur eurent le plus de part :
L’une encore verte, et l’autre un peu bien mûre,
Mais qui réparoit par son art
Ce qu’avoit détruit la nature.
……
16 Le renard et la cicogne
Compère le Renard se mit un jour en frais,
Et retint à dîner commère la Cicogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d’apprêts :
Le galand, pour toute besogne,
Avoit un brouet clair ; il vivoit chichement.
Ce brouet fut par lui servi sur une assiette :
La Cicogne au long bec n’en put attraper miette ;
Et le drôle eut lapé le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie,
A quelque temps de là, la Cicogne le prie.
« Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis
Je ne fais point cérémonie. »
A l’heure dite, il courut au logis
De la Cicogne son hôtesse ;
Loua très fort la politesse ;
Trouva le dîner cuit à point :
Bon appétit surtout ; renards n’en manquent point.
Il se réjouissoit à l’odeur de la viande
Mise en menus morceaux, et qu’il croyoit friande.
On servit, pour l’embarrasser,
En un vase à long col et d’étroite embouchure.
Le bec de la Cicogne y pouvoit bien passer ;
Mais le museau du sire étoit d’autre mesure.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un renard qu’une poule auroit pris,
Serrant la queue, et portant bas l’oreille.
Trompeurs, c’est pour vous que j’écris :
Attendez-vous à la pareille.
17 L’enfant et le maître d’école
Un jeune Enfant dans l’eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
Le Ciel permit qu’un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu, le sauva.
S’étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d’école ;
L’Enfant lui crie : « Au secours ! je péris. »
Le Magister, se tournant à ses cris,
D’un ton fort grave à contre-temps s’avise
De le tancer : « Ah ! le petit babouin !
Voyez, dit-il, où l’a mis sa sottise !
Et puis, prenez de tels fripons le soin.
Que les parents sont malheureux qu’il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu’ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! »
Ayant tout dit, il mit l’Enfant à bord.
Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant
Se peut connoître au discours que j’avance.
Chacun des trois fait un peuple fort grand :
Le Créateur en a béni l’engeance.
En toute affaire ils ne font que songer
Aux moyens d’exercer leur langue.
Hé ! mon ami, tire-moi de danger,
Tu feras après ta harangue.
18 Les frelons et les mouches à miel
Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent :
Des Frelons les réclamèrent ;
Des Abeilles s’opposant,
Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.
Il étoit malaisé de décider la chose :
Les témoins déposoient qu’autour de ces rayons
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avoient longtemps paru. Mais quoi ? dans les Frelons
Ces enseignes étoient pareilles.
La Guêpe, ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle, et pour plus de lumière
Entendit une fourmilière.
Le point n’en put être éclairci.
« De grâce, à quoi bon tout ceci ?
Dit une Abeille fort prudente.
Depuis tantôt six mois que la cause est pendante,
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte.
Il est temps désormais que le juge se hâte :
N’a-t-il point assez léché l’ours ?
Sans tant de contredits, et d’interlocutoires,
Et de fatras, et de grimoires,
Travaillons, les Frelons et nous :
On verra qui sait faire, avec un suc si doux,
Des cellules si bien bâties. »
Le refus des Frelons fit voir
Que cet art passoit leur savoir ;
Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.
Plût à Dieu qu’on réglât ainsi tous les procès !
Que des Turcs en cela l’on suivît la méthode !
Le simple sens commun nous tiendroit lieu de code :
Il ne faudroit point tant de frais ;
Au lieu qu’on nous mange, on nous gruge,
On nous mine par des longueurs ;
On fait tant, à la fin, que l’huitre est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs.
19 Le chêne et le roseau
Le Chêne un jour dit au Roseau :
« Vous avez bien sujet à accuser la nature ;
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau ;
Le moindre vent, qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête,
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est aquilon, tout me semble zéphyr.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrois de l’orage ;
Mais vous naissez plus souvent
Sur les humides bords des royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste
-Votre compassion, lui répondit l’arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci :
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables ;
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courbé le dos ;
Mais attendons la fin. » Comme il disoit ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L’arbre tient bon, le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,
Et dont les pieds touchoient à l’empire des morts.
Orbes 5°
| Paires de couples (269) dont les épouses sont nées le même jour | ||||||
| Aspects | ayant 2 aspects * dissemblables | % | ayant 2 aspects ** semblables | % | TOTAL | % |
| SoleilF-SoleilH | 20 | 6,92% | 2 | 0,69% | 22 | 7,61% |
| MercureF-VénusH | 15 | 5,19% | 6 | 2,08% | 21 | 7,27% |
| MarsF-VénusH | 16 | 5,54% | 3 | 1,04% | 19 | 6,57% |
| VénusF-MercureH | 15 | 5,19% | 2 | 0,69% | 17 | 5,88% |
| MercureF-MercureH | 15 | 5,19% | 1 | 0,35% | 16 | 5,54% |
| MarsF-SoleilH | 13 | 4,50% | 2 | 0,69% | 15 | 5,19% |
| MercureF-MarsH | 11 | 3,81% | 3 | 1,04% | 14 | 4,84% |
| SoleilF-MarsH | 10 | 3,46% | 4 | 1,38% | 14 | 4,84% |
| MarsF-MarsH | 12 | 4,15% | 2 | 0,69% | 14 | 4,84% |
| SoleilF-VénusH | 13 | 4,50% | 1 | 0,35% | 14 | 4,84% |
| VénusF-SoleilH | 12 | 4,15% | 2 | 0,69% | 14 | 4,84% |
| VénusF-MarsH | 10 | 3,46% | 3 | 1,04% | 13 | 4,50% |
| VénusF-VénusH | 13 | 4,50% | 1 | 0,35% | 14 | 4,84% |
| MarsF-MercureH | 11 | 3,81% | 1 | 0,35% | 12 | 4,15% |
| MercureF-SoleilH | 11 | 3,81% | 0 | 0,00% | 11 | 3,81% |
| SoleilF-MercureH | 7 | 2,42% | 2 | 0,69% | 9 | 3,11% |
| TOTAL | 204 | 4,41% | 35 | 0,76% | 239 | 5,17% |
*par exemple: le 1er couple ayant un trigone et le 2ème un sextil
**par exemple: les 2 couples ayant chacun un carré
Orbe 10°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Trigone | Total |
| Probabilités | 5,83% | 11,67% | 11,67% | 29,17% |
| MarsF-MarsH | 51 8,11% | 71 11,29% | 87 13,83% | 209 33,23% |
| SoleilF-MarsH | 27 4,29% | 86 13,67% | 84 13,35% | 197 31,32% |
| VénusF-SoleilH | 52 8,27% | 67 10,65% | 74 11,76% | 193 30,68% |
| SoleilF-SoleilH | 37 5,88% | 77 12,24% | 74 11,76% | 188 29,89% |
| SoleilF-MercureH | 36 5,72% | 81 12,88% | 71 11,29% | 188 29,89% |
| SoleilF-VénusH | 38 6,04% | 80 12,72% | 69 10,97% | 187 29,73% |
| MarsF-MercureH | 40 6,36% | 74 11,76% | 71 11,29% | 185 29,41% |
| MarsF-SoleilH | 38 6,04% | 73 11,61% | 68 10,81% | 179 28,46% |
| MarsF-VénusH | 26 4,13% | 76 12,08% | 74 11,76% | 176 27,98% |
| MercureF-MarsH | 37 5,88% | 60 9,54% | 78 12,40% | 175 27,82% |
| VénusF-MarsH | 34 5,41% | 70 11,13% | 69 10,97% | 173 27,50% |
| VénusF-MercureH | 29 4,61% | 62 9,86% | 70 11,13% | 161 25,60% |
| MercureF-SoleilH | 38 6,04% | 70 11,13% | 53 8,43% | 161 25,60% |
| MercureF-MercureH | 34 5,41% | 70 11,13% | 55 8,74% | 159 25,28% |
| MercureF-VénusH | 23 3,66% | 71 11,29% | 64 10,17% | 158 25,12% |
| VénusF-VénusH | 43 6,84% | 56 8,90% | 53 8,43% | 152 24,17% |
| TOTAL | 583 5,79% | 1144 11,37% | 1114 11,07% | 2841 28,23% |
Orbe 5°
| Aspect | Conjonction | Sextil | Trigone | Total | % |
| Probabilités | 3,06% | 6,11% | 6,11% | 15,28% | |
| SoleilF-SoleilH | 21 3,34% | 41 6,52% | 40 6,36% | 102 | 16,22% |
| MarsF-MarsH | 27 4,29% | 27 4,29% | 43 6,84% | 97 | 15,42% |
| SoleilF-VénusH | 26 4,13% | 42 6,68% | 28 4,45% | 96 | 15,26% |
| MarsF-VénusH | 16 2,54% | 38 6,04% | 41 6,52% | 95 | 15,10% |
| MarsF-SoleilH | 20 3,18% | 38 6,04% | 35 5,56% | 93 | 14,79% |
| VénusF-SoleilH | 29 4,61% | 34 5,41% | 29 4,61% | 92 | 14,63% |
| SoleilF-MarsH | 16 2,54% | 36 5,72% | 40 6,36% | 92 | 14,63% |
| MercureF-MarsH | 19 3,02% | 35 5,56% | 37 5,88% | 91 | 14,47% |
| SoleilF-MercureH | 22 3,50% | 40 6,36% | 28 4,45% | 90 | 14,31% |
| MercureF-MercureH | 22 3,50% | 32 5,08% | 32 5,09% | 86 | 13,67% |
| VénusF-MarsH | 15 2,38% | 36 5,72% | 29 4,61% | 80 | 12,72% |
| MercureF-VénusH | 13 2,07% | 34 5,41% | 32 5,09% | 79 | 12,56% |
| VénusF-MercureH | 13 2,07% | 28 4,45% | 37 5,88% | 78 | 12,40% |
| MarsF-MercureH | 17 2,70% | 31 4,93% | 29 4,61% | 77 | 12,24% |
| VénusF-VénusH | 20 3,18% | 31 4,93% | 24 3,82% | 75 | 11,92% |
| MercureF-SoleilH | 13 2,07% | 35 5,56% | 21 3,34% | 69 | 10,97% |
| TOTAL | 309 3,07% | 558 5,54% | 525 5,22% | 1392 | 13,83% |
Orbe 10°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 5,83% | 11,67% | 11,67% | 11,67% | 5,83% | 46,67% |
| MarsF-MarsH | 51 8,11% | 71 11,29% | 65 10,33% | 87 13,83% | 26 4,13% | 300 47,69% |
| SoleilF-VénusH | 38 6,04% | 80 12,72% | 65 10,33% | 69 10,97% | 40 6,36% | 292 46,42% |
| SoleilF-MarsH | 27 4,29% | 86 13,67% | 50 7,95% | 84 13,35% | 42 6,68% | 289 45,95% |
| VénusF-SoleilH | 52 8,27% | 67 10,65% | 64 10,17% | 74 11,76% | 29 4,61% | 286 45,47% |
| SoleilF-SoleilH | 37 5,88% | 77 12,24% | 64 10,17% | 74 11,76% | 33 5,25% | 285 45,31% |
| MarsF-VénusH | 26 4,13% | 76 12,08% | 77 12,24% | 74 11,76% | 32 5,09% | 285 45,31% |
| VénusF-MercureH | 29 4,61% | 62 9,86% | 83 13,20% | 70 11,13% | 41 6,52% | 285 45,31% |
| MarsF-MercureH | 40 6,36% | 74 11,76% | 58 9,22% | 71 11,29% | 39 6,20% | 282 44,83% |
| VénusF-MarsH | 34 5,41% | 70 11,13% | 76 12,08% | 69 10,97% | 32 5,09% | 281 44,67% |
| SoleilF-MercureH | 36 5,72% | 81 12,88% | 57 9,06% | 71 11,29% | 33 5,25% | 278 44,20% |
| VénusF-VénusH | 43 6,84% | 56 8,90% | 79 12,56% | 53 8,43% | 40 6,36% | 271 43,08% |
| MercureF-VénusH | 23 3,66% | 71 11,29% | 72 11,45% | 64 10,17% | 39 6,20% | 269 42,77% |
| MercureF-SoleilH | 38 6,04% | 70 11,13% | 62 9,86% | 53 8,43% | 39 6,20% | 262 41,65% |
| MarsF-SoleilH | 38 6,04% | 73 11,61% | 55 8,74% | 68 10,81% | 25 3,97% | 259 41,18% |
| MercureF-MarsH | 37 5,88% | 60 9,54% | 55 8,74% | 78 12,40% | 27 4,29% | 257 40,86% |
| MercureF-MercureH | 34 5,41% | 70 11,13% | 58 9,22% | 55 8,74% | 36 5,72% | 253 40,22% |
| TOTAL | 583 5,79% | 1144 11,37% | 1040 10,33% | 1114 11,07% | 553 5,49% | 4434 44,06% |
Orbe 9°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 5,28% | 10,56% | 10,56% | 10,56% | 5,28% | 42,22% |
| MarsF-MarsH | 47 7,47% | 63 10,02% | 55 8,74% | 80 12,72% | 25 3,97% | 270 42,93% |
| SoleilF-VénusH | 33 5,25% | 76 12,08% | 56 8,90% | 65 10,33% | 36 5,72% | 266 42,29% |
| VénusF-SoleilH | 50 7,95% | 60 9,54% | 60 9,54% | 64 10,17% | 27 4,29% | 261 41,49% |
| SoleilF-SoleilH | 33 5,25% | 66 10,49% | 61 9,70% | 69 10,97% | 30 4,77% | 259 41,18% |
| VénusF-MercureH | 24 3,82% | 56 8,90% | 76 12,08% | 60 9,54% | 39 6,20% | 255 40,54% |
| VénusF-MarsH | 29 4,61% | 61 9,70% | 70 11,13% | 63 10,02% | 30 4,77% | 253 40,22% |
| MarsF-MercureH | 38 6,04% | 65 10,33% | 52 8,27% | 62 9,86% | 36 5,72% | 253 40,22% |
| SoleilF-MarsH | 24 3,82% | 75 11,92% | 42 6,68% | 77 12,24% | 35 5,56% | 253 40,22% |
| MarsF-VénusH | 26 4,13% | 67 10,65% | 66 10,49% | 64 10,17% | 27 4,29% | 250 39,75% |
| SoleilF-MercureH | 32 5,09% | 73 11,61% | 48 7,63% | 65 10,33% | 28 4,45% | 246 39,11% |
| MercureF-VénusH | 22 3,50% | 63 10,02% | 65 10,33% | 54 8,59% | 37 5,88% | 241 38,31% |
| VénusF-VénusH | 37 5,88% | 50 7,95% | 71 11,29% | 47 7,47% | 35 5,56% | 240 38,16% |
| MercureF-SoleilH | 32 5,09% | 63 10,02% | 56 8,90% | 46 7,31% | 37 5,88% | 234 37,20% |
| MarsF-SoleilH | 33 5,25% | 63 10,02% | 51 8,11% | 64 10,17% | 22 3,50% | 233 37,04% |
| MercureF-MarsH | 31 4,93% | 56 8,90% | 51 8,11% | 70 11,13% | 24 3,82% | 232 36,88% |
| MercureF-MercureH | 33 5,25% | 59 9,38% | 50 7,95% | 52 8,27% | 34 5,41% | 228 36,25% |
| TOTAL | 524 5,21% | 1016 10,10% | 930 9,24% | 1002 9,96% | 502 4,99% | 3974 39,49% |
Orbe 8°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 4,72% | 9,44% | 9,44% | 9,44% | 4,72% | 37,78% |
| MarsF-MarsH | 44 7,00% | 58 9,22% | 51 8,11% | 73 11,61% | 21 3,34% | 247 39,27% |
| SoleilF-VénusH | 32 5,09% | 70 11,13% | 51 8,11% | 55 8,74% | 29 4,61% | 237 37,68% |
| SoleilF-SoleilH | 29 4,61% | 59 9,38% | 56 8,90% | 65 10,33% | 26 4,13% | 235 37,36% |
| VénusF-MercureH | 23 3,66% | 50 7,95% | 70 11,13% | 54 8,59% | 34 5,41% | 231 36,72% |
| VénusF-MarsH | 26 4,13% | 57 9,06% | 66 10,49% | 53 8,43% | 27 4,29% | 229 36,41% |
| MarsF-VénusH | 22 3,50% | 61 9,70% | 60 9,54% | 59 9,38% | 26 4,13% | 228 36,25% |
| MarsF-MercureH | 34 5,41% | 58 9,22% | 45 7,15% | 55 8,74% | 35 5,56% | 227 36,09% |
| SoleilF-MarsH | 21 3,34% | 65 10,33% | 36 5,72% | 71 11,29% | 33 5,25% | 226 35,93% |
| VénusF-SoleilH | 43 6,84% | 47 7,47% | 53 8,43% | 54 8,59% | 25 3,97% | 222 35,29% |
| MercureF-VénusH | 22 3,50% | 53 8,43% | 59 9,38% | 47 7,47% | 37 5,88% | 218 34,66% |
| VénusF-VénusH | 32 5,09% | 45 7,15% | 63 10,02% | 44 7,00% | 29 4,61% | 213 33,86% |
| SoleilF-MercureH | 30 4,77% | 68 10,81% | 38 6,04% | 51 8,11% | 24 3,82% | 211 33,55% |
| MarsF-SoleilH | 31 4,93% | 54 8,59% | 44 7,00% | 58 9,22% | 21 3,34% | 208 33,07% |
| MercureF-MarsH | 27 4,29% | 50 7,95% | 44 7,00% | 65 10,33% | 22 3,50% | 208 33,07% |
| MercureF-MercureH | 32 5,09% | 53 8,43% | 47 7,47% | 45 7,15% | 29 4,61% | 206 32,75% |
| MercureF-SoleilH | 30 4,77% | 55 8,74% | 50 7,95% | 37 5,88% | 33 5,25% | 205 32,59% |
| TOTAL | 478 4,75% | 903 8,97% | 833 8,28% | 886 8,80% | 451 4,48% | 3551 35,28% |
Orbe 7°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 4,17% | 8,33% | 8,33% | 8,33% | 4,17% | 33,33% |
| MarsF-MarsH | 38 6,04% | 49 7,79% | 44 7,00% | 63 10,02% | 17 2,70% | 211 33,55% |
| SoleilF-SoleilH | 25 3,97% | 53 8,43% | 49 7,79% | 57 9,06% | 24 3,82% | 208 33,07% |
| VénusF-MarsH | 23 3,66% | 55 8,74% | 61 9,70% | 42 6,68% | 24 3,82% | 205 32,59% |
| SoleilF-VénusH | 31 4,93% | 60 9,54% | 41 6,52% | 47 7,47% | 25 3,97% | 204 32,43% |
| VénusF-MercureH | 21 3,34% | 42 6,68% | 62 9,86% | 47 7,47% | 31 4,93% | 203 32,27% |
| MarsF-VénusH | 21 3,34% | 54 8,59% | 50 795% | 53 8,43% | 22 3,50% | 200 31,80% |
| SoleilF-MarsH | 21 3,34% | 51 8,11% | 33 5,25% | 62 9,86% | 31 4,93% | 198 31,48% |
| MarsF-MercureH | 27 4,29% | 50 7,95% | 37 5,88% | 47 7,47% | 34 5,41% | 195 31,00% |
| VénusF-SoleilH | 41 6,52% | 39 6,20% | 43 6,84% | 48 7,63% | 22 3,50% | 193 30,68% |
| MercureF-MarsH | 21 3,34% | 47 7,47% | 38 6,04% | 59 9,38% | 20 3,18% | 185 29,41% |
| MercureF-VénusH | 20 3,18% | 40 6,36% | 51 8,11% | 41 6,52% | 31 4,93% | 183 29,09% |
| MercureF-SoleilH | 25 3,97% | 48 7,63% | 44 7,00% | 31 4,93% | 31 4,93% | 179 28,46% |
| VénusF-VénusH | 24 3,82% | 37 5,8% | 49 7,79% | 41 6,52% | 27 4,29% | 178 28,30% |
| SoleilF-MercureH | 28 4,45% | 58 9,22% | 31 4,93% | 41 6,52% | 19 3,02% | 177 28,14% |
| MarsF-SoleilH | 26 4,13% | 47 7,47% | 37 5,88% | 50 7,95% | 16 2,54% | 176 27,98% |
| MercureF-MercureH | 24 3,82% | 46 7,31% | 38 6,04% | 40 6,36% | 26 4,13% | 174 27,66% |
| TOTAL | 416 4,13% | 776 7,71% | 708 7,03% | 769 7,64% | 400 3,97% | 3069 30,49% |
01 La Cigale et la Fourmi
La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelques grains pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’oût, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ? »
Dit-elle à cette emprunteuse.
« Nuit et jour à tout venant
Je chantois, ne vous déplaise. »
« Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Eh bien ! dansez maintenant. »
02 Le Corbeau et le Renard
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenoit en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli, que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le Corbeau ne se sens pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendroit plus.
03 La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf
Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n’étoit pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s’étend, et s’enfle, et se travaille,
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : « Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi : n’y suis-je point encore ?
-Nenni.-M’y voici donc ?- Point du tout- M’y voilà ?
-Vous n’en approchez point. » La chétive pécore
S’enfla si bien qu’elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages ;
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
04 Le Loup et le Chien
Un Loup n’avoit que les os et la peau,
Tant les chiens faisoient bonne garde.
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s’étoit fourvoyé par mégarde.
L’attaquer, le mettre en quartiers,
Sire Loup l’eût fait volontiers ;
Mais il falloit livrer bataille,
Et le mâtin étoit de taille
A se défendre hardiment.
Le Loup donc l’aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu’il admire.
« Il ne tiendra qu’à vous beau sire,
D’être aussi gras que moi,» lui repartit le Chien.
« Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,
Dont la condition est de mourir de faim.
Car quoi ? rien d’assuré : point de franche lippée ;
Tout à la pointe de l’épée.
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
Le Loup reprit : » Que me faudra-t-il faire ? »
« Presque rien, » dit le Chien « donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants ;
Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons,
Sans parler de maintes caresses. »
Le Loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse.
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
« Qu’est-ce là ? » lui dit-il « Rien » « Quoi ? rien ? » « Peu de chose »
« Mais encor ? » « Le collier dont je suis attaché
De ce que vous voyez est peut-être la cause. »
« Attaché ? » dit le Loup « Vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? » « Pas toujours ; mais qu’importe ? »
« Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor. »
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.
05 La Génisse, la Chèvre, et la Brebis, en société avec le Lion
La Génisse, la Chèvre, et leur sœur la Brebis,
Avec un fier Lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la Chèvre un cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le Lion par ses ongles compta,
Et dit : « Nous sommes quatre à partager la proie. »
Puis en autant de parts le cerf il dépeça ;
Prit pour lui la première en qualité de Sire :
« Elle doit être à moi, dit-il ; et la raison,
C’est que je m’appelle Lion :
A cela l’on n’a rien à dire.
La seconde, par droit, me doit échoir encor :
Ce droit, vous le savez, c’est le droit du plus fort.
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu’une de vous touche à la quatrième,
Je l’étranglerai tout d’abord. »
06 La besace (extraits)
…. « Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause.
Voyez ces animaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres.
Êtes-vous satisfait ? » « Moi ? dit-il ; pourquoi non ?
N’ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ?
Mon portrait jusqu’ici ne m’a rien reproché ;
Mais pour mon frère l’Ours, on ne l’a qu’ébauché :
Jamais, s’il me veut croire, il ne se fera peindre. »
L’Ours venant là-dessus, on crut qu’il s’alloit plaindre.
Tant s’en faut : de sa forme il se loua très fort ;
Glosa sur l’Eléphant, dit qu’on pourroit encor
Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ;
Que c’étoit une masse informe et sans beauté.
L’Eléphant étant écouté,
Tout sage qu’il étoit, dit des choses pareilles :
Il jugea qu’à son appétit
Dame Baleine étoit trop grosse.
Dame Fourmi trouva le Ciron trop petit,
Se croyant, pour elle, un colosse……
07 L’Hirondelle et les Petits Oiseaux (extraits)
Une Hirondelle en ses voyages
Avoit beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
Peut avoir beaucoup retenu.
Celle-ci prévoyait jusqu’aux moindres orages,
Et devant qu’ils fussent éclos,
Les annonçoit aux matelots.
Il arriva qu’au temps que le chanvre se sème,
Elle vit un manant en couvrir mains sillons.
« Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons :
Je vous plains : car pour moi, dans ce péril extrême,
Je saurai m’éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine ?
Un jour viendra, qui n’est pas loin,
Que ce qu’elle répand sera votre ruine.
De là naîtront engins à vous envelopper,
Et lacets pour vous attraper,
Enfin mainte et mainte machine
Qui causera dans la saison
Votre mort ou votre prison :
Gare la cage ou le chaudron !
C’est pourquoi, leur dit l’Hirondelle,
Mangez ce grain ; et croyez-moi. »
Les Oiseaux se moquèrent d’elle…….
08 Le Rat de ville et le Rat des champs
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête :
Rien ne manquoit au festin ;
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étoient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
« Achevons tout notre rôt. »
« C’est assez » dit le rustique ;
« Demain vous viendrez chez moi.
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre ! »
09 Le Loup et l’Agneau
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l’allons montrer tout à l’heure
Un agneau se désaltéroit
Dans le courant d’une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchoit aventure,
Et que la faim en ces lieux attiroit.
« Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? »
Dit cet animal plein de rage :
« Tu seras châtié de ta témérité. »
« Sire » répond l’Agneau «que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson. »
« Tu la troubles » reprit cette bête cruelle ;
« Et je sais que de moi tu médis l’an passé. »
« Comment l’aurois-je fait si je n’étois pas né ? »
Reprit l’Agneau ; « je tette encor ma mère. »
« Si ce n’est toi, c’est donc ton frère. »
« Je n’en ai point. » « C’est donc quelqu’un des tiens ;
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge. »
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l’emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
Orbe 6°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 3,61% | 7,22% | 7,22% | 7,22% | 3,61% | 28,89% |
| SoleilF-SoleilH | 21 3,34% | 49 7,79% | 44 7,00% | 43 6,84% | 23 3,66% | 180 28,62% |
| VénusF-MercureH | 17 2,70% | 35 5,56% | 56 8,90% | 41 6,52% | 26 4,13% | 175 27,82% |
| MarsF-VénusH | 21 3,34% | 46 7,31% | 44 7,00% | 44 7,00% | 19 3,02% | 174 27,66% |
| SoleilF-MarsH | 18 2,86% | 44 7,00% | 29 4,61% | 55 8,74% | 27 4,29% | 173 27,50% |
| MarsF-MarsH | 33 5,25% | 38 6,04% | 37 5,88% | 50 7,95% | 14 2,23% | 172 27,34% |
| VénusF-MarsH | 20 3,18% | 42 6,68% | 48 7,63% | 37 5,88% | 23 3,66% | 170 27,03% |
| MercureF-VénusH | 17 2,70% | 39 6,20% | 47 7,47% | 39 6,20% | 27 4,29% | 169 26,87% |
| SoleilF-VénusH | 28 4,45% | 51 8,11% | 37 5,88% | 31 4,93% | 22 3,50% | 169 26,87% |
| VénusF-SoleilH | 38 6,04% | 37 5,88% | 35 5,56% | 39 6,20% | 17 2,70% | 166 26,39% |
| MarsF-MercureH | 20 3,18% | 43 6,84% | 31 4,93% | 41 6,52% | 26 4,13% | 161 25,60% |
| MarsF-SoleilH | 23 3,66% | 42 6,68% | 34 5,41% | 45 7,15% | 14 2,23% | 158 25,12% |
| MercureF-MarsH | 20 3,18% | 38 6,04% | 37 5,88% | 44 7,00% | 15 2,38% | 154 24,48% |
| VénusF-VénusH | 21 3,34% | 35 5,56% | 42 6,68% | 31 4,93% | 22 3,50% | 151 24,01% |
| MercureF-SoleilH | 18 2,86% | 42 6,68% | 38 6,04% | 27 4,29% | 26 4,13% | 151 24,01% |
| MercureF-MercureH | 23 3,66% | 39 6,20% | 31 4,93% | 35 5,56% | 21 3,34% | 149 23,69% |
| SoleilF-MercureH | 23 3,66% | 50 7,95% | 28 4,45% | 32 5,09% | 16 2,54% | 149 23,69% |
| TOTAL | 361 3,59% | 670 6,66% | 618 6,14% | 634 6,30% | 338 3,36% | 2621 26,04% |
Orbe 5°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 3,06% | 6,11% | 6,11% | 6,11% | 3,06% | 24,44% |
| SoleilF-SoleilH | 21 3,34% | 41 6,52% | 34 5,41% | 40 6,36% | 21 3,34% | 157 24,96% |
| VénusF-MercureH | 13 2,07% | 28 4,45% | 50 7,95% | 37 5,88% | 23 3,66% | 151 24,01% |
| MarsF-VénusH | 16 2,54% | 38 6,04% | 36 5,72% | 41 6,52% | 16 2,54% | 147 23,37% |
| MercureF-VénusH | 13 2,07% | 34 5,41% | 41 6,52% | 32 5,09% | 23 3,66% | 143 22,73% |
| MarsF-MarsH | 27 4,29% | 27 4,29% | 32 5,09% | 43 6,84% | 13 2,07% | 142 22,58% |
| SoleilF-VénusH | 26 4,13% | 42 6,68% | 29 4,61% | 28 4,45% | 16 2,54% | 141 22,42% |
| VénusF-MarsH | 15 2,38% | 36 5,72% | 39 6,20% | 29 4,61% | 19 3,02% | 138 21,94% |
| VénusF-SoleilH | 29 4,61% | 34 5,41% | 31 4,93% | 29 4,61% | 15 2,38% | 138 21,94% |
| MarsF-SoleilH | 20 3,18% | 38 6,04% | 32 5,09% | 35 5,56% | 11 1,75% | 136 21,62% |
| MercureF-MarsH | 19 3,02% | 35 5,56% | 31 4,93% | 37 5,88% | 11 1,75% | 133 21,14% |
| SoleilF-MarsH | 16 2,54% | 36 5,72% | 24 3,82% | 40 6,36% | 15 2,38% | 131 20,83% |
| VénusF-VénusH | 20 3,18% | 31 4,93% | 34 5,41% | 24 3,82% | 20 3,18% | 129 20,51% |
| MercureF-MercureH | 22 3,50% | 32 5,09% | 23 3,66% | 32 5,09% | 19 3,02% | 128 20,35% |
| SoleilF-MercureH | 22 3,50% | 40 6,36% | 23 3,66% | 28 4,45% | 14 2,23% | 127 20,19% |
| MercureF-SoleilH | 13 2,07% | 35 5,56% | 33 5,25% | 21 3,34% | 23 3,66% | 125 19,87% |
| MarsF-MercureH | 17 2,70% | 31 4,93% | 25 3,97% | 29 4,61% | 22 3,50% | 124 19,71% |
| TOTAL | 309 3,07% | 558 5,54% | 517 5,14% | 525 5,22% | 281 2,79% | 2190 21,76% |
Orbe 4°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 2,50% | 5% | 5% | 5% | 2,50% | 20% |
| MarsF-VénusH | 14 2,23% | 30 4,77% | 31 4,93% | 34 5,41% | 12 1,91% | 121 19,24% |
| SoleilF-SoleilH | 16 2,54% | 32 5,09% | 24 3,82% | 32 5,09% | 16 2,54% | 120 19,08% |
| MarsF-MarsH | 21 3,34% | 23 3,66% | 28 4,45% | 35 5,56% | 10 1,59% | 117 18,60% |
| VénusF-MercureH | 13 2,07% | 20 3,18% | 42 6,68% | 26 4,13% | 16 2,54% | 117 18,60% |
| MercureF-VénusH | 12 1,91% | 29 4,61% | 30 4,77% | 24 3,82% | 19 3,02% | 114 18,12% |
| VénusF-MarsH | 9 1,43% | 33 5,25% | 28 4,45% | 27 4,29% | 16 2,54% | 113 17,97% |
| SoleilF-VénusH | 20 3,18% | 33 5,25% | 25 3,97% | 19 3,02% | 15 2,38% | 112 17,81% |
| MercureF-MercureH | 20 3,18% | 29 4,61% | 17 2,70% | 27 4,29% | 16 2,54% | 109 17,33% |
| VénusF-VénusH | 16 2,54% | 24 3,82% | 32 5,09% | 20 3,18% | 17 2,70% | 109 17,33% |
| MercureF-MarsH | 14 2,23% | 28 4,45% | 27 4,29% | 29 4,61% | 9 1,43% | 107 17,01% |
| MarsF-SoleilH | 18 2,86% | 28 4,45% | 28 4,45% | 25 3,97% | 7 1,11% | 106 16,85% |
| VénusF-SoleilH | 21 3,34% | 26 4,13% | 23 3,66% | 20 3,18% | 14 2,23% | 104 16,53% |
| MercureF-SoleilH | 12 1,91% | 24 3,82% | 27 4,29% | 19 3,02% | 21 3,34% | 103 16,38% |
| SoleilF-MercureH | 17 2,70% | 33 5,25% | 20 3,18% | 20 3,18% | 11 1,75% | 101 16,06% |
| SoleilF-MarsH | 15 2,38% | 27 4,29% | 17 2,70% | 28 4,45% | 13 2,07% | 100 15,90% |
| MarsF-MercureH | 12 1,91% | 22 3,50% | 19 3,02% | 24 3,82% | 20 3,18% | 097 15,42% |
| TOTAL | 250 2,48% | 441 4,38% | 418 4,15% | 409 4,06% | 232 2,31% | 1750 17,39% |
Orbe 3°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 1,94% | 3,89% | 3,89% | 3,89% | 1,94% | 15,56% |
| MarsF-MarsH | 16 2,54% | 17 2,70% | 23 3,66% | 29 4,61% | 9 1,43% | 94 14,94% |
| MarsF-VénusH | 10 1,59% | 26 4,13% | 22 3,50% | 24 3,82% | 9 1,43% | 91 14,47% |
| SoleilF-SoleilH | 13 2,07% | 25 3,97% | 21 3,34% | 20 3,18% | 12 1,91% | 91 14,47% |
| VénusF-MercureH | 8 1,27% | 15 2,38% | 31 4,93% | 22 3,50% | 14 2,23% | 90 14,31% |
| VénusF-MarsH | 7 1,11% | 23 3,66% | 22 3,50% | 21 3,34% | 13 2,07% | 86 13,67% |
| MarsF-SoleilH | 11 1,75% | 24 3,82% | 23 3,66% | 18 2,86% | 5 0,79% | 81 12,88% |
| MercureF-MercureH | 15 2,38% | 24 3,82% | 14 2,23% | 15 2,38% | 12 1,91% | 80 12,72% |
| VénusF-VénusH | 13 2,07% | 20 3,18% | 21 3,34% | 13 2,07% | 13 2,07% | 80 12,72% |
| SoleilF-VénusH | 11 1,75% | 23 3,66% | 16 2,54% | 16 2,54% | 13 2,07% | 79 12,56% |
| SoleilF-MarsH | 13 2,07% | 22 3,50% | 11 1,75% | 21 3,34% | 11 1,75% | 78 12,40% |
| VénusF-SoleilH | 15 2,38% | 22 3,50% | 18 2,86% | 12 1,91% | 11 1,75% | 78 12,40% |
| MercureF-VénusH | 7 1,11% | 21 3,34% | 18 2,86% | 16 2,54% | 12 1,91% | 74 11,76% |
| SoleilF-MercureH | 11 1,75% | 21 3,34% | 16 2,54% | 15 2,38% | 10 1,59% | 73 11,61% |
| MercureF-SoleilH | 6 0,95% | 15 2,38% | 21 3,34% | 14 2,23% | 16 2,54% | 72 11,45% |
| MarsF-MercureH | 8 1,27% | 15 2,38% | 15 2,38% | 18 2,86% | 16 2,54% | 72 11,45% |
| MercureF-MarsH | 9 1,43% | 21 3,34% | 18 2,86% | 18 2,86% | 5 0,79% | 71 11,29% |
| TOTAL | 173 1,72% | 334 3,32% | 310 3,08% | 292 2,90% | 181 1,80% | 1290 12,82% |
Orbe 2°
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 1,39% | 2,78% | 2,78% | 2,78% | 1,39% | 11,11% |
| MarsF-MarsH | 12 1,91% | 10 1,59% | 16 2,54% | 20 3,18% | 7 1,11% | 65 10,33% |
| MarsF-VénusH | 6 0,95% | 17 2,70% | 18 2,86% | 14 2,23% | 8 1,27% | 63 10,02% |
| VénusF-MercureH | 5 0,79% | 14 2,23% | 24 3,82% | 11 1,75% | 7 1,11% | 61 9,70% |
| MercureF-MercureH | 9 1,43% | 17 2,70% | 11 1,75% | 12 1,91% | 10 1,59% | 59 9,38% |
| SoleilF-SoleilH | 11 1,75% | 16 2,54% | 13 2,07% | 14 2,23% | 4 0,64% | 58 9,22% |
| SoleilF-VénusH | 7 1,11% | 15 2,38% | 11 1,75% | 13 2,07% | 10 1,59% | 56 8,90% |
| MarsF-SoleilH | 8 1,27% | 16 2,54% | 16 2,54% | 12 1,91% | 3 0,48% | 55 8,74% |
| VénusF-MarsH | 2 0,32% | 13 2,07% | 15 2,38% | 13 2,07% | 9 1,43% | 52 8,27% |
| MercureF-SoleilH | 5 0,79% | 13 2,07% | 16 2,54% | 8 1,27% | 10 1,59% | 52 8,27% |
| MarsF-MercureH | 6 0,95% | 9 1,43% | 13 2,07% | 12 1,91% | 12 1,91% | 52 8,27% |
| SoleilF-MarsH | 10 1,59% | 15 2,38% | 6 0,95% | 15 2,38% | 5 0,79% | 51 8,11% |
| VénusF-VénusH | 10 1,59% | 10 1,59% | 14 2,23% | 11 1,75% | 6 0,95% | 51 8,11% |
| MercureF-MarsH | 6 0,95% | 13 2,07% | 13 2,07% | 16 2,54% | 1 0,16% | 49 7,79% |
| VénusF-SoleilH | 8 1,27% | 15 2,38% | 12 1,91% | 6 0,95% | 5 0,79% | 46 7,31% |
| MercureF-VénusH | 2 0,32% | 12 1,91% | 12 1,91% | 9 1,43% | 7 1,11% | 42 6,68% |
| SoleilF-MercureH | 10 1,59% | 9 1,43% | 8 1,27% | 10 1,59% | 3 0,48% | 40 6,36% |
| TOTAL | 117 1,16% | 214 2,13% | 218 2,17% | 196 1,95% | 107 1,06% | 852 8,47% |
Prière pour aller au paradis avec les ânes
Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j’irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n’y a pas d’enfer au pays du Bon-Dieu.
Je leur dirai : Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d’un brusque mouvement d’oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles….
Que je vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j’aime tant parce qu’elles baissent la tête
doucement, et s’arrêtent en joignant leurs petits pieds
d’une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J’arriverai suivi de leurs milliers d’oreilles,
suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l’on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s’y groupent en rond.
Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je vous vienne.
Faites que dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l’amour éternel.
Par le petit garçon…
Agonie
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
tandis que des enfants s’amusent au parterre ;
et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
son aile tout à coup s’ensanglante et descend ;
par la soif et la faim et le délire ardent :
Je vous salue, Marie.
Flagellation
Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre,
par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre,
par l’humiliation de l’innocent châtié,
par la vierge vendue qu’on a déshabillée,
par le fils dont la mère a été insultée :
Je vous salue, Marie.
Couronnement d’épines
Par le mendiant qui n’eut jamais d’autre couronne
que le vol des frelons, amis des vergers jaunes,
et d’autre sceptre qu’un bâton contre les chiens ;
par le poète dont saigne le front qui est ceint
des ronces des désirs que jamais il n’atteint :
Je vous salue, Marie.
Portement de Croix
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids,
s’écrie « Mon Dieu ! » Par le malheureux dont les bras
ne purent s’appuyer sur une amour humaine
comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène ;
par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne :
Je vous salue, Marie.
Crucifiement
Par les quatre horizons qui crucifient le Monde,
par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe,
par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains,
par le malade que l’on opère et qui geint
et par le juste mis au rang des assassins :
Je vous salue, Marie.
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 0,83% | 1,67% | 1,67% | 1,67% | 0,83% | 6,67% |
| MarsF-MarsH | 11 1,75% | 6 0,95% | 9 1,43% | 7 1,11% | 2 0,32% | 35 5,56% |
| SoleilF-SoleilH | 6 0,95% | 8 1,27% | 8 1,27% | 10 1,59% | 3 0,48% | 35 5,56% |
| MercureF-MercureH | 7 1,11% | 8 1,27% | 5 0,79% | 7 1,11% | 5 0,79% | 32 5,09% |
| VénusF-MercureH | 4 0,64% | 10 1,59% | 11 1,75% | 2 0,32% | 4 0,64% | 31 4,93% |
| SoleilF-MarsH | 8 1,27% | 11 1,75% | 4 0,64% | 5 0,79% | 3 0,48% | 31 4,93% |
| MarsF-VénusH | 3 0,48% | 10 1,59% | 8 1,27% | 7 1,11% | 3 0,48% | 31 4,93% |
| MercureF-MarsH | 4 0,64% | 10 1,59% | 9 1,43% | 7 1,11% | 1 0,16% | 31 4,93% |
| VénusF-MarsH | 2 0,32% | 8 1,27% | 6 0,95% | 7 1,11% | 5 0,79% | 28 4,45% |
| SoleilF-VénusH | 3 0,48% | 9 1,43% | 6 0,95% | 7 1,11% | 2 0,32% | 27 4,29% |
| MercureF-SoleilH | 5 0,79% | 5 0,79% | 7 1,11% | 3 0,48% | 7 1,11% | 27 4,29% |
| MarsF-SoleilH | 4 0,64% | 12 1,91% | 6 0,95% | 3 0,48% | 2 0,32% | 27 4,29% |
| MercureF-VénusH | 1 0,16% | 7 1,11% | 8 1,27% | 5 0,79% | 5 0,79% | 26 4,13% |
| MarsF-MercureH | 4 0,64% | 4 0,64% | 6 0,95% | 8 1,27% | 3 0,48% | 25 3,97% |
| VénusF-SoleilH | 3 0,48% | 8 1,27% | 7 1,11% | 3 0,48% | 2 0,32% | 23 3,66% |
| SoleilF-MercureH | 6 0,95% | 7 1,11% | 1 0,16% | 7 1,11% | 2 0,32% | 23 3,66% |
| VénusF-VénusH | 3 0,48% | 7 1,11% | 7 1,11% | 5 0,79% | 1 0,16% | 23 3,66% |
| TOTAL | 74 0,74% | 130 1,29% | 108 1,07% | 93 0,92% | 50 0,50% | 455 4,52% |
Le manteau impérial (extraits)
….Ô sœurs des corolles vermeilles,
Filles de la lumière, abeilles,
Envolez-vous de ce manteau !
Ruez-vous sur l’homme, guerrières !
Ô généreuses ouvrières,
Vous le devoir, vous la vertu,
Ailes d’or et flèches de flamme
Tourbillonnez sur cet infâme !
Dites-lui : « Pour qui nous prends-tu ?
« Maudit ! nous sommes les abeilles !
Des chalets ombragés de treilles
Notre ruche orne le fronton ;
Nous volons dans l’azur écloses,
Sur la bouche ouverte des roses
Et sur les lèvres de Platon.
Ce qui sort de la fange y rentre.
Va trouver Tibère en son antre,
Et Charles neuf sur son balcon.
Va ! sur ta pourpre il faut qu’on mette,
Non les abeilles de l’Hymette,
Mais l’essaim noir de Montfaucon ! »
Et percez-le toutes ensemble,
Faites honte au peuple qui tremble,
Aveuglez l’immonde trompeur,
Acharnez-vous sur lui, farouches,
Et qu’il soit chassé par les mouches
Puisque les hommes en ont peur !
Le mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s’arrêta devant
Ma porte, que j’ouvris d’une façon civile.
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.
C’était le vieux qui vit dans une niche au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,
Tendant les mains pour l’homme et les joignant pour Dieu.
Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l’entendre.
« Vos habits sont mouillés, dis-je, il faut les étendre
Devant la cheminée. » Il s’approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Etalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l’âtre, et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu’il séchait ce haillon désolé
D’où ruisselaient la pluie et l’eau des fondrières,
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.
Demain, dès l’aube….
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Mort
Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l’ombre où l’on dirait que tout tremble et recule,
L’homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient ; elle changeait en désert Babylone,
Le trône en échafaud et l’échafaud en trône,
Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,
L’or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.
Et les femmes criaient :- Rends-nous ce petit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l’avoir fait naître ?-
Ce n’était qu’un sanglot sur terre, en haut, en bas ;
Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats,
Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre
Un troupeau frissonnant qui dans l’ombre s’enfuit ;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.
Derrière elle, le front baigné de douces flammes,
Un ange souriant portait la gerbe d’âmes.
| Orbe 0° |
| Aspects | Conjonction | Sextil | Carré | Trigone | Opposition | Total |
| Probabilités | 0,28% | 0,56% | 0,56% | 0,56% | 0,28% | 2,22% |
| SoleilF-MercureH | 1 0,16% | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 2 0,32% |
| MarsF-MarsH | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| SoleilF-SoleilH | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| MercureF-MercureH | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| SoleilF-MarsH | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| MercureF-MarsH | 0 0,00% | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| VénusF-MarsH | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| VénusF-VénusH | 1 0,16% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 1 0,16% |
| VénusF-MercureH | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% |
| MarsF-VénusH | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% |
| SoleilF-VénusH | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% | 0 0,00% |
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| TOTAL | 6 0,06% | 2 0,02% | 0 0,00% | 1 0,01% | 0 0,00% | 9 0,09% |
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mars F | Mars H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | ||||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Sc | 215,08 | 120,60 | 0 0 0 1 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Sa | 255,18 | 160,70 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | Sa | 246,98 | 72,01 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | Ba | 180,58 | 5,61 | 1 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,48 | 137,79 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Ba | 204,97 | 91,30 | 0 0 1 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | P | 353,73 | 0 | |||
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| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 238,27 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sc | 235,45 | 2,82 | 1 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
31 (extraits)
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| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mars F | Vénus H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Cap | 282,15 | 172,33 | 0 0 0 0 1 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Ve | 326,05 | 128,43 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 349,43 | 174,46 | 0 0 0 0 1 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | L | 126,03 | 48,94 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,27 | 138,00 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Sa | 268,95 | 27,32 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | P | 353,73 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | P | 342,90 | 10,83 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | P | 353,73 | 0 | |||
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| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 238,27 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 329,85 | 91,58 | 0 0 1 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 238,27 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Ba | 202,47 | 35,80 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Vénus F | Mars H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Sc | 215,08 | 153,45 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
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| Epoux | 20/04/1926 | 0 | Ve | 320,10 | 73,50 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | T | 33,60 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | L | 121,72 | 88,12 | 0 0 1 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 309,97 | 103,15 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sc | 235,45 | 28,63 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Vénus F | Mercure H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Cap | 273,03 | 148,60 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Cap | 280,92 | 140,71 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 215,83 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | Ve | 317,73 | 101,90 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 215,83 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | L | 130,45 | 85,38 | 0 0 1 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Ve | 315,87 | 0 | |||
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| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Be | 5,28 | 158,46 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sc | 229,70 | 22,88 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Vénus F | Vénus H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Cap | 282,15 | 139,48 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | G | 61,63 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Ve | 326,05 | 95,58 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 215,83 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 349,43 | 133,60 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 215,83 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | L | 126,03 | 89,80 | 0 0 1 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Ve | 315,87 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,27 | 157,60 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Ve | 315,87 | 0 | |||
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| 11 | Epouse | 06/06/1926 | T | 33,60 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | P | 342,90 | 50,70 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | T | 33,60 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | P | 336,13 | 57,47 | 0 1 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 329,85 | 123,03 | 0 0 0 1 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 206,82 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Ba | 202,47 | 4,35 | 1 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mars F | Soleil H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Sa | 258,93 | 164,45 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 94,48 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Cap | 298,17 | 156,31 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 343,63 | 168,66 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 174,97 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | Can | 105,37 | 69,60 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Ba | 189,23 | 107,04 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 296,27 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Sc | 223,05 | 73,22 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | P | 353,73 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | Be | 29,15 | 35,42 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | P | 353,73 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | Be | 15,22 | 21,49 | 0 0 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 238,27 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Be | 15,43 | 137,16 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 238,27 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sa | 248,80 | 10,53 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mercure F | Vénus H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Be | 29,93 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Cap | 282,15 | 107,78 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Be | 29,93 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Ve | 326,05 | 63,88 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 164,18 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 349,43 | 174,75 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 164,18 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | L | 126,03 | 38,15 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Be | 13,92 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,27 | 144,35 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Be | 13,92 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Sa | 268,95 | 104,97 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 76,15 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | P | 342,90 | 93,25 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 76,15 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | P | 336,13 | 100,02 | 0 0 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 235,12 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 329,85 | 94,73 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 235,12 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Ba | 202,47 | 32,65 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Soleil F | Vénus H | Aspects | |||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Ecart | Cn Sl Cé Te Op | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Cap | 282,15 | 133,40 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Ve | 326,05 | 89,50 | 0 0 1 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 349,43 | 171,96 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | L | 126,03 | 51,44 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,27 | 161,64 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Sa | 268,95 | 87,68 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | P | 342,90 | 91,63 | 0 0 1 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | P | 336,13 | 98,40 | 0 0 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 329,85 | 77,00 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Ba | 202,47 | 50,38 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Soleil F | Mars H | Ecart | Aspects | ||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Cn Sl Cé Te Op | ||||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Sc | 215,08 | 159,53 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Sa | 255,18 | 160,37 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | Sa | 246,98 | 69,51 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | Ba | 180,58 | 3,11 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Vi | 158,48 | 161,85 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Ba | 204,97 | 151,66 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | Ve | 320,10 | 114,43 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | L | 121,72 | 47,19 | 0 0 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Ve | 309,97 | 57,12 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sc | 235,45 | 17,40 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone Op: Opposition
| Orbe | Conjonction* | Conjonction* | Sextil* | Sextil* | Carré* | Carré* |
| Valeur absolue en ° de l’orbe entre les 2 planètes | Possibilités que les 2 planètes soient en aspect (nombres entiers)* | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) | Possibilités que les 2 planètes soient en aspect (nombres entiers)* | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) | Possibilités que les 2 planètes soient en aspect (nombres entiers)* | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) |
| 0 | 1 | 0,28% | 2 | 0,56% | 2 | 0,56% |
| 1 | 3 | 0,83% | 6 | 1,67% | 6 | 1,67% |
| 2 | 5 | 1,39% | 10 | 2,78% | 10 | 2,78% |
| 3 | 7 | 1,94% | 14 | 3,89% | 14 | 3,89% |
| 4 | 9 | 2,50% | 18 | 5,00% | 18 | 5,00% |
| 5 | 11 | 3,06% | 22 | 6,11% | 22 | 6,11% |
| 6 | 13 | 3,61% | 26 | 7,22% | 26 | 7,22% |
| 7 | 15 | 4,17% | 30 | 8,33% | 30 | 8,33% |
| 8 | 17 | 4,72% | 34 | 9,44% | 34 | 9,44% |
| 9 | 19 | 5,28% | 38 | 10,56% | 38 | 10,56% |
| 10 | 21 | 5,83% | 42 | 11,67% | 42 | 11,67% |
| Orbe | Trigone* | Trigone* | Opposition* | Opposition* | Les 5 aspects | Les 5 aspects |
| Valeur absolue en ° de l’orbe entre les 2 planètes | Possibilités que les 2 planètes soient en aspect (nombres entiers)* | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) | Possibilités que les 2 planètes soient en aspect (nombres entiers)* | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) | Total des possibilités | Probabilités sur 360 (nombre entier de positions sur le cercle) |
| 0 | 2 | 0,56% | 1 | 0,28% | 8 | 2,22% |
| 1 | 6 | 1,67% | 3 | 0,83% | 24 | 6,67% |
| 2 | 10 | 2,78% | 5 | 1,39% | 40 | 11,11% |
| 3 | 14 | 3,89% | 7 | 1,94% | 56 | 15,56% |
| 4 | 18 | 5,00% | 9 | 2,50% | 72 | 20,00% |
| 5 | 22 | 6,11% | 11 | 3,06% | 88 | 24,44% |
| 6 | 26 | 7,22% | 13 | 3,61% | 104 | 28,89% |
| 7 | 30 | 8,33% | 15 | 4,17% | 120 | 33,33% |
| 8 | 34 | 9,44% | 17 | 4,72% | 136 | 37,78% |
| 9 | 38 | 10,56% | 19 | 5,28% | 152 | 42,22% |
| 10 | 42 | 11,67% | 21 | 5,83% | 168 | 46,67% |
* 1 possibilité pour l’aspect exact (0° d’orbe) et 1 possibilité pour chacune des positions
(en ° entier) au-delà et en deçà de cette position « 0 »
ex: pour une conjonction ou une opposition, et pour un orbe de 1° il y a 1 possibilité pour l’aspect exact, 1 possibilité pour un orbe +1° et une possibilité pour un orbe -1°, soit 3 possibilités
ex: pour un sextil, un carré et un trigone, et pour un orbe de 1° les possibilités sont doublées
(car 2 sextils, 2 carrés et 2 trigones possibles à une même planète) soit 6 possibilités
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Soleil F | Soleil H | Ecart | Aspects | ||
| Signe | Degrés | Signe | Degrés | Cn Sl Cé Te On | ||||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | 0 | Sa | 258,93 | 156,62 | 0 0 0 0 0 | ||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | T | 55,55 | 0 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | 0 | Cap | 298,17 | 117,38 | 0 0 0 0 0 | ||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | 0 | P | 343,63 | 166,16 | 0 0 0 0 0 | ||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 177,47 | 0 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | 0 | Can | 105,37 | 72,10 | 0 0 0 0 0 | ||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | 0 | Ba | 189,23 | 167,40 | 0 0 0 0 0 | ||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | P | 356,63 | 0 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | 0 | Sc | 223,05 | 133,58 | 0 0 0 0 0 | ||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | 0 | Be | 29,15 | 45,38 | 0 0 0 0 0 | ||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 74,53 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | 0 | Be | 15,22 | 59,31 | 0 0 0 0 0 | ||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | 0 | Be | 15,43 | 122,58 | 0 0 0 0 0 | ||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 252,85 | 0 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | 0 | Sa | 248,80 | 4,05 | 0 0 0 0 0 |
Cn: Conjonction Sl: Sextil Cé: Carré Te: Trigone On: Opposition
J’ai tant rêvé de toi
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie.
Les quatre sans cou
Ils étaient quatre et n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.
Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant
Quand ils aimaient, c’était du sang.
Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.
Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rôdaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,
Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.
Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.
Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdaient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.
Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leurs croix
Quand devant elles ils passaient droits.
On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouvés à la chasse ou dans les fêtes,
Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.
Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaieté des uns rend les autres tristes.
Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain.
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres.
Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.
Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins.
Comme
Comme, dit l’Anglais à l’Anglais, et l’Anglais vient.
Côme, dit le chef de gare, et le voyageur qui vient dans cette ville descend du train sa valise à la main.
Come, dit l’autre, et il mange.
Comme, je dis comme et tout se métamorphose, le marbre en eau, le ciel en orange, le vin en plaine, le fil en six, le cœur en peine, la peur en seine.
Mais si l’Anglais dit as, c’est à son tour de voir le monde changer de forme à sa convenance
Et moi je ne vois plus qu’un signe unique sur une carte :
L’as de cœur si c’est en février,
L’as de carreau et l’as de trèfle, misère en Flandre,
L’as de pique aux mains des aventuriers.
Et si cela me plaît à moi de vous dire machin,
Pot à eau, mousseline et potiron.
Que l’Anglais dise machin,
Que machin dise le chef de gare,
Machin dise l’autre,
Et moi aussi.
Machin.
Et même machin chose.
Il est vrai que vous vous en foutez
Que vous ne comprenez pas la raison de ce poème
Moi non plus d’ailleurs.
Poème, je vous demande un peu ?
Poème, je vous demande un peu de confiture,
Encore un peu de gigot,
Encore un petit verre de vin
Pour nous mettre en train…..
Poème, je ne vous demande pas l’heure qu’il est.
Poème, je ne vous demande pas si votre beau-père est poilu comme un sapeur.
Poème, je vous demande un peu…. ?
Poème, je ne vous demande pas l’aumône,
Je vous la fais.
Poème, je ne vous demande pas l’heure qu’il est,
Je vous la donne.
Poème, je ne vous demande pas si vous allez bien,
Cela se devine.
Poème, poème, je vous demande un peu…
Je vous demande un peu d’or pour être heureux avec celle que j’aime.
La girafe
La girafe et la girouette,
Vent du sud et vent de l’est,
Tendent leur cou vers l’alouette,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Toutes deux vivent près du ciel,
Vent du sud et vent de l’est,
A la hauteur des hirondelles,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Et l’hirondelle pirouette,
Vent du sud et vent de l’est,
En été sur les girouettes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
L’hirondelle fait des paraphes,
Vent du sud et vent de l’est,
Tout l’hiver autour des girafes,
Vent du nord et vent de l’ouest.
Le paysage
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détours.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu du carrefour.
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit,
L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
A vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
Chapitre 6
Méthode de travail 2
Les tableaux qui suivent :
-calculent l’écart existant entre les planètes des épouses et des époux sur le cercle zodiacal
-déterminent s’il existe ou non un rapport géométrique ou « aspect » entre ces planètes en fonction des « orbes » admis.
Les orbes étudiés vont de 0° à 10°
Lesdits tableaux sont simplifiés et partiels, ne représentant qu’une infime partie des calculs et des résultats obtenus; comme pour les déterminations planétaires (cf chapitre 5 et sous chapitres 50, 51, 52 et 53) il n’est en effet pas possible de les publier dans leur intégralité, compte tenu que pour chacun des 11 orbes étudiés, il y a 16 rapports de planètes possibles, 5 aspects distincts et 629 couples !!!!
La formule utilisée dans la colonne « écart » pour déterminer l’écart absolu entre 2 planètes est la même pour chacun des 11 orbes, aux références des cellules près:
=SI(ET(ABS(K11-Q12)>=0 ;ABS(K11-Q12)<=180) ;SI(K11>=Q12 ;K11-Q12 ;Q12-K11) ;SI(K11>=Q12 ;360-K11+Q12 ;K11+360-Q12)
où K11 est la position de la planète de l’épouse et Q12 la position de la planète de l’époux.
Les formules utilisées dans les colonnes « aspects » pour connaître l’existence ou non d’un aspect entre 2 planètes diffèrent d’un orbe à l’autre :
Orbe 0°
Conjonction : =SI(L12=0 ;0 ;SI(R12=0 ;1 ;0))
Sextil : =SI(R12=60 ;1 ;0)
Carré : =SI(R12=90 ;1 ;0)
Trigone : =SI(R12=120 ;1 ;0)
Opposition : =SI(R12=180 ;1 ;0)
ou L12 est la colonne des signes de l’époux et R12 la colonne des écarts
Orbe 1°
Conjonction : =SI(L12=0 ;0 ;SI(R12=<=1 ;1 ;0))
Sextil : =SI(ET(R12>=59 ;R12<=61) ;1 ;0)
Carré : =SI(ET(R12<=89 ;R12<=91) ;1 ;0)
Trigone : =SI(ET(R12<=119 ;R12<=121) ;1 ;0)
0ppàsition : =SI(ET(R12>=179 ;R12<=181) ;1 ;0)
Orbe 2°
Conjonction : =SI(L12=0 ;0 ;SI(R12<=2 ;1 ;0))
Sextil : =SI(ET(R12>=58 ;R12<=62) ;1 ;0)
Carré : =SI(ET(R12>=88 ;R12<=92) ;1 ;0)
Trigone : =SI(ET(R12>=118 ;R12<=122) ;1 ;0)
Opposition : =SI(ET(R12>=178 ;R12<=182) ;1 ;0)
Orbe 3°
Conjonction : =SI(L12=0 ;0 ;Si(R12<=3 ;1 ;0))
Sextil : =SI(ET(R12>=57 ;R12<=63) ;1 ;0)
Carré : =SI(ET(R12>=87 ;R12<=93) ;1 ;0)
Trigone : =SI(ET(R12>=117 ;R12<=123) ;1 ;0)
Opposition : =SI(ET(R12>=177 ;R12<=183) ;1 ;0)
etc……..les formules variant à chaque fois d’une unité en + et en –
Orbe 10°
Conjonction : =SI(L12=0 ;0 ;SI(R12<=10 ;1 ;0))
Sextil : =SI(ET(R12>=50 ;R12<=70) ;1 ;0)
Carré : =SI(ET(R12>=80 ;R12<=100) ;1 ;0)
Trigone : =SI(ET(R12>=110 ;R12<=130) ;1 ;0)
Opposition : =SI(ET(R12>=170 ;R12<=190) ;1 ;0)
Comme les formules l’indiquent, « 1 » signifie qu’il y a un aspect entre les planètes, « 0 » qu’il n’y en a pas
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mars F | Mars H | ||||
| Signe | Signe | Degrés Sec | Signe | Signe | Degrés Sec | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 90 | 04 29 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | Sc | 210 | 05 5 | ||||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Can | 90 | 04 29 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | Sa | 240 | 15 11 | ||||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 24 58 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | Sa | 240 | 06 59 | ||||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 24 58 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | Ba | 180 | 0 35 | ||||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 270 | 26 16 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | Vi | 150 | 08 29 | ||||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Cap | 270 | 26 16 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | Ba | 180 | 24 58 | ||||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | P | 330 | 23 44 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | Ve | 300 | 20 6 | ||||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | P | 330 | 23 44 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | L | 120 | 01 43 | ||||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 210 | 28 16 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | Ve | 300 | 09 58 | ||||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 210 | 28 16 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | Sc | 210 | 25 27 |
Total: 1258 personnes et 629 couples
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Vénus F | Vénus H | ||||
| Signe | Signe | Degrés Sec | Signe | Signe | Degrés Sec | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | G | 60 | 01 38 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | Cap | 270 | 12 9 | ||||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | G | 60 | 01 38 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | Ve | 300 | 26 3 | ||||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 210 | 05 50 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | P | 330 | 19 26 | ||||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Sc | 210 | 05 50 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | L | 120 | 6 2 | ||||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Ve | 300 | 15 52 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | Vi | 150 | 8 16 | ||||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Ve | 300 | 15 52 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | Sa | 240 | 28 57 | ||||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | T | 30 | 03 36 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | P | 330 | 12 54 | ||||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | T | 30 | 03 36 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | P | 330 | 6 8 | ||||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 180 | 26 49 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | Ve | 300 | 29 51 | ||||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Ba | 180 | 26 49 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | Ba | 180 | 22 28 |
Total: 1258 personnes et 629 couples
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Mercure F | Mercure H | ||||
| Signe | Signe | Degrés Sec | Signe | Signe | Degrés Sec | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | Be | 0 | 29 56 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | Cap | 270 | 03 2 | ||||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | Be | 0 | 29 56 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | Cap | 270 | 10 55 | ||||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 14 11 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | Ve | 300 | 17 44 | ||||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 14 11 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | L | 120 | 10 27 | ||||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | Be | 0 | 13 55 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | Sc | 210 | 04 2 | ||||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | Be | 0 | 13 55 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | Sa | 240 | 0 18 | ||||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 60 | 16 9 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | Be | 0 | 04 6 | ||||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 60 | 16 9 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | T | 30 | 03 37 | ||||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 210 | 25 7 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | Be | 0 | 05 17 | ||||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sc | 210 | 25 7 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | Sc | 210 | 19 42 |
Total: 1258 personnes et 629 couples
| N° | Situation maritale | Date de naissance | Soleils F | Soleils H | ||||
| Signe | Signe | Degrés Sec | Signe | Signe | Degrés Sec | |||
| 5 | Epouse | 17/05/1925 | T | 30 | 25 33 | |||
| Epoux | 12/12/1923 | Sa | 240 | 18 56 | ||||
| 6 | Epouse | 17/05/1925 | T | 30 | 25 33 | |||
| Epoux | 19/01/1926 | Cap | 270 | 28 10 | ||||
| 7 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 27 28 | |||
| Epoux | 05/03/1922 | P | 330 | 13 38 | ||||
| 8 | Epouse | 21/09/1925 | Vi | 150 | 27 28 | |||
| Epoux | 08/07/1933 | Can | 90 | 15 22 | ||||
| 9 | Epouse | 18/03/1926 | P | 330 | 26 38 | |||
| Epoux | 03/10/1921 | Ba | 180 | 09 14 | ||||
| 10 | Epouse | 18/03/1926 | P | 330 | 26 38 | |||
| Epoux | 06/11/1925 | Sc | 210 | 13 3 | ||||
| 11 | Epouse | 06/06/1926 | G | 60 | 14 32 | |||
| Epoux | 20/04/1926 | Be | 0 | 29 9 | ||||
| 12 | Epouse | 06/06/1926 | G | 60 | 14 32 | |||
| Epoux | 06/04/1931 | Be | 0 | 15 13 | ||||
| 17 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 240 | 12 51 | |||
| Epoux | 06/04/1926 | Be | 0 | 15 26 | ||||
| 18 | Epouse | 06/12/1927 | Sa | 240 | 12 51 | |||
| Epoux | 02/12/1927 | Sa | 240 | 08 48 |
Total: 1258 personnes et 629 couples
Chapitre 5
Méthodes de travail 1
Comme indiqué au chapitre 1, la présente étude porte sur les caractéristiques astrologiques de 629 couples mariés, soit 1258 personnes, et sur celles de 289 paires de couples dont les épouses sont nées le même jour.
Objectifs :
-rechercher d’éventuelles règles entre les thèmes astrologiques des épouses et des époux
-rechercher d’éventuelles similitudes entre les thèmes astrologiques des époux
Les tableaux qui suivent dressent les positions des planètes pour chaque personne étudiée, à l’exclusion de la Lune et de l’Ascendant.
Les positions planétaires ont été relevées dans « Les nouvelles éphémérides internationales 1900-2050 » aux AUREAS Editions 13ème édition 2004.
Pour des raisons pratiques évidentes, seules 20 cas sont présentés à titre d’exemple sur les 1258 étudiés. J’examinerai la possibilité d’éditer l’intégralité des résultats lorsque l’étude sera définitivement achevée après la prise en compte des positions de la Lune et de l’Ascendant.
Pour pouvoir coller mes tableaux Excel sur le site, j’ai dû modifier quelque peu leur présentation; toutefois cette modification n’affecte pas la compréhension des informations données.
CHAPITRE 4
Probabilités pour que deux planètes soient en aspect
Le tableau ci-avant donne les probabilités pour que deux planètes quelconques soient en aspect majeur, c’est-à-dire distantes l’une de l’autre d’un angle donné sur le cercle zodiacal (cf chapitre 2) :
-pour un écart (orbe) de 0° par rapport à l’aspect majeur exact (angle de 0° pour la conjonction, de 60° pour le sextil, 90° pour le carré, 120° pour le trigone et de 180° pour l’opposition)
-pour des écarts de 1° jusqu’à 10° au-delà ou en deçà de l’aspect exact
Il n’a pas été tenu compte des aspects mineurs
Commentaires
Les probabilités pour que deux planètes quelconques soient en aspect majeur, quelque soit cet aspect, sont considérables. Pour un écart de 5°, les probabilités sont de 24.44% ! Une chance sur 4 ! Pour un écart de 10°, les probabilités sont de 46.67% ! Quasiment une chance sur deux ! Alors même que les aspects mineurs n’ont pas été intégrés !
Pour autant ces probabilités pléthoriques sont sans signification particulière sur la fausseté ou la véracité de l’astrologie : elles indiquent seulement que les interactions astrales sont variées et nombreuses et que si leurs influences sont réelles et effectives jusqu’aux orbes de 10°, nous « baignons dans un océan d’influences astrales » comme nous baignons, dans notre monde moderne, dans un océan d’ondes électro- magnétiques de toutes sortes.
Elles indiquent aussi que les chances sont grandes pour les planètes de deux individus quelconques-un homme et une femme par exemple- soient en « relations »- en aspects.
Pour notre recherche, il va s’agir de comparer ces probabilités aux résultats de l’étude des thèmes des époux et des épouses, afin de déceler une éventuelle différence suffisamment significative pour constituer une preuve de l’influence astrale dans le domaine du mariage et de l’amour.
Où je hume à longs traits le vin du souvenir
CHAPITRE 2
Rappel de quelques notions d’astrologie
Pour la bonne compréhension de la présente étude il est nécessaire de rappeler succinctement quelques notions de base.
Je cite à nouveau le même auteur:
-« Soleil :
.principe général : Vie, création, puissance, idéalité, spiritualité.
. fonctions psychologiques : en relation avec le sur-moi (négatif) et l’idéal du moi (positif) le Soleil régit le complexe conscience-volonté-action-sentiment du réel et est en rapport avec le côté « supérieur » du psychisme dans ses hautes fonctions de synthèse, dans ses plus grandes exigences et ses aspirations les plus élevées. Il a trait à la conscience morale, à la vie policée ou sublimée qui est en l’être, à son côté culturel. Il représente du même coup le lien social, la part de la société en l’être, d’où dérivent les tendances sociales, la morale, la religion, tout ce qui agrandit, élève, anoblit… »
-« Mercure :
.principe général : principe de communication, de liaison, d’échanges, de mouvement, de différenciation dans la dualité des contraires polaires (Caducée), ainsi que d’adaptation par la suspicion, la répression de la vie sensible, au profit d’une cérébralisation dégagée de la riche confusion originelle du subjectif stade lunaire de l’enfance.
.fonctions psychologiques : Mercure est l’auxiliaire du Moi en affirmant le monde de la raison (au sens courant du mot). Détournant de l’instinct et détachant de l’affectivité, il conduit à une intellectualisation et à une socialisation, au profit des usages et conventions soumis aux règles de la logique ; commerce de l’esprit par les idées vêtues de mots et commerce de la matière par le système des échanges réglementés. En partie assimilable au Moi, il est, par excellence, un facteur d’adaptation face aux poussées de l’intérieur et aux pressions de l’extérieur. »
-« Vénus :
.principe général : principe d’attraction, de sympathie, de communion, d’harmonisation et de fusion, qui s’affirme en particulier sur le plan des sentiments.
.fonctions psychologiques : Vénus a partie liée avec les affects d’attraction voluptueuse et d’amour qui prennent naissance dans l’appétence organique du nourrisson au contact de sa mère, et se prolonge jusqu’à l’altruisme sentimental. Ce monde vénusien de l’être humain groupe dans une synergie affective de sensations, de sentiments et de sensualité, l’attrait sympathique vers l’objet, la griserie, le sourire, la séduction, l’élan de plaisir, de joie, de fête, dans l’affinité et l’harmonie de l’échange, de la communion affective, ainsi que les états émotionnels que communiquent le charme, la beauté, la grâce. Avec Vénus règne en l’être la joie de vivre dans la fête printanière de l’enivrement des sens comme dans le plaisir plus raffiné et spiritualisé de l’esthétique. C’est le règne de la paix du cœur, du « bonheur ».
-« Mars :
.principe général : principe de confrontation avec le monde, de dépense en mode de tension concrète, de répulsion, d’hostilité.
.fonctions psychologiques : Mars symbolise la puissance d’agressivité qui apparaît chez l’enfant au moment (stade sado-oral des psychanalystes) de la formation de la dentition, de l’exercice de la musculature et de l’apprentissage de la motricité : mordre, broyer, détruire, agir sur l’extérieur… , et qui s’exprime à l’état pur dans le sentiment de colère. Cette agressivité est susceptible de se manifester au bénéfice ou au détriment de l’être humain suivant qu’elle est, ou non, intégrée au Moi. Positivement, elle est cette énergie virile qui ose et impose, qui force et se dépense en vue d’un but à conquérir. C’est la passion enrichissante avec son emprise dominatrice sur les objets, la violence saine parce que réalisatrice. Négativement, elle est cette impulsivité destructrice, génératrice de brutalité, de tyrannie, de sadisme, de haine, de guerre. Avec Mars se présente « la lutte pour la vie », à pleines dents et à pleines griffes, installant le règne de la loi du plus fort. »
-« Les aspects :
L’Astrologie ne tient pas seulement compte des planètes dans leurs positions par signe et Maison, elle enregistre les interactions de ces planètes entre elles…On nomme précisément « aspects » des écarts angulaires privilégiés, comptés en longitude sur l’écliptique, quand ces écarts sont ceux de deux planètes…
Voici la liste des aspects majeurs par ordre d’importance décroissante :
.conjonction écart 0°
.opposition écart 180°
.trigone écart 120°
.carré écart 90°
.sextile écart 60°
On accepte un certain étalement de l’aspect sur plusieurs degrés. Cette zone d’influence qui précède et qui suit l’écart théorique de l’aspect constitue son orbe. Sa valeur n’est pas déterminée de façon absolue, car il est difficile de déterminer avec précision la limite à partir de laquelle l’aspect se rompt. D’une façon générale, nous préconisons personnellement les orbes suivants :
.conjonction 10°
.opposition 9°
.trigone 8°
.carré 6°
.sextile 4°
-« Les affinités électives :
Si la constellation native reflète l’être, la confrontation de tel thème avec tel autre doit nécessairement fournir des informations sur les ressemblances ou les dissemblances des deux individus, et par suite sur leurs affinités ou leurs disharmonies…
La tradition astrologique a enseigné la valeur de certaines rencontres, en particulier dans le domaine affectif. Ainsi, entre un homme et une femme, la « rencontre » zodiacale du Soleil et de la Lune…ou encore celle de Vénus et de Mars…sont annoncées comme très attractives amoureusement, la rencontre Soleil-Lune l’étant idéalement et la rencontre Vénus-Mars, surtout sensuellement. Il y a là une condition symbolique propice à une interpénétration affective des deux individus..
Les aspects sont également à mettre en ligne de compte, bien qu’ils n’aient pas la même importance que la rencontre effective de deux astres (toujours la suprématie de la conjonction sur les aspects). Assurément, il est heureux, pour un couple, qu’il y ait un trigone ou sextile entre :
…Vénus de l’un et Mars de l’autre..
Par contre, il est regrettable qu’il se présente des carrés ou des oppositions entre ces planètes, et plus encore quand il en existe entre planètes contraires :
…Soleil avec Mars.. »
D’un autre auteur :
« Les significateurs de l’amour et du mariage sont les suivants :
.Vénus, qui représente le sentiment, l’attraction
.Mars, qui représente l’attraction sexuelle, la passion
.La Lune, significateur de l’émotivité, de la vie de famille, des femmes et de l’épouse en particulier, du mariage en nativité masculine
.Le Soleil qui, en nativité féminine, représente le mariage et l’époux. »
CHAPITRE 1
« L’amour pour thème »
Il y a très peu de domaines relevant de l’astrologie qui se prêtent à l’analyse statistique.
Objets premiers de l’astrologie : la psychologie de l’être, sa nature, son tempérament relèvent du domaine de l’impalpable, de l’immatériel, et de ce fait sont difficilement classables, quantifiables, et donc quasi invérifiables.
Objets seconds de l’astrologie : les actes et les évènements de l’existence ne le sont guère davantage ! En effet, les « petits évènements » de la vie, les évènements du quotidien, s’ils sont immensément nombreux, sont « trop petits » pour intéresser la société, car sans incidence sensible sur elle ; ils relèvent du « domaine de la vie privée » et ne font donc l’objet d’aucun enregistrement; « inexistants » officiellement, ils sont « invisibles » à l’observateur et donc non quantifiables et invérifiables également. Quant aux « grands évènements » de la vie, les accidents, les maladies, la carrière, les évènements heureux majeurs qui ont pour certains d’entre eux une incidence sur la société, ils sont eux trop peu nombreux !
Si quelques uns font l’objet d’enregistrement, le respect de la vie privée de la personne, la CNIL et autres organismes empêchent d’y avoir accès !
Finalement, hors quelques domaines particuliers comme la carrière sociale, les seuls évènements survenant à autrui dont la connaissance est accessible aisément et légalement, et qui peuvent permettre d’entreprendre une étude sur un grand nombre d’individus, sont ceux qui sont inscrits au registre de l’Etat Civil: la naissance, le mariage et la mort !
Et de ces trois évènements majeurs qui ponctuent une existence terrestre, le mariage, et donc l’amour, est celui qui peut le plus aisément faire l’objet d’une recherche.
Car l’astrologie sur ce point est précise et affirme des règles: le Soleil et les planètes Lune d’une part, et Vénus et Mars d’autre part sont les ordonnateurs de l’amour, ses grands prêtre et prêtresses, fondamentalement impliqués dans le processus du sentiment amoureux et du désir. Je cite un auteur connu* : « La tradition astrologique a enseigné la valeur de certaines rencontres, en particulier dans le domaine affectif. Ainsi, entre un homme et une femme, la « rencontre » zodiacale du Soleil et de la Lune…ou encore celle de Vénus et de Mars…sont annoncées comme très attractives amoureusement, la rencontre Soleil-Lune l’étant idéalement et la rencontre Vénus-Mars, surtout sensuellement. Il y a là une condition symbolique propice à une interpénétration affective des deux individus.. »
*dont je tairai le nom, par correction, compte tenu des résultats de cette étude
La présente étude va donc porter sur l’amour pour tenter de répondre à la question suivante : y a-t-il effectivement entre un homme et une femme mariés, qui s’aiment, ou qui se sont aimés, des rapports astrologiques significatifs ?
Dans cette étude seuls les rapports entre le Soleil, Mercure, Vénus et Mars y sont examinés, à l’exclusion de ceux de la Lune et de l’Ascendant qui feront l’objet d’une étude complémentaire ultérieure.
Les caractéristiques astrologiques de 629 couples, soit 1258 personnes, y sont étudiées ainsi que celles de 289 paires de couples dont les épouses sont nées le même jour, afin de répondre à la deuxième question : des femmes mariées nées le même jour ont-elles obéi à une influence astrologique semblable pour choisir leur époux ?
AVANT PROPOS
J’ai été longtemps passionné d’astrologie.
Sans doute poussé par l’excitation de la recherche et la griserie de savoir le pourquoi et le comment des actes et des destins des hommes.
J’ai lu des règles dans les ouvrages spécialisés, j’ai dressé des cartes des ciels de naissance- selon des techniques apprises dans les mêmes livres- et les ai interprétées pour établir des thèmes- toujours selon les règles apprises dans les livres.
Tout au long de ma pratique de l’astrologie, je me suis posé les mêmes questions: qui a mis au point ses règles si fines et si complexes? Comment et quand ont-elles été découvertes, par quels moyens, à la suite de quelles expériences, alors que leur objet- la psychologie et le comportement des hommes et les évènements de leur vie- est si peu matériel ? Comment cette « mécanique » fonctionne-t-elle? Les règles appliquées sont-elles vraies, quelles preuves les confortent ?
Beaucoup de questions… mais si peu de réponses !
La présente étude ne porte que sur un point de l’astrologie, et ne donne qu’une réponse, en outre partielle.
Les gens sont méchants
« Sec comme une trique ! Aussi maigre qu’un clou !
Un pied dedans la tombe !» Voilà des jaloux
Et médisants les propos, ce qui se dit
Sur moi à tout moment, matin, soir et midi.
Mais n’en déplaise aux sots j’ai des rondeurs notoires
Encore faut-il les voir !
D’autres, méchants pareillement, ou les mêmes,
Me traitent de face de carême
Mais de tout ce qu’on ose dire
En face ou dans mon dos le pire
Vise mon crâne
Hélas de parure capillaire en panne ;
« Crâne d’œuf ! » ou, selon les rieurs, « Crâne d’œufs ! »
Ainsi m’affublent toutes celles et ceux
Dont le chef chanceux n’est pas encore veuf
De système pileux. « Crâne d’œuf ! »
Brillant tel un phare nocturne, on ricane
Et on jase à tout va sur mon crâne.
Pourtant un œuf c’est beau et même parfait
Comment le faire comprendre à tous ces niais ?
Et faire cesser leurs quolibets ?
Allons ! Décidons-nous ! Courons chez le vendeur
De postiches- perruquier, coiffeur-
Qu’il m’habille élégamment la tête pour qu’enfin
Dans les rues, les halles, partout, soudain
Se fasse un grand silence neuf
Sur mon crâne d’œuf
Tic Tac
Quand je la vis, ce fut un choc
Apocalyptique
Mon cœur, soudain frénétique
Prit la vitesse supersonique :
Tic tic tic tic
Toc toc toc toc
Et encore tic tic
Electriques
C’était une vraie bombe atomique :
Quelle plastique!
Et quel chic !
J’avais un maxi trac
Mais l’abordai et tout à trac
Lui vidai d’un coup mon sac
Volcanique
Elle réagit du tac au tac
Par une grande paire de claques
Ce fut un lamentable couac
Et comme un coup de matraque !
Sonné, je m’étalai dans une flaque
Avec elle ainsi furent mes débuts, pas héroïques
Plutôt tragi-comiques
Elle prit pitié, et dans un snack
Pour réconfort me proposa un Cacolac
Patraque
J’optai pour un cognac
Je n’avais pas la forme olympique
Mais je fis face, stoïque
Elle trouvait notre situation comique
Et dans un grand rire mélodique
Fit son autocritique
Sur son caractère très colérique
Je lui étais très sympathique
Et amicale mit deux glaçons comacs
Sur mes deux joues couleur citrique
Elle avait des yeux fantastiques
Une grande bouche érotique
Aux lèvres magnétiques
Oh ! comme sa présence était magique
Et mon cœur depuis longtemps avait fait clic
Je redevenais peu à peu hystérique
Et pour me calmer parla musique
Ses goûts étaient très éclectiques :
Musique classique
Pop-music
Musique électronique
Elle me dit ensuite en vrac :
Qu’elle venait d’avoir son bac
Qu’elle allait continuer à la fac
Pour des études de mathématique
Quelle fac ? Oh, moi aussi, chic !
Moi, ce serait la physique
Elle m’a demandé mon nom : Patrick
Elle m’a donné le sien : Véronique
Ce fut idyllique
Paradisiaque
Qu’elle était belle, un vrai aphrodisiaque
On se quitta amis, jurant de garder le contact
Toujours pareils
Toujours pareils
Les chants des chansonnettes
Les vers des poètes !
Qu’ils aient été gravés dans de la pierre
Du marbre ou de la terre
Ou bien encore sur des CD
Ecrits sur du papier, en vers châtiés
En grandes envolées lyriques, ou rimaillés,
Depuis longtemps, un siècle, mille ans
Même davantage, ou récemment, maintenant :
Leurs cris du cœur, de joie, de peine
Ce sont toujours les mêmes !
Vêtu de ses peaux de bêtes,
Armé de son épieu, de son casse-tête,
Déjà l’ancêtre Cromagnon
Ou trente mille ans plus tard Toutânkhamon
Khéops, Khéphren, Ramsès, les pharaons
Maîtres des pyramides, chantaient déjà les mêmes chansons :
« Oh, quel bonheur
Ma douce, d’être près de toi, mon cœur ! »
« Chéri, mon bien-aimé
Oh mon amour, pourquoi m’as-tu quittée ? »
Tous ces soupirs énamourés
Tous ces cris déchirés
Aux murs des cavernes, aux feuilles des papyrus, ont été
Déjà mille fois gravés, poussés !
Cris de détresse
Peurs de souffrir, de la vieillesse
Et de la fin ultime : La Grande Faucheuse- la Mort-
Pour tous le dernier port
Bat- cette funeste- bien des records
De loin la Dame des pensées, l’Inspirateur
Des gens rimeurs et rimailleurs !
Il faut dire qu’elle fait grand peur
Annonciatrice des dernières heures !
Au long des temps
Aux quatre coins du monde, sur tous les continents
Dans toutes les langues, ce sont les mêmes chants !
Il n’y a point sujets nouveaux chez les rimeurs :
Amours, Bonheur, Malheur, Mort, seule la Forme change
C’est bien tout ce qui change
Le Fond reste semblable
Immuable !
Toujours pareils
Les chants des chansonnettes
Les vers des poètes !
J’y comprends rien
J’y comprends rien
Rien de rien
La pomme qui tombe, avec Newton
C’était facile, je comprenais, j’arrivais à suivre, la gravitation
Ca tombait sous le sens ; pareil avec Coulomb
Ampère
Et leurs compères
Explorateurs des courants électriques
Ou des ondes magnétiques ;
Par son côté pratique
Tout cela n’était pas trop énigmatique.
Mais avec le quarteron
Des nouveaux: Einstein, Bohr, Planck, ma raison
Ne suit plus, c’est une autre chanson ;
Pourtant très attentif j’ai écouté et appris ma leçon :
Sur les atomes, maintenant j’en connais un rayon
Mais il n’y a rien à faire : j’y comprends rien
Rien de rien !
On m’a dit : « Dans la nature, y’a douze bosons
Et douze fermions »
Bon !
Et puis, dans les atomes, y’a les neutrons
Avec quelques protons
Et tout autour des électrons »
Re-bon !
« Sauf que dans les neutrons
Il y a les quarks- drôle de nom !
Les « Up » et les « Down », pareil dans les protons »
Je dis : « Pourquoi pas ?
S’ils arrivent, nos forts en maths, à trouver ça
Moi, je suis content pour eux et ça ne me gêne pas
Je dis même plus : bravo les gars !
Et pour le moment, j’arrive à suivre, ça va »
Mais c’est que l’histoire est loin d’être finie
Il y en a d’autres aussi
-Je veux dire des particules- toute une kyrielle
Une ribambelle :
D’abord les photons
Nos amis qui nous donnent la lumière
Tant parfois qu’en plein soleil ils nous font baisser les paupières
Et pour coller l’ensemble les gluons
-Sans eux, les autres jouent rip, s’en vont
Au diable vaut vert, au bout de l’horizon
Au-delà de Saturne et de Pluton !-
Et leurs copains les bosons
L’un deux a du sang bleu, avec sa particule attachée
Un « De Higgs », mais on ne l’a pas encore trouvé
Bien que ce ne soit pas faute de le chercher !
Et tous les autres : les muons
Les neutrinos, les charms, les stranges, les leptons….
Toutes tant qu’elles sont
Ces particules m’empêchent de dormir en rond
Me fatiguent, un vrai zoo, drôles de bestioles !
Je vous l’accorde, je fais un peu le mariole
Mais c’est parce que à tout ça j’y comprends rien
Rien de rien !
Car il y a une suite, eh oui ce n’est pas tout !
Là où vraiment ça se complique
C’est avec la mécanique quantique
Pour l’esprit, une sacré gymnastique !
Et avec sa jumelle la relativité générale
Avec son temps mou tout élastique !
Des théories bien peu banales
Certains- nombreux- disent géniales
Permettez-moi d’en penser autrement
Je l’avoue bien humblement
Je ne suis pas assez intelligent ;
Les psychologues gentils ne m’ont rien dit
Voulant me ménager, mais je sais que mon QI
N’a pas le niveau requis.
Car vraiment, j’y comprends rien
Rien de rien !
PRIERE AU SOLEIL
Il fait soleil
Pas un nuage
Quelle chance j’ai.
« Oh, Soleil, bel astre du jour, dis-moi :
Ton disque d’or qui trône là-haut dans le ciel bleu
Est-il le présage joyeux
Que la roue de mon destin
Tourne enfin ? »
« Et que toutes les galaxies lointaines d’astres divers
Et les myriades d’étoiles de l‘univers
Soient désormais pour longtemps
Longtemps, longtemps, longtemps…….
Toujours gentilles et bonnes pour moi? »
« Répondras-tu, joli soleil ?
Donneras-tu le signe que j’espère tant ?
J’ai mis Bach
J’ai mis Bach
Sa toccata en Ré majeur
Oh ! Bonheur !
J’ai mis Mozart
Les Noces de Figaro
J’ai mis Tchaïkovski
Le Sacre du printemps
J’ai mis Gershwin
Sa Rapsodie in blues
Paganini
Lulli
J’ai mis Beethoven
Chopin
Pavarotti
Johnny
Nougaro
Comme ce fût bon !
Je suis monté au septième ciel
Dès la première note !
J’y suis encore!
Je n’ai pas envie d’en descendre
J’y suis si bien !
Maintenant, je vais mettre Mendelssohn
Puis Haendel
Coltrane
Miles Davis
Et puis aussi Brel
Ferré
Brassens
Encore et encore d’autres
Oh! Quels plaisirs
Sur mon nuage musical à venir !
Oh ! Quel bonheur
Là, à saisir
Bientôt, dans l’heure !
Ma Muse
Ma Muse n’a pas le cœur à rire en ce moment
Chagrine en diable lorsqu’elle me lit ;
Sans détours hier elle me l’a dit :
« Mon chou, tu n’as aucun talent ! »
C’est que ma Muse a des goûts fort classiques :
Les poètes antiques, les Grecs, les Latins,
Bien sûr, Hugo, Verlaine, les Romantiques
Aussi, mais les Modernes, elle ne les supporte pas
Il n’y a rien à faire- moi non plus
D’ailleurs, très peu- ni davantage les fans de Dada-
Les Dadaïstes- ni les Surréalistes
Et les nouveaux poètes en « istes »
-Pareil pour moi- pas plus
Ceux qui écrivent en prose et moins encore les « Hermétiques »
Et les « Obscurs » dont on ne comprend rien !
M’incluant véhémentement dans ses critiques
Elle me reproche de ne pas suivre des Anciens
Les règles ni de faire aucun effort technique,
Faisant fi des beaux alexandrins aux douze pieds
Comme des octomètres aux huit pieds ;
A ses yeux- ce sont ses mots- je versifie comme un cochon !
Bien qu’étant en poésie sans prétention
De ses propos j’en ai été blessé, et grognon
Mais sans élevé la voix, sans colère ni éclats
Je lui ai expliqué qu’à mon pas
Je voulais marcher, vagabonder, rêver
Emprunter sentes et sentiers à peine tracés
Plutôt que les larges chemins bornés
Et que la règle des pieds
A laquelle elle est très attachée
Sans profit me contraignait, brimait ma liberté
Et au final me les brisait menu, en clair me cassait les pieds !
Ma chère Muse- je lui donne ce qualificatif affectueux
Car nous étions jusqu’à ce jour très amoureux-
-Ayant la tête près du bonnet- très contrariée
Que je la contredise, et par ma façon bien peu châtiée
De m’exprimer, sans fioritures ni ambages
Faisant sien mon rude langage
M’a asséné qu’incessamment elle me laisserait choir !
Quel coup reçu ! Imaginez mon désespoir !
Finie notre belle histoire !
Ma Muse ma bien-aimée me quitte sans un possible au-revoir
Rompt, divorce, alors qu’ensemble main dans la main
Depuis longtemps nous parcourions le même chemin !
Depuis ses mots si durs, je ne sais trop quoi faire
Pour à ma Muse plaire
Et qu’elle revienne à de plus douces intentions.
Ecrire des alexandrins, il n’en est pas question :
Je ne peux me refaire !
Tout ce que je puis tenter
Je crois- c’est essayer de la persuader
De la convaincre sans la brusquer
Que malgré mes efforts, je ne sais pas mieux faire
Que son poète chéri ne deviendra jamais du grand Hugo
De près ou de loin le frère jumeau
Et que ses ambitions pour moi tombent à l’eau
Lui faire admettre aussi tout en douceur que pour coucher
Un vers ou deux sur le papier
Même médiocres- tant pis pour les lauriers !
J’ai grand besoin de liberté.
En attendant, pour les prochains,
Ceux qui plus tard viendront
Demain peut-être – j’espère- selon l’inspiration
Qui ne seront pas des quatrains,
Pour ma Muse tant aimée,
A qui j’adresse un doux baiser
Je vais bien m’appliquer !
Le cresson
Je me suis pris d’une nouvelle passion
Puissante, irrésistible.
A beaucoup elle paraîtrait risible
Mais c’est ainsi : totalement dominé par ma pulsion
Je ne suis plus maître de ma raison
Et m’interroge : deviendrais-je débile ?
Je suis devenu fou du cresson
A m’en rendre malade !
Oui, d’une salade !
Mais c’est si bon !
Mon nez
« Il a le nez de sa mère ! »
Voilà comment tous d’une même voix ils s’exclamèrent
Docteurs, sages-femmes et infirmières
Lorsqu’ils me virent né, nu comme un ver.
Oui, j’ai le nez de ma mère.
C’est ainsi que je suis venu sur Terre
Mais à dire vrai il n’est pas celui que je préfère ;
De mes parents aimés, j’aurais voulu porter le nez de mon père
Pour son allure plus altière.
Mieux choyés par le destin, mes frères
Ont hérité de son organe fier.
Le mien, je le trouve ordinaire
De peu de caractère
Mais je n’y peux rien faire
Sauf- mais l’idée ne me tente guère-
D’aller en chirurgie pour qu’on m’opère.
Toutefois mon appendice nasal n’est point calvaire
Ni même misère
Ni fait de moi un pauvre hère
Qui se lamente sans fin et désespère
Lançant ses bras au ciel et ses prières.
S’il n’est le paradis, mon nez n’est pas non plus l’enfer !
Ainsi donc, et sans intention suicidaire
Ni maintenant ni davantage demain j’espère
Je porterai le nez de ma mère
Dont je suis le seul dépositaire
Du premier cri jusqu’à mon heure et ma demeure dernières
-« Requiescat in pace »- au cimetière.
01 Alcools
01 Zone
A la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin
Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine
Ici même les automobiles ont l’air d’être anciennes
La religion seule est restée toute neuve la religion
Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation
Seul en Europe tu n’es pas antique ô Christianisme
L’Européen le plus moderne c’est vous Pape Pie X
Et toi que les fenêtres observent la honte te retient
D’entrer dans une église et de t’y confesser ce matin
Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut
Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux
Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières
Portraits des grands hommes et mille titres divers
J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était le clairon
Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes
Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent
Le matin par trois fois la sirène y gémit
Les inscriptions des enseignes et des murailles
Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent
J’aime la grâce de cette rue industrielle
Située à Paris entre la rue Aumont-Thiéville et l’avenue des Ternes
Voici la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant
Ta mère ne t’habille que de bleu et de blanc
Tu es très pieux et avec le plus ancien de tes camarades René Dalize
Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Eglise
Il est neuf heures le gaz est baissé tout bleu vous sortez du dortoir en cachette
Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collège
Tandis qu’éternelle et adorable profondeur améthyste
Tourne à jamais la flamboyante gloire du Christ
C’est le beau lys que tous nous cultivons
C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent
C’est le fils pâle et vermeil de la douloureuse mère
C’est l’arbre toujours touffu de toutes les prières
C’est la double potence de l’honneur et de l’éternité
C’est l’étoile à six branches
C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur
Pupille Christ de l’œil
Vingtième pupille des siècles il sait y faire
Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l’air
Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
Ils disent qu’il imite Simon Mage en Judée
Ils crient qu’il sait voler qu’on l’appelle voleur
Les anges voltigent autour du joli voltigeur
Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane
Flottent autour du premier aéroplane
Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie
Ces prêtres qui montent éternellement élevant l’hostie
L’avion se pose enfin sans refermer les ailes
Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles
A tire-d’aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux
D’Afrique arrivent les ibis les flamants les marabouts
L’oiseau Roc célébré par les conteurs et les poètes
Plane tenant dans les serres le crâne d’Adam la première tête
L’aigle fond de l’horizon en poussant un grand cri
Et d’Amérique vient le petit colibri
De Chine sont venus les pihis longs et souples
Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couple
Puis voici la colombe esprit immaculé
Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellé
Le phénix ce bûcher qui soi-même s’engendre
Un instant voile tout de son ardente cendre
Les sirènes laissant les périlleux détroits
Arrivent en chantant bellement toutes trois
Et tous aigle phénix et pihis de la Chine
Fraternisent avec la volante machine
Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule
Des troupeaux d’autobus mugissants près de toi roulent
L’angoisse de l’amour te serre le gosier
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé
Si tu vivais dans l’ancien temps tu entrerais dans un monastère
Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière
Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pétille
Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C’est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près
Aujourd’hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantées
C’était et je voudrais ne pas m’en souvenir c’était au déclin de la beauté
Entourée de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardé à Chartres
Le sang de votre Sacré-Cœur m’a inondé à Montmartre
Je suis malade d’ouïr les paroles bienheureuses
L’amour dont je souffre est une maladie honteuse
Et l’image qui te possède te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse
C’est toujours près de toi cette image qui passe
Maintenant tu es au bord de la Méditerranée
Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’année
Avec tes amis tu te promènes en barque
L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques
Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs
Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur
Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague
Tu te sens tout heureux une rose est sur la table
Et tu observes au lieu d’écrire ton conte en prose
La cétoine qui dort dans le cœur de la rose
Epouvanté tu te vois dessiné dans les agates de Saint-Vit
Tu étais triste à mourir le jour où tu t’y vis
Tu ressembles au Lazare affolé par le jour
Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont à rebours
Et tu recules aussi dans ta vie lentement
En montant au Hradchin et le soir en écoutant
Dans les tavernes chanter des chansons tchèques
Te voici à Marseille au milieu des pastèques
Te voici à Coblence à l’hôtel du Géant
Te voici à Rome assis sous un néflier du Japon
Te voici à Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide
Elle doit se marier avec un étudiant de Leyde
On y loue des chambres en latin Cubicula locanda
Je m’en souviens j’y ai passé trois jours et autant à Gouda
Tu es à Paris chez le juge d’instruction
Comme un criminel on te met en état d’arrestation
Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages
Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’âge
Tu as souffert de l’amour à vingt et à trente ans
J’ai vécu comme un fou et j’ai perdu mon temps
Tu n’oses plus regarder tes mains et à tous moments je voudrais sangloter
Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a épouvanté
Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres émigrants
Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants
Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare
Ils ont foi dans leur étoile comme les rois-mages
Ils espèrent gagner de l’argent dans l’Argentine
Et revenir dans leur pays après avoir ait fortune
Une famille transporte un édredon rouge comme vous transportez votre cœur
Cet édredon et nos rêves sont aussi réels
Quelques-uns de ces émigrants restent ici et se logent
Rue des Rosiers ou rue des Ecouffes dans des bouges
Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue
Et se déplacent rarement comme les pièces aux échecs
Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque
Elles restent assises exsangues au fond des boutiques
Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux
Tu es la nuit dans un grand restaurant
Ces femmes ne sont pas méchantes elles ont des soucis cependant
Toutes même la plus laide a fait souffrir son amant
Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey
Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercées
J’ai une pitié immense pour les coutures de son ventre
J’humilie maintenant à une pauvre fille au rire horrible ma bouche
Tu es seul le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive
C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive
Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie
Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée
Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance
Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances
Adieu Adieu
Soleil cou coupé
02 Le pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure
La Loreley
A Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d’amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l’évêque la fit citer
D’avance il l’absolvit à cause de sa beauté
Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m’ont regardée évêque en ont péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley
Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelé
Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien
Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j’en meure
Mon cœur me fait si mal depuis qu’il n’est plus là
Mon cœur me fait si mal du jour où il s’en alla
L’évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu’au couvent cette femme en démence
Va-t-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc
Puis ils s’en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir encore mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves
Là-haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là-haut sur le Rhin s’en vient une nacelle
Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle
Mon cœur devient si doux c’est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
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ELLE
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LUI
|
|
>Bonsoir mon chéri
>Sais-tu la nouvelle mon amour ?
>Tu vas être content, mon chéri !
Oh, oui ! Tu l’attends depuis si longtemps!
Mais avant, je t’en prie !
Fais-moi plaisir : essaye de deviner, mon amour
>Alors écoute, mon doux seigneur,
Seigneur de mon coeur :
Le thème du Printemps des Poètes cette année
Est : « D’infinis paysages »
>Oui, j’en suis sûre, mon aimé
>Ah, bon ?
Mais mon chéri, voyons !
Imagine les grands espaces, les immensités
L’océan, la mer
Les montagnes, les déserts
Le ciel ! Tiens, même la voie lactée !
Il y a de quoi dire
Pour toi, mon amour, non ? Et autant à écrire ?
>Je suis étonnée mon chéri
Doux amant de mes nuits et de mes jours
De ce que tu me dis
Pourquoi aller alors, mon amour
Mon cœur, tous les étés
De nos vacances à la montagne
Ou en campagne ?
Et les fins de semaine voir les forêts, les bois
Ou les bords de rivières, quelques fois ?
Oh, mon beau cygne chanteur, mon rossignol, dis-moi !
>Bon, mon chéri
C’est dommage
Mais puisque tu le dis !
>Oh, oui, mon amour !
Voyageons ainsi, mon amour !
|
>Bonsoir mon amour
>Non, ma chérie
Mais tu vas me la dire, mon amour
>J’aimerais bien, ma chérie, mais comment
Le pourrais-je, mon amour ?
>« D’infinis paysages » !
Tu en es sûre, mon amour
Ma princesse, ma sirène adorée ?
>Tiens donc ! Quelle drôle d’idée ! Etonnant
Ce thème, tu ne trouves pas,
Toi que j’aime
Et qui m’aimes?
Vois-tu, mon amour, comme ça,
Au débotté
Ce thème ne m’inspire nullement !
>Eh bien non
Ma chérie, ma jolie fleur parfumée !
Toi mon lys, mon orchidée
Mon rouge coquelicot, vraiment non !
Vois-tu, mon amour
Ce que j’aime, ce que je préfère
Et qui m’inspire pour l’écriture
C’est la culture
L’histoire humaine
La ville, la vie urbaine
Mais les oiseaux, les papillons
A longueur de journée, les poissons
Les fleurs, les arbres, les rivières
J’aime bien
Certes, je ne vais pas dire non
Ni que toutes ces beautés ne me disent rien
Mais elles ne me disent guère
>Tu as raison
Ma libellule, mon joli papillon
Toi mon abeille butineuse: j’aime la campagne
-Beaucoup- les champs, la montagne
La forêt
Les rivières, les lacs, les marais
Mais pas longtemps
Juste ce qu’il faut : un petit moment
C’est tout, pour changer
Me ressourcer, me refaire une santé
En voyant de la nature la beauté
En ta si douce compagnie
Car après….je m’ennuie !
Voilà, c’est dit
Tu le sais, mon joli colibri
Ma douce colombe, je ne suis ni randonneur
Ni cycliste, ni davantage pêcheur
Ni flâneur
A peine rêveur
Et moins encore adepte de la méditation !
Alors ! Et puis, là, mon aimée
Ma petite caille, ma jolie grive dorée
Ma fauvette babillarde, attention
Ce sont les « infinis paysages »
Ce ne sont plus les mêmes dimensions !
A part la mer
-Qui me fait peur, la mer
Avec ses vagues, ses tempêtes
Et dedans ses grosses bêtes-
Je ne connais rien aux « infinis », moi : le Sahara
Non !
Les immensités glacées, la toundra, la taïga
Non !
La banquise, non !
Jamais je n’ai gravi le sommet d’une montagne
au-dessus des nuages
Finalement, j’ignore ce que sont les « infinis paysages » !
>Oui, mon amour
Ma tendre dame de cœur, mais pour toi,
Pour te faire plaisir, tu le sais, toujours
J’essayerai d’écrire quelque chose, et ma foi
Si je n’y arrive pas, ils iront se faire lanlaire
Avec leur Printemps pas clair !
Mais pour le moment, tous les deux
Ma bienaimée, on a, en amoureux
Des choses si douces à faire !
Allons, viens, ma chérie
Ma tourterelle, mon arc en ciel
Ne perdons plus de temps
Allons un long moment
D’amour remettre le couvert
Voyageons ! Envoyons-nous au septième ciel
Au-delà des étoiles, faire le grand tour
Des « infinis paysages » de notre amour !
>Viens vite, mon amour
|
C’est foutu !
C’était quoi l’idée
Qui m’a donné l’envie
D’écrire une poésie ?
Je ne m’en souviens plus !
A peine venue
Elle est partie
Plus vite que courant d’air. Pfuitt…envolée
Sur ses grandes ailes évanescentes ! Evaporée !
Où est-elle maintenant cette idée ?
Dans les éthers probablement et les nuées !
Insaisissable, elle joue sans doute à chat perché
Ou à cache cache sur les rondeurs blanches des cieux
Avec l’astre solaire, maître des lieux !
Lui est aux anges surement, radieux :
« Cette idée d’un humain malhabile échappée
Qui me rend une visite, quelle chance !
Je vais m’en faire une amie
Et l’inviter très longtemps à rester !
Enfin je vais pouvoir me distraire et j’espère m’amuser !
Car les planètes, les étoiles, c’est gentil
Mais de toute éternité
A la longue, je m’ennuie !
Oh, oui, les rondes galactiques, ça suffit ! »
Plein d’espoir, le soleil est content, moi non ! L’idée poétique est partie
C’est foutu !
Je veux être gay
Je me sens depuis quelques temps
Triste, pas gai, avec en prime
Un fond de déprime.
Certes, en moi l’anticyclone résiste
Mais la dépression en se creusant
Pousse fort, insiste
Le temps se gâte avec un vent qui souffle du noroit.
Mes amis s’en attristent et me disent : « Marc, tu as très mauvaise mine
Tu tires un sale coton, allons, ressaisis-toi ! »
Mes amis sont gentils avec moi
Et de fort bon conseil, pourtant si difficile à suivre! Aussi ai-je pensé
Que pour être plus gai
Revoir la vie en rose d’autrefois
Je devais peut-être suivre la mode, devenir gay
Comme tout le monde, virer de bord et ma cuti
Troquer la voile pour la vapeur, comme on le dit ici
Changer de tout au tout, surtout de libido
Ce serait certainement rigolo
Et je serais ainsi guéri.
Certes il me faudrait dépenser quelques sous
Pour ma nouvelle garde-robes, acheter des jupettes
Des choses féminines pour faire un peu tapette
Affriolantes en diable, des dessous
Très coquins, des culottes en dentelle, des guêpières
Du rouge à lèvres, du fard pour les paupières
Que sais-je encore ? Peut-être aussi en recours ultime
Faire appel à la chirurgie esthétique pour les choses intimes ?
Avec quel homme me mettrais-je en ménage ?
Un grand nordique, imberbe, blond et très pâle de teint?
Ou un petit noiraud bien méditerranéen
Apollon tout en muscles et velu? De mon âge
En tous cas ; et comme une bonne ménagère
Attentionnée en tout je lui ferais cuisine, courses et bien sûr repassage
Et bien que cela ne se pratique plus guère
Comme autrefois aux temps durs des disettes
Amoureusement je repriserais ses chaussettes
Le soir, je serais à ses soins
Et pour mon bien-aimé
Au retour du travail après une rude journée:
Câlins, apéritif ou bière, et les potins
Et le dimanche, jour de fête :
Poulet grillé, frites, pastis ou anisette
Oh oui, ce changement de rôle
Pourrait me semble-t-il être bien drôle !
Mais à vrai dire je suis très hésitant
C’est que le saut à faire est important
Un peu comme pour César le Rubicon
En plus sous l’œil moqueur de Cupidon !
Le résultat est garanti
Bien sûr, mais à quel prix !
Je vais donc sans précipitation
M’accorder un délai long de réflexion
Tout le temps qu’il faudra- pour prendre ma décision
De devenir ou non
Gay pour de bon
Couleurs Femmes
Elle a les cheveux rouge et bleu
Tranchés de mèches orange et vert
Flamboyants, crêtés
Rasés sur les côtés.
Ses yeux sont couleur de pierre
Cerclés de mauve et sa peau rayée du bleu
Des veines, blanche comme le lait.
Oh, comme ainsi arc en ciel elle me plait !
Des piercings étincellent à sa lèvre et pareil
A sa narine et son lobe d’oreille.
Elle porte un pantalon de jean moulé
Rapiécé, effrangé et troué
Des bottes et un blouson de cuir noir clouté
Sur un chemisier rouge ; une chaîne ceinture sa taille fine d’acier.
A son bras une jeune black d’Ethiopie
Sa copine de gauche est asiate, d’Indonésie
Toutes les trois en âge jumelles
En esprit, en habits, toutes trois jeunes gazelles
Parlent fort en marchant du même pas
Et rient sans retenue aux éclats
Elles provoquent, elles allument, elles ont dans le regard un défi
Et une grande faim à mordre dans la vie.
Elles ont vingt ans, elles sont belles
Et comme j’ai le désir d’elles !
Elle est rousse couleur d’oxyde de fer
Cheveux courts à la garçonne ; ses yeux verts
Ont des lueurs mauves et ambrées
Elle a le teint hâlé
Par le soleil des Tropiques ; elle porte du Dior
Pantalon de cuir noir, du Chanel, blanc, et du Gaultier
Ses bijoux sont des Cartier
A ses doigts, à ses poignets, au cou brillent l’or
Et les diamants ; elle est grande et de ses talons hauts
Elle resplendit comme une étoile et regarde le monde de très haut
Elle a la beauté, l’argent et ses amants
Riches et beaux comme elle, l’attendent sur tous les continents
Elle a du chic, du chien, voyage en 1ère classe
Champagne, hôtels de luxe, palaces
Elle se baigne nue dans les eaux bleues des Maldives et des Seychelles
Elle ne doute de rien, sûre d’elle.
Elle a trente ans, elle est belle
Et comme j’ai le désir d’elle !
Elle est blonde avec les yeux
Comme un ciel tout bleu
Du soleil son corps n’a pas exagéré
Elle est à peine hâlée
Elle semble venir des pays nordiques
De Suède, de Norvège ou des Pays baltiques
Où le soleil est froid et pâle ; ses cheveux
Tombent sur ses épaules ondoyant
A chacun de ses pas ; elle est toute vêtue de blanc
Sagement
Gilet et jupe longue, sauf un chemisier à fleurs
Vives. Son regard et son sourire rayonnent d’amour et de bonheur
Un anneau brille à son doigt, dans ses bras un jeune enfant
Par la main elle tient un autre plus grand
A côté, l’aîné ; leur père, ses petits
C’est toute sa vie.
Elle a quarante ans, elle est belle
Mais je n’ose avoir un désir d’elle !
Elle est brune, cheveux noir corbeau
Brillants, et ses yeux sont pareils ; sa peau
A bu toutes les ondes solaires, ocrée
Sa lèvre fardée de rouge est fine et son nez
A du profil des aigles la beauté
Elle porte une grande jupe noire
Et un chemisier pourpre de moire
Aux reflets changeant ; l’or orne son cou et ses poignets ; on dirait une gitane
Une andalouse de Séville ou une née de Catane
Son sourire est éclatant mais déjà quelques fils d’argent aux cheveux
Quelques plis d’amertume, des rides aux coins des yeux
Montrent que le temps a passé
Et que les années ont compté.
Elle a cinquante ans, elle est encore belle
Et comme j’ai le désir d’elle !
Le lombric
Lors de ma promenade ce matin j’ai failli marcher sur un lombric.
Cet animal que je trouve fort sympathique
Pour vouloir faire de la terre
Où il demeure un immense gruyère
Traversait le chemin de ses reptations élastiques
Aussi vite qu’il le pouvait : il allait bien lentement !
Tout occupé à admirer le ciel, je l’ai vu au dernier moment
C’est qu’il se déplaçait silencieusement !
De belle taille, il était rond et d’un rouge éclatant.
Que faisait là ce ver ?
C’est un bien grand mystère
Car d’habitude ces animaux ne sortent guère
Ni en plein jour ni de leurs trous de terre.
Ce ne sont pas des vagabonds.
Et ils ont bien raison
Car au dehors les guettent dans les airs
Voraces des animaux à plumes dotés d’un méchant bec
Qui les dégustent sec.
Ils ont pour nom Corbeau- aussi noir que charbon-
Ou Corneille, c’est selon
Et Pie- aux deux couleurs-
Qui à la chasse sont loin d’être amateurs.
Ces deux oiseaux sont de vrais tueurs
-Des drôles d’oiseaux, je vous assure-
Qui des vers font leur pâture.
Ils s’en régalent d’un coup de bec tranchant, comme un ciseau
Les découpant en quatre, en six, en petits morceaux
Puis les gobant presto.
Et quand au printemps de leurs amours naissent des petits
A tire d’ailes ils les apportent au nid
Ainsi tout tronçonnés, tout préparés
Aux affamés goulus pour être dégustés !
Bien qu’elles fréquentent nos villes et le voisinage
De nos maisons, Corneilles et Pies sont demeurées des bêtes sauvages
Qui chassent et tuent comme nous humains aux Premiers Ages.
Aujourd’hui il paraitrait que nous agirions bien autrement et à notre avantage
Car nous ferions de l’élevage.
Mais c’est un grand mensonge, et cent fois pire nous faisons
Car lorsque le bœuf ou le mouton
Ayant brouté paisiblement leur pré, le poulet ou le cochon
Sont bien dodus, bien engraissés, bien ronds
Aussitôt sans hésiter nous les tuons.
Hypocritement avant on les insémine
Pour qu’ils soient plus nombreux plus gros plus vite, on les vaccine
On les gave et les chouchoute jusqu’à les baptiser de tendres noms
« Marguerite », « Blanquette » ou « Pompon »
Puis on les assassine !
Même les petits encore à la tétine
Veaux, porcelets, agneaux !
Alors une fois pendus aux crocs
Avec dextérité on les découpe à la scie ou au couteau
En tranches, en filets, en gigots
On les mixe, on les broie pour au four ou au chaudron
A la broche ou à la poêle leur assurer une bonne cuisson
Pour qu’ils remplissent nos assiettes et nos bedons !
Sans états d’âme et sans remords nous en faisons des boulettes
Des pâtés et pour nos chiens des croquettes !
Les pieds, le foie, la cervelle, la tête
La peau, tout y passe, rien ne reste !
Nous sommes en fait comme ces oiseaux des tueurs
Mais bien moins qu’eux des amateurs
Car tout par nous est planifié, organisé et calculé
-C’est une vraie industrie- pour tuer et pour manger.
Et ce massacre a pris de gigantesques proportions maintenant
Que nous sommes 6 milliards d’habitants
Telles que pour assurer toutes nos ripailles, sans fin
Chaque jour et en tous lieux coulent sur la terre des rivières de sang
De tous ces animaux morts que l’homme pour assouvir sa faim
A tués.
Voilà ce à quoi j’ai pensé
En voyant le ver traverser.
J’ai fait un écart pour ne pas l’écraser.
Je n’aurais point voulu que mon lombric
Se transforme soudain en un éclat rouge magnifique.
Je l’ai pris délicatement
-Il protestait en gigotant dans tous les sens- et doucement
Je l’ai posé dans l’herbe verte où
Vite Il irait faire son trou.
Et je lui ai dit silencieusement: « Ami lombric, fais attention !
Ne vas pas n’importe où avec tes reptations !
Dehors il y a des prédateurs
Qui veulent te manger, des oiseaux tueurs ! »
Je suis resté avec le ver
Jusqu’à ce qu’il entre dans son abri de terre.
Puis j’ai continué mon chemin tranquillement
En regardant où je mettais mes pieds, très soigneusement.
Je suis très bien ici
A travers mes fenêtres les lumières
Brillent dans l’eau du port
Les guirlandes de la ville et ses réverbères
Ne me donneraient guère plus d’ors.
Venu de l’Est se répand un grand froid
Sur les quais il faut bien se couvrir
Ce n’est pas comme chez moi
Où je peux me dévêtir.
Demain peut-être j’irai voir
Les filles jolies et les lumières des trottoirs
Mais ce soir je lis et j’écris
Tranquillement des poésies.
Le spectacle du port
Me suffit
Point n’ai besoin du dehors
Je suis très bien ici.
Baiser volé
Je lui ai volé un baiser
Fugace, léger
Quand je lui ai souhaité la bonne année
Comme ses lèvres étaient douces et si doux ce baiser !
Jamais une année n’avait si bien commencé !
Me dénoncera-t-elle à la maréchaussée
De l’avoir dérobé ? Ma Belle ne s’est point débattue
S’est laissée faire, n’a pas crié non plus
Mon baiser elle me l’a même rendu !
Non, je crois que je ne serai pas pendu.
Depuis chaque jour je suis empli de joie
Car mon baiser volé, j’y pense, le sens et le revois
Tel un phare il éclaire ma vie. Oh, comme je suis heureux
D’être si amoureux !
Et comme j’aimerais lui en voler en cent autres occasions
A son anniversaire, au beau jour de sa fête, mille fois, à profusion!
Désormais je vais épier
Impatient, toutes les dates du calendrier.
Je suis un voleur de baiser
De ma Belle follement énamouré
Saurais-je au long de cette année
Encore lui en voler ?
LE PRINTEMPS DES POETES 2009 : EN RIRE
Je ne ris plus
Hier, j’ai ri
Avant-hier, j’ai ri
Et tous les jours d’avant, autant qu’il m’en souvienne, aussi.
A chaque fois que j’ai pu, j’ai ri de tout
J’ai ri de moi surtout
Finalement, chaque jour passé fut un très grand esclaffement
Et je m’en suis trouvé fort bien portant.
Mais aujourd’hui je ne ris plus, je fais grise mine
Et je me mine
Même pire encore je crois déprime.
Car « Le Printemps des Poètes » lancé aux rimailleurs par la mairie
Impose le rire pour thème. Et j’en suis fort marri !
Car ça ne me plait en aucune sorte, et du coup
Par contrecoup, je ne ris plus du tout.
Car j’insupporte- j’ai en horreur- d’être embrigadé
Même pour du beurre, pour rire, pour versifier, d’être obligé.
Car sur le fond je suis rebelle, j’aime vivre et être en liberté
Je suis un anarchiste et m’insupportent toutes choses imposées
Pour dire : des soirs, je sors de mon placard le drapeau noir
Et ceins pour le plaisir mon front du bandeau noir
Et quelques fois ainsi drapé file sur Paris
La grande ville où tout y est permis.
Et puis le rire ne se commande pas
En simplement claquant les doigts ; ce ne sont pas
Des phrases, de simples mots
Alignés l’un après l’autre au fil de l’eau.
Ceux qui pensent ainsi ne sont que des petits rigolos.
Si encore sur le sujet j’avais quelques idées
Je me forcerais, à contre cœur bien sûr, de suivre la voie tracée
Je me ferais violence ! Mais de mon inspiration le puis est totalement tari
Sa source aussi, sèche comme d’autres le sont l’été en plein midi.
Depuis, stressé, je serre les dents, les poings, les fesses, tout
J’en ai perdu le sommeil, et l’appétit itou
Depuis que mes zygomatiques
N’exercent plus leur bienfaisante gymnastique.
En outre-horreur- sur tout mon corps poussent des eczémas
Non, plus rien ne va !
Pire, il m’est venu au nez un gros bouton
Enorme, protéiforme, comme un bubon
Que fuient les jeunes filles en fleur et les femmes plus mûres !
Dur !
Mon rire ne s’exhale plus de mes poumons
Je ne pleure plus à chaudes larmes, ni ne tressaute mon ventre rond.
Que faire pour retrouver ma joie de vivre
Pour, à nouveau, enfin rire ?
Car il faut que mes maux cessent et en finir.
J’ai bien pensé porter une plainte contre le maire et la mairie
Pour mise en danger de la santé d’autrui.
Ce ne serait que justice ! Certes ils ne trouveraient pas la chose à rire
Et les délais seraient fort longs pour aboutir.
Je serais sans doute malade et alité, peut-être même mourant
Avant !
Non, il faut que j’essaie autre chose, moins hostile
Et surtout plus rapide et facile.
Bon, tant pis, c’est décidé, je vais forcer ma vraie nature,
Comme demandé, je vais faire des travaux d’écriture
Tout au moins essayer- sur le rire
Pour guérir.
DITES-MOI MONSIEUR
Dites-moi, Monsieur, comment font les oiseaux
Pour voler tout là haut
Au ciel ? Comment font-ils pour planer dans les airs
Très loin au-dessus de la mer
Sans même bouger une aile, juste la queue, un peu ?
Souvent, j’ai essayé de faire comme eux
Remuant les bras comme çà
Mais çà ne marche pas, je n’y arrive pas.
Dites-moi, Monsieur, comment font-ils les goélands
Les hirondelles, les mouettes, les cormorans ?
Ils glissent comme des bouchons sur l’eau
Suivant tranquilles des vagues les bas et hauts
Ils craignent ni les grands vents ni les tempêtes
Rien du temps ne les inquiètent
Mais moi j’ai peur de l’eau, je sais très peu nager
Toujours j’ai besoin de ma bouée pour m’empêcher de couler.
Pour eux, flotter c’est si facile !
Dites-moi, Monsieur, comment font-ils ?
J’ai vu des cormorans plonger
A la recherche des poissons, sous l’eau nager
Et revenir chaque fois avec
Un dans le bec.
J’ai tant de mal, moi, à pêcher
Du bord du quai, sur les rochers
Et accrocher un p’tit poisson
A mon hameçon
Vraiment c’est difficile !
Dites-moi, Monsieur, comment font-ils ?
Dans les galets ils font leur nid
Un trou, dans les falaises, pour leurs petits
Avec des riens, des mousses et des herbiers
Brindilles mêlées à de la boue séchée.
Moi, mes pâtés, mes châteaux de sable
Les faire solides, je n’en suis pas capable
Toujours la mer, le vent les cassent ou les dessèchent; j’ai ajouté pourtant
Des algues et des cailloux pour qu’ils résistent longtemps
Mais à la fin, quoique j’essaye, c’est inutile.
Dites-moi, Monsieur, comment font-ils ?
Oh, j’aimerais tant être un oiseau
Et m’envoler aussi là-haut
Au ciel ! Dites-moi, Monsieur
Dites-moi ! Pourrai-je un jour être comme eux ?
C’EST FINI
Mon amour est parti
C’est fini.
Elle est partie un jour
Aux bras d’un autre, pour toujours
Quelqu’un dont j’ignore tout
Un moins que rien
Un rien du tout
Après m’avoir trompé
Des mois et une année
Sans que j’en susse rien
Me laissant là, tremblant
Anéanti, abandonné
Seul, avec mon amour perdu
Nu
Le cœur saignant, désespéré.
Oh ! La haine qui gonfle alors le cœur
Le désir de faire mal
Autant que l’on a mal
De plonger avec soi l’autre dans son malheur
De rendre coup pour coup, pas pour rire
Et plutôt dix pour un, et détruire
D’entraîner avec soi dans le néant
Et son amour perdu et l’amant
Surtout lui
L’ordure
La pourriture
L’ennemi
A qui on veut soudain
Une haine féroce, implacable, sans fin
Oh ! Le châtrer
L’émasculer
L’empaler
L’estropier
Lui briser les jambes et les bras
Et non content de çà
Le rendre impuissant, incapable de rien
Réduit à rien
Le crucifier
L’éventrer
Plonger la tête dans ses entrailles et tout dégoulinant de sang
Lui dévorer le foie et le cœur tout fumant
Brûler sa maison, réduire en cendre
Tout ce qu’il est, ce qu’il aime, et le pendre.
Dans mon cœur gronde depuis ce jour
Un orage si noir et un feu si violent
Qu’il faudra tant d’amour
Pour qu’il batte à nouveau calmement.
Oh mon âme en supplice
Souffrante
Rongée de désirs noirs, de mort et de violence
Libère-toi des chaînes qui te rendent impuissante
A prendre vengeance
Passe à l’acte, fais-toi justice
Education
Morale, Religion
Dont tu es encombrée
Jette-les aux orties, brûle-les, fais en cendre et fumée
Retrouve ta nature première
Et barbare, ressors ta hache de pierre
Et ta massue de bois
Revêts ta peau de bête, et alors sans émoi
Du fond de tes entrailles pousse ton cri de guerre
Et de mort
Va tuer
Et de meurtres te goinfrer
Sans remords.
Mon amour est parti
C’est fini.
Depuis mon cœur saigne et souffre tellement
Du coup qu’il a reçu, si grand!
Quel mal font ces choses là
Lorsqu’elles arrivent quand on ne lesattend pas !
Et cette certitude affreuse et ces regrets
Sans fin d’avoir perdu pour toujours
A jamais
Un bien irremplaçable, merveilleux
Et combien précieux
Qui s’appelle « amour ».
Mon amour est parti
C’est fini.
ANNE LA BELLE
Elle plait à tout le monde
Tant que je hais tout le monde.
Je suis jaloux de tout
De lui, d’eux, de vous,
En définitive malheureux
D’être tant amoureux
D’elle
Si belle.
Anne la belle est trop belle
Que mon cœur chancelle
Et n’est plus raisonnable,
Incapable
De penser autre chose
Qu’à elle, et je n’ose
Plus rien, même la voir
Ni l’apercevoir
Ni même lui parler
Ni lui faire simplement quelque signe d’amitié
Paralysé
Que je suis devant elle
Si belle.
Anne la belle est trop belle.
EST-IL TROIS HEURES?
Est-il trois heures ?
Est-il quatre heures ?
Je l’entends : elle entre
Comme une amie de la maison pour me surprendre
Un peu dans mon sommeil au lit
A moitié ou au tiers endormi.
Bruits furtifs, lumière : vision en contre-jour
De ma belle deshabillée, tenue d’amour.
Son corps délice de satin chaud
Vient se coller contre ma peau.
Oh, main gourmande qui sur moi glisse
Si douce, mon dos, mes bras, mes cuisses !
Réveillé, mon désir fort l’enserre.
Comme elle aime et se laisse faire !
Avide ma bouche
A sa bouche
Se joint : oh, ce baiser !
Est-il trois heures ?
Est-il quatre heures ?
Belle nuit d’amour ensommeillée.
Je la vois en contre-jour se rhabiller,
Elle si peu habillée
Puis me quitter : baiser.
Adieu, bonheur
Jusqu’à demain ? Même heure ?
Est-il trois heures ?
Est-il quatre heures ?
ELLE ET LUI
Elle
Se penche vers lui avec tendresse
Avec un geste de la main très doux pour une caresse.
On devine son cœur qui palpite
Submergée par l’amour qui l’habite.
Mais elle se retient, par pudeur sans doute et crainte de gêner
Alors qu’elle voudrait tant
Se jeter dans les bras de son amant,
Lui montrer son amour, l’embrasser, contre lui se serrer
Et là s’abandonner et se fondre, ne faire qu’un avec celui
Qu’elle chérit.
Lui
Est froid comme glace.
Mains serrées, il ne bouge d’un pouce de sa place
Indifférent, du moins en apparence,
Presque hostile aux appels qu’elle lui lance.
Parfois de temps en temps
Comme on lance une pièce à celle qui mendie, parcimonieusement,
Il glisse une main à son genou,
Mais c’est tout
Ca dure peu
C’est si peu amoureux.
Elle et Lui
Pourquoi sont-ils ensemble tous deux ?
Elle follement amoureux
Et lui si peu ?
On voudrait tant pourtant
Qu’ils s’aiment follement
Oubliant alentour
Tout, pour vivre leur amour.
Mais non ! Il y a quelque chose entre eux
Déjà qui les rend malheureux.
Oh ! C’est triste et imparfait !
Oh ! Comme le monde est mal fait !
DIMANCHE
Je craignais qu’elle soit devenue indifférente,
Qu’elle ne m’aime plus : tout ce temps sans un appel,
Un mot, un signe, comme quoi ma douce amante
Pensait toujours à moi autant que moi à elle.
Alors, triste, je m’étais dit : Eh bien voilà, tout est fini !
Et puis, dimanche, Je l’ai vue, passant non loin, vêtue d’une robe blanche
Ou bleue peut-être, légère, que le vent
Polisson soulevait par moment,
D’un grand chapeau coiffée.
Qu’elle était belle ainsi dans la lumière d’été !
Sachant que je la regardais, s’est retournée
Et discrète, m’a fait un signe, un sourire ébauché.
Oh, bonheur ! Instant si doux !
Message si tendre échangé entre nous !
Oh, belle maîtresse, retourne-toi vers moi
Encore. Recommençons : ouvre ma porte comme autrefois !
Monsieur le maire,
Après vous, je suis le plus ancien d’cette assemblée.
Je n’en suis pas plus fier,
Car je l’avoue avoir quelques années
De moins me plairait bien. Ayant donc l’ancienneté
Et le privilège de l’âge, permettez-moi de vous adresser,
Monsieur le maire,
Après ces quelques phrases liminaires,
Au nom de toutes et de tous ici,
Cette marine poésie.
* * * * *
Capitaine,
J’ai embarqué, il y a maintenant deux dizaines
Sur vot’bateau baptisé « la Giffoise » : un voilier bien membré,
Solide et bien toilé,
Une jolie goélette, fine et très racée,
Qu’on disait pouvoir tenir la mer
Tout autour de la terre,
Et dont je suis tombé amoureux fou rien qu’à la voir.
Avant de monter à bord un soir
Avec mon sac, quelques marins du quai m’ont averti :
« Tu sais mon p’tit,
Y’a l’capitaine, c’est pas un pisse-petit,
C’est un patron, c’est un vrai boss ;
On ne peut pas dire qu’ce soit une rosse,
Mais y’a des fois, c’en est pas loin ;
Il faut qu’ça roule à la manœuvre, sinon il fait du foin ».
Moi, j’ai été vraiment impressionné
Et, sur le coup, je vous l’avoue, j’ai hésité.
Mais d’autres après m’ont dit :
« N’les écoute pas, ne t’en fait pas, mon p’tit,
Le capitaine, c’est un marin, il connaît tout ;
Un vrai de vrai, y’a pas d’meilleur, crois-nous ;
Vas-y, y’a pas d’méfiance.
Sur la « Giffoise », tu peux voguer en toute confiance ».
Eh bien, Capitaine, comme vous le voyez,
Finalement, j’ai embarqué.
Mes compagnons de bord, tous ici réunis,
Comme moi pareillement avertis,
N’ont guère plus hésité
Et le bastingage l’ont enjambé..
* * * * *
Aie, Aie, Aie, Capitaine,
L’apprentissage fut rude avec beaucoup de peine,
Car certes nous étions matelots,
Mais seulement de quelques milles sous le calot.
Alors, nous apprîmes sous vos ordres le gros temps,
Réduire la toile par mauvais temps,
Prendre un ris pour éviter qu’elle se déchire,
Même deux, même trois, pour éviter le pire,
Que la « Giffoise » ne gîte de trop,
Et qu’au final, se couche sur l’eau.
Mettre à la cape sous l’ouragan,
Ou même sans honte se mettre en fuite à temps
Car la mer est parfois bien mauvaise ;
On n’y est pas toujours à l’aise.
Par gros temps, il faut savoir s’y prendre ;
La mer, il faut vraiment savoir la prendre.
Nous avons admiré vot’maîtrise à la barre
Pour éviter qu’sans crier gare,
La mer nous jette à l’eau ;
Pour mettre bout à la lame l’bateau
Et qu’il ne rende l’âme trop tôt.
« Quartier maître RUGANI, à la manœuvre !…
Tout le monde sur l’pont ! c’est pas l’heure
D’s’endormir ! encore un Corse, un Italien,
Qui connaît mieux les vins que les coups de chien ! ».
* * * * *
Aie, Aie, Aie, Capitaine,
L’apprentissage fut rude avec beaucoup de peine ;
Nous apprîmes sous vos ordres les courants,
Ceux dangereux, bien méchants,
Qui vous poussent à la côte, aux rochers,
Ou vous rejettent au large sans pouvoir aborder.
Nous apprîmes les écueils, les récifs cachés,
Qui font un grand trou dans la coque blessée,
Vous obligent longuement d’écoper,
Jusqu’à parfois tristement vous couler.
Nous apprîmes le p’tit temps,
Quand hélas sur la mer y’a plus d’vent,
Aucun souffle et qu’il faut rechercher
La risée pour pouvoir avancer.
« Quartier-maître GIQUEL ! Quartier-maître LE QUELLEC !
D’Banalec, d’Carantec,
Je n’sais plus ! z’êtes bretons ou bourguignons ?
Laissez donc filer, nom de nom !
Choquer l’écoute, très léger !
Que les voiles soient bien gonflées ! »
Même un jour, à vot’demande, le premier maître ANDRE
A fait tout l’équipage ramer,
Pour n’pas culer…
* * * * *
Aie, Aie, Aie, Capitaine
L’apprentissage fut rude avec beaucoup de peine ;
Tant et tant qu’à plusieurs nous avons espéré
Vous voir passer pas dessus bord, dans la mer agitée,
Rejoindre les requins pour qu’avec leurs quenottes
Aigues et bien coupantes, ils vous boulottent ….
Vous voir attaché
Au grand mat tout ficelé,
Entouré des oiseaux tout hurlants,
Goélands et cormorans criant.
Mais, jamais, il n’y eut de mutinerie,
En votre compagnie,
Car la mer loin d’être toujours cruelle,
Le plus souvent fut belle
Et son capitaine bienveillant,
De temps en temps.
Certes, la navigation à bord de la « Giffoise »,
Autour des océans comme sur la mer d’Iroise,
Ne fut jamais sous vos ordres une promenade de santé,
Mais nous avons bien voyagé,
Passé des caps, accostés en des ports connus,
Découvert des îles, mouillés près de plages inconnues.
Un jour, plein de curiosité,
Voulant savoir où nous étions passés,
Quels courants et tempêtes nous avions rencontrés,
J’ai sur vot’livre de bord et les cartes marines regardé.
A vrai dire, des noms peu marins j’y ai lus,
Mais de vous comme de nous désormais bien connus :
– l’ouragan « AQUAGIF » », la terrible tempête
qui souffle encore aujourd’hui sur nos têtes,
– les récifs « pétition » « opposition » autour desquels il fallut louvoyer,
– les écueils « budget » « déficit », oh combien difficiles à passer,
– les caps « Abbaye » « Chevry » « Moulon » « ZAC de Courcelle »,
Toute une suite de noms, toute une ribambelle,
Chargés de souvenirs,
D’effort, mais aussi de plaisir.
* * * * *
Capitaine,
Non sans joie, non sans peine,
Nous avons fait avec vous un grand et beau voyage.
Il a pris une bonne part de votre âge …
Et du notre. Vous posez aujourd’hui votre sac ; un jour,
Tôt ou tard, ce sera notre tour.
Nous continuons la route maritime et vous vous arrêtez.
Mais, soyez rassuré,
Nous suivrons les leçons bien apprises
Et nous garderons l’cap, sans surprise.
Aujourd’hui, la « Giffoise » est plus belle que jamais elle ne fut
Plus pleine de toutes ses traversées,
Plus ronde, davantage ventrue,
Mais toujours aussi fine et racée.
Nous essaierons de lui garder sa ligne bien élancée..
Capitaine,
Autour de vous, tous ici réunis,
Officiers, sous-officiers, équipage,
Très sincèrement, nous vous rendons hommage
Et, ensemble, nous vous disons « merci ».
Quartier maître RUGANI
De la « Giffoise »
26 février 2001
ST VALENTIN
J’l’ai embrassée sur l’quai du RER
Et puis dedans le RER
Dans les couloirs du RER
A la sortie du RER
Finalement
J’l’ai embrassée tout l’temps
J’en avais envie tellement
Aussi souvent
Que j’ai voulu
Qu’elle a voulu
Dès q’nous avions un p’tit moment
Pour bien nous dire
Quoiq’sans le dire
« J’suis bien avec toi »
« C’est bon d’être toi et moi »
J’l’ai embrassée Jardin du Luxembourg
Devant l’expo photos
J’me souviens plus du nom d’l’expo
Mais j’me souviens de not’ baiser
Baiser d’amour
Si doux baiser
J’l’ai embrassée longtemps
Et puis encore, encore, tant !
J’l’ai embrassée d’vant Picasso
Devant Matisse, Braque, c’était l’expo
D’son nom j’me souviens plus
Non plus
Des gens nous ont r’gardés
Sans doute enviés
Pas d’importance : à Paris le monde
Regarde tout le monde
J’l’ai embrassée rue Servandoni
Devant le peintre qui peignait là, et puis aussi
Place St Sulpice, sur les trottoirs, dans les ruelles
Dans les boutiques- j’étais si bien près d’elle
Tenant son bras- rue d’la Huchette, sous la photo
D’Doisneau
Oh, ce baiser !
Des ouvriers voulant passer
Ont attendu bien gentiment
Qu’on ait fini, souriants
J’l’ai embrassée au restaurant
A l’entrée, au fromage, avant, pendant
Au dessert, sans lui laisser le temps
Dehors encore, sur le parvis de Notre Dame
Plein d’monde, d’vant Charlemagne
Ses Leudes en armes
Oh, combien de fois l’ai-je embrassée
Au cours de cette journée ?
Oh !Comme j’aimerais encore une fois
Aujourd’hui, demain, chaque jour
Toujours
L’embrasser d’amour
Mille fois
J’aime la poésie.
J’éprouve un vif plaisir à lire des poèmes, ceux des grands auteurs bien sûr mais aussi ceux des poètes moins reconnus d’aujourd’hui, et j’éprouve un plaisir semblable à en écrire, lorsque la « Muse » m’inspire.
J’aime relire mes poésies de temps en temps- il m’arrive parfois de les corriger encore- et j’espère que vous aussi trouverez de l’agrément à les parcourir.
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